Sommaire
Introduction
1 RĂ©conciliation : condition pour lâintĂ©gration parfaite de lâĂȘtre humain avec lui-mĂȘme, avec Dieu, avec la communautĂ© ecclĂ©siale, avec la sociĂ©tĂ© et avec le cosmos
2 LâexpĂ©rience de la rĂ©conciliation dans les Saintes Ăcritures
2.1 PĂ©chĂ© â misĂ©ricorde â conversion, dans lâAncien Testament
2.2 PĂ©chĂ© â misĂ©ricorde â conversion, dans le Nouveau Testament
3 LâexpĂ©rience de la rĂ©conciliation dans la pratique de lâĂglise
3.1 SiÚcles I-VI : réconciliation par la pénitence canonique
3.2 SiÚcles VII-XI : réconciliation par la pénitence tarifée / privée
3.3 SiÚcles XI-XX : réconciliation par la pénitence de confession
4 LâexpĂ©rience de la rĂ©conciliation proposĂ©e dans le Rituel de la PĂ©nitence de 1973 et ses dĂ©fis pastoraux
4.1 Le Rituel de la Pénitence de 1973
4.1.1 Points forts théologico-liturgiques
4.1.2 ProgrĂšs et limites
4.2 CĂ©lĂ©brer la rĂ©conciliation aujourdâhui : pistes dâaction
Références
Introduction
Lâapproche du sacrement de la rĂ©conciliation se fera Ă partir des points suivants : 1) La rĂ©conciliation comme condition pour lâintĂ©gration parfaite de lâĂȘtre humain avec lui-mĂȘme, avec Dieu, avec la communautĂ© ecclĂ©siale, avec la sociĂ©tĂ© et avec le cosmos ; 2) LâexpĂ©rience de la rĂ©conciliation dans les Saintes Ăcritures ; 3) LâexpĂ©rience de la rĂ©conciliation dans la pratique de lâĂglise (approche historico-thĂ©ologique) ; 4) LâexpĂ©rience de la rĂ©conciliation proposĂ©e dans le nouveau rituel de la pĂ©nitence et ses dĂ©fis pastoraux.
1 RĂ©conciliation : condition pour lâintĂ©gration parfaite de lâĂȘtre humain avec lui-mĂȘme, avec Dieu, avec la communautĂ© ecclĂ©siale, avec la sociĂ©tĂ© et avec le cosmos
Parmi les questions existentielles posĂ©es par lâĂȘtre humain au fil de lâhistoire, peut-ĂȘtre que celle qui le trouble le plus est la quĂȘte de la paix. Parmi les multiples formes de comportement, tant au niveau personnel que social, il en est qui gĂ©nĂšrent de graves ruptures qui dĂ©passent le cadre des relations humaines, au point de mettre en danger la viabilitĂ© mĂȘme de la vie sur la planĂšte. Il semble que les divisions et tensions dans le monde tendent Ă se dĂ©velopper en cercles concentriques, câest-Ă -dire depuis de simples conflits interpersonnels et familiaux jusquâĂ de grands blocages causĂ©s par les intĂ©rĂȘts politiques des peuples et des nations. Le pape François, dans sa Constitution apostolique Veritatis Gaudium, met en lumiĂšre avec luciditĂ© certains aspects de cette question :
Dâautant plus quâaujourdâhui, nous ne vivons pas seulement une Ă©poque de changements, mais un vĂ©ritable changement dâĂ©poque, caractĂ©risĂ© par une âcrise anthropologiqueâ et âsocio-environnementaleâ globale, dans laquelle nous constatons chaque jour davantage âdes symptĂŽmes dâun point de rupture, Ă cause de la vitesse Ă©levĂ©e des changements et de la dĂ©gradation, qui se manifestent tant dans les catastrophes naturelles rĂ©gionales que dans les crises sociales ou mĂȘme financiĂšresâ. En derniĂšre analyse, il sâagit de âchanger le modĂšle de dĂ©veloppement globalâ et de âredĂ©finir le progrĂšsâ (VG n.3).
Ce changement et cette redĂ©finition du modĂšle comportemental auquel le Pape se rĂ©fĂšre peuvent ĂȘtre associĂ©s au mot ârĂ©conciliationâ, si cher Ă la tradition biblique et liturgique. Il est bien connu que lâĂȘtre humain aspire, dans son essence, Ă un monde meilleur, juste, fraternel, rĂ©conciliĂ©. La concrĂ©tisation dâune telle aspiration exige de la personne de bonne volontĂ© la dĂ©cision de se mettre dans un processus continu de metanoia, de changement radical de sa maniĂšre de penser, dâagir et de ressentir. En effet, lâĂȘtre humain ânâest ni un ânonâ, ni un âdĂ©jĂ â, mais un âpas encoreâ, un ĂȘtre inachevĂ© appelĂ© Ă se perfectionner, qui doit ĂȘtre crĂ©atif et se sentir appelĂ© Ă lutter et Ă avancerâ (BOROBIO, 2009, p.298).
La rĂ©conciliation est une condition sine qua non pour quâil y ait une intĂ©gration parfaite de lâĂȘtre humain avec lui-mĂȘme, avec Dieu, avec la communautĂ© ecclĂ©siale, avec la sociĂ©tĂ© et avec le cosmos lui-mĂȘme. Ce processus commence, en premier lieu, par la reconnaissance des limites et des faiblesses qui induisent lâĂȘtre humain Ă des pratiques illicites et injustes.
La rĂ©conciliation est donc fausse lorsquâelle consiste Ă fermer les yeux sur la rĂ©alitĂ© en feignant quâelle nâexiste pas ; ou lorsquâon commence par sâabsoudre entiĂšrement soi-mĂȘme ; ou encore lorsquâon prĂ©tend se rĂ©concilier en anĂ©antissant lâautre ; ou en renonçant Ă tout effort de rĂ©conciliation en se disant : âIl nây a rien Ă faireâ. Ces voies sont fausses car elles nient, en principe, la condition de base de toute rĂ©conciliation : accepter les deux pĂŽles ou rĂ©alitĂ©s qui doivent ĂȘtre rĂ©conciliĂ©s. (BOROBIO, 2009, p.297)
La rĂ©conciliation est donc le fruit dâun processus de conversion continu qui imprĂšgne toute action humaine, depuis la simple tĂąche quotidienne jusquâaux actions de plus grande envergure telles que : la solidaritĂ©, la correction fraternelle, le pardon mutuel, lâengagement pour la justice, lâimplication dans la dĂ©fense de la vie sur la planĂšte, etc. Ainsi, cette comprĂ©hension de la âconversionâ et la ârĂ©conciliationâ qui en dĂ©coule dĂ©passent lâidĂ©e que le pardon de Dieu se limite uniquement au moment de cĂ©lĂ©bration sacramentelle de la rĂ©conciliation.
2 LâexpĂ©rience de la rĂ©conciliation dans les Saintes Ăcritures
Lâhistoire dâIsraĂ«l est marquĂ©e par lâintervention constante de celui qui est âpatient et misĂ©ricordieuxâ, qui ne tient pas compte des fautes et des pĂ©chĂ©s de ce peuple (Ps 130,3). Cette action salvifique de lâĂternel traverse toute lâĂcriture Sainte. Bien que dâautres approches du thĂšme soient possibles, dans le cadre de ce texte, nous avons choisi dâexaminer lâexpĂ©rience de la rĂ©conciliation Ă travers la triade : pĂ©chĂ© â misĂ©ricorde â conversion (cf. NOCENT, 1989, p.149-154).
2.1 PĂ©chĂ© â misĂ©ricorde â conversion, dans lâAncien Testament
a) Le pĂ©chĂ© remonte aux origines, câest-Ă -dire au moment oĂč lâĂȘtre humain aspire Ă prendre la place de Dieu lui-mĂȘme. Ă cause de ce pĂ©chĂ© originel, nous avons Ă©tĂ© conçus dans la faute (Ps 51,7). Le pĂ©chĂ© est liĂ© Ă lâAlliance. Il constitue donc une apostasie de la fidĂ©litĂ© envers Dieu. Il existe diffĂ©rents types de pĂ©chĂ©, le plus frĂ©quent et le plus grave Ă©tant lâidolĂątrie. En raison de ces âinfidĂ©litĂ©sâ, le peuple dâIsraĂ«l subit des âchĂątimentsâ et connaĂźt la joie du âretourâ Ă Dieu. Bien quâil engage tous, y compris les rois, le pĂ©chĂ© est aussi une responsabilitĂ© individuelle. Le pĂ©chĂ© est esclavage et, pour cela, il attire le chĂątiment de Dieu. Ce chĂątiment est souvent interprĂ©tĂ© comme un remĂšde donnĂ© par Dieu pour corriger ses fils et ses filles du pĂ©chĂ©.
b) La misĂ©ricorde de Dieu est largement chantĂ©e dans les textes sacrĂ©s, car il est misĂ©ricorde depuis toujours (Dt 4,31). Dans le livre des psaumes, par exemple, rĂ©sonnent des voix Ă©loquentes qui louent cette action de Dieu : âCâest lui qui pardonne toutes tes fautes, qui guĂ©rit toutes tes maladiesâ (Ps 103,3) ; âTu as pardonnĂ© la faute de ton peuple, tu as couvert tous ses pĂ©chĂ©sâ (Ps 85,3) ; âIl ne nous traite pas selon nos pĂ©chĂ©s, il ne nous rend pas selon nos fautesâ (Ps 103,10) ; âRendez grĂące au Seigneur, car il est bon : Ă©ternel est son amourâ (Ps 136,1).
c) La conversion est vĂ©cue comme un don de Dieu lui-mĂȘme. Lui-mĂȘme, ou par lâintermĂ©diaire des prophĂštes, invite son peuple Ă la conversion : âFils des hommes, jusquâĂ quand aurez-vous le cĆur endurci ? Pourquoi aimez-vous le nĂ©ant et recherchez-vous le mensonge ?â (Ps 4,3) ; âNâendurcissez pas votre cĆur comme Ă MĂ©riba, comme au jour de Massa, dans le dĂ©sertâ (Ps 95,8) ; âQue chacun revienne de sa mauvaise voie. Corrigez votre conduite et vos actesâ (Jr 18,11) ; âVenez, retournons au Seigneurâ (Os 6,1). En somme, le psaume 51 synthĂ©tise, de maniĂšre Ă©loquente, la thĂ©ologie de la faute, de la conversion et de la misĂ©ricorde de Dieu dans lâAncien Testament.
2.2 PĂ©chĂ© â misĂ©ricorde â conversion, dans le Nouveau Testament
a) Le pĂ©chĂ©, ainsi que toutes ses implications, doit ĂȘtre compris Ă la lumiĂšre du mystĂšre du Christ. Selon lâapĂŽtre Paul, le pĂ©chĂ© est entrĂ© dans le monde par un seul homme (Rm 5,12) et par un seul homme la mort sera vaincue (1Co 15,21). Ainsi, le pĂ©chĂ© remonte aux origines du monde et tous les ĂȘtres humains en sont impliquĂ©s : âSi nous disons que nous nâavons pas de pĂ©chĂ©, nous nous abusons nous-mĂȘmes, et la vĂ©ritĂ© nâest pas en nousâ (1Jn 1,8) ; âQue celui dâentre vous qui est sans pĂ©chĂ© jette la premiĂšre pierre !â (Jn 8,7).
En gĂ©nĂ©ral, dans les Ă©crits nĂ©otestamentaires, le pĂ©chĂ© consiste Ă refuser la Parole (Mt 13,22), Ă nier le Verbe et la lumiĂšre (Jn 3,19), Ă ne pas reconnaĂźtre sa propre cĂ©citĂ© (Jn 9,41), Ă rejeter le Christ (Jn 1,11), Ă pratiquer lâiniquitĂ© (1Jn 2,14-17). En somme, du âpĂ©chĂ©â dĂ©coulent les pĂ©chĂ©s, comme le montre bien lâapĂŽtre Paul dans lâune de ses listes : âdĂ©bauchĂ©s, idolĂątres, adultĂšres, sodomites, voleurs, cupides, ivrognes, calomniateurs, escrocs (…)â (1Co 6,9-10).
b) La misĂ©ricorde caractĂ©rise le Dieu des chrĂ©tiens. Les fidĂšles sont les destinataires de cette misĂ©ricorde divine : âHeureux les misĂ©ricordieux, car ils obtiendront misĂ©ricordeâ (Mt 5,7). JĂ©sus-Christ est le visage de la misĂ©ricorde du PĂšre. âLorsque les temps furent accomplis, Dieu envoya son Fils, nĂ© dâune femme, nĂ© sujet Ă la Loi, pour racheter ceux qui Ă©taient sous la Loi, afin que nous recevions la dignitĂ© de filsâ (Ga 4,4-5). LâĂ©vangĂ©liste Luc est, sans doute, celui qui rassemble le mieux les diffĂ©rents comportements de JĂ©sus manifestant la misĂ©ricorde. La parabole du pĂšre et de ses deux fils est paradigmatique : le pĂšre, pris de compassion, court Ă la rencontre du fils qui revient et, aprĂšs lâavoir accueilli avec affection (embrassades et baisers), aprĂšs avoir Ă©coutĂ© sa âconfessionâ, il le conduit au banquet (Lc 15,11-32). Dâailleurs, lâattitude de JĂ©sus, qui se montre ami des pĂ©cheurs, des marginalisĂ©s, des malades, des affligĂ©s â ce qui fut cause de scandale pour les pharisiens et mĂȘme pour certains de ses disciples ! â dĂ©coule de sa mission premiĂšre, qui est de rĂ©vĂ©ler la misĂ©ricorde du PĂšre.
En somme, la miséricorde
est la condition de notre salut ; câest le mot qui rĂ©vĂšle le mystĂšre de la TrĂšs Sainte TrinitĂ© ; câest lâacte ultime et suprĂȘme par lequel Dieu vient Ă notre rencontre ; câest la loi fondamentale inscrite dans le cĆur de chaque personne, lorsquâelle regarde avec des yeux sincĂšres le frĂšre rencontrĂ© sur le chemin de la vie ; câest le chemin qui unit Dieu Ă lâhommeâ (MV n.2).
c) La conversion est un moyen efficace dâobtenir la misĂ©ricorde et sâopĂšre selon deux volets : le dĂ©sir humain dâun changement radical de vie (metanoia) et lâaide divine pour sa pleine rĂ©alisation. Toutefois, il convient de souligner que lâinitiative vient toujours de Dieu, comme lâexprime bien lâapĂŽtre Paul : le Christ a Ă©tĂ© envoyĂ© non pas lorsque nous Ă©tions prĂȘts Ă nous convertir, mais alors que nous Ă©tions encore dans notre pĂ©chĂ© (cf. Rm 5,6s).
LâĂ©coute de la Parole de Dieu et lâadhĂ©sion qui en dĂ©coule nous replacent sur le chemin du suivi du Christ, car il nous pardonne le pĂ©chĂ© et fait de nous des crĂ©atures nouvelles, grĂące au mystĂšre de sa mort et de sa rĂ©surrection. En dâautres termes, il sâagit de rĂ©aliser dans nos vies la dynamique du mystĂšre pascal du Christ.
3 LâexpĂ©rience de la rĂ©conciliation dans la pratique de lâĂgliseÂ
Au cours de son histoire, lâĂglise a connu diffĂ©rentes modalitĂ©s quant Ă la comprĂ©hension thĂ©ologique et Ă la pratique liturgique de la rĂ©conciliation. Dans le cadre de ce texte, lâapproche historico-thĂ©ologique se fera Ă partir des pĂ©riodes suivantes : a) siĂšcles I-VI (rĂ©conciliation par la pĂ©nitence canonique) ; b) siĂšcles VII-XI (rĂ©conciliation par la pĂ©nitence tarifĂ©e / privĂ©e) ; c) siĂšcles XI-XX (rĂ©conciliation par la pĂ©nitence de confession).
3.1 SiÚcles I-VI : réconciliation par la pénitence canonique
Au cours des deux premiers siĂšcles de lâĂšre chrĂ©tienne, peu de tĂ©moignages font rĂ©fĂ©rence Ă la pratique pĂ©nitentielle des chrĂ©tiens. Ă titre dâexemple, on peut citer la DidachĂš, la Lettre de BarnabĂ©, la PremiĂšre lettre de ClĂ©ment de Rome aux Corinthiens et le Pasteur dâHermas (cf. NOCENT, 1989, p.165-169).
a) La DidachĂš (Ier siĂšcle), dans la lignĂ©e des Ă©crits nĂ©otestamentaires, Ă©numĂšre certains pĂ©chĂ©s graves en lien avec les commandements (chap. 2). Elle Ă©voque Ă©galement la âconfessionâ des pĂ©chĂ©s devant lâassemblĂ©e (chap. 4) et impose des conditions (confession des pĂ©chĂ©s) pour participer pleinement Ă la table du Seigneur (chap. 14). Il convient de noter que cette âconfessionâ Ă©tait peut-ĂȘtre une forme de reconnaissance publique des propres pĂ©chĂ©s, similaire Ă lââacte pĂ©nitentielâ de nos cĂ©lĂ©brations eucharistiques.
b) La PremiĂšre lettre de ClĂ©ment de Rome aux Corinthiens (Ier siĂšcle) est plus explicite : âVous qui avez provoquĂ© la rĂ©volte, soumettez-vous aux presbytres et acceptez la punition comme votre pĂ©nitence, en flĂ©chissant les genoux de votre cĆurâ (57,1).
c) La Lettre de BarnabĂ© (IIe siĂšcle), en plus de dresser une liste de vices Ă Ă©viter, contient des avertissements Ă portĂ©e eschatologique : âLe Seigneur est proche, avec son salaireâ (chap. 19).
d) Le Pasteur dâHermas (IIe siĂšcle) aborde la question pĂ©nitentielle sous les angles de la perspective eschatologique, de la conversion et de la seule possibilitĂ© de recevoir le pardon de lâĂglise.
Ă partir du IIIe siĂšcle, on constate plus clairement la pratique pĂ©nitentielle. On Ă©tablit la âpĂ©nitence canoniqueâ ou âpubliqueâ, accordĂ©e une seule fois dans la vie pour les pĂ©chĂ©s les plus graves. Il sâagit dâune discipline rigoureuse dâexpiation, qui se terminait par la rĂ©conciliation ecclĂ©siale Ă travers le ministĂšre de lâĂ©vĂȘque. Elle comprenait essentiellement trois Ă©tapes bien distinctes : a) la confession secrĂšte du pĂ©chĂ© Ă lâĂ©vĂȘque. Celui-ci admettait la personne au groupe des âpĂ©nitentsâ ; b) le temps nĂ©cessaire pour accomplir les Ćuvres de pĂ©nitence, câest-Ă -dire : jeĂ»nes prolongĂ©s, restrictions alimentaires, port de vĂȘtements pĂ©nitentiels et de cilice, priĂšre Ă genoux, etc. Il appartenait encore au pĂ©nitent de demander aux membres de la communautĂ© de prier pour lui ; c) la rĂ©conciliation ou la paix. Il sâagissait du moment liturgique oĂč lâĂ©vĂȘque et les prĂȘtres prĂ©sents imposaient les mains sur les pĂ©nitents, leur accordant la rĂ©mission des pĂ©chĂ©s et leur rĂ©intĂ©gration dans lâassemblĂ©e ecclĂ©siale.
Personne ne doute de la valeur pĂ©dagogique de cette ancienne pratique de la pĂ©nitence, fondĂ©e sur la conscience de son lien Ă©troit avec le sacrement du baptĂȘme. Ce dernier est en rĂ©alitĂ© la âpremiĂšre pĂ©nitenceâ. Le sacrement de la rĂ©conciliation, pour sa part, Ă©tait considĂ©rĂ© comme un second baptĂȘme. Cependant, la rigueur extrĂȘme et le fait quâil ne pouvait ĂȘtre administrĂ© quâune seule fois dans la vie et entraĂźnait des consĂ©quences pour toute lâexistence ont conduit les fidĂšles Ă diffĂ©rer autant que possible leur accĂšs au sacrement de la rĂ©conciliation. Cela a engendrĂ© des effets secondaires tels que : lâĂ©loignement progressif de la communion eucharistique et la transformation de la rĂ©conciliation en sacrement rĂ©servĂ© aux personnes ĂągĂ©es ou mourantes.
3.2 SiÚcles VII-XI : réconciliation par la pénitence tarifée / privée
Le VIIe siĂšcle est considĂ©rĂ© comme un tournant en matiĂšre de discipline pĂ©nitentielle. Il y a rupture avec lâancienne pratique : la rĂ©conciliation peut dĂ©sormais ĂȘtre privĂ©e et rĂ©pĂ©tĂ©e. Cette pratique, mise en Ćuvre par des moines irlandais et Ă©cossais, sâest Ă©tendue aux communautĂ©s paroissiales. Le fait que la majoritĂ© des Ă©vĂȘques Ă©taient Ă©galement moines a favorisĂ© la diffusion de cette ânouveautĂ©â. Câest ainsi quâont vu le jour les cĂ©lĂšbres âlivres pĂ©nitentielsâ. Ces ouvrages contiennent des tableaux et des listes de pĂ©chĂ©s ainsi que la peine correspondante (tarif) Ă infliger au pĂ©nitent pour chaque faute commise. La durĂ©e de ces pĂ©nitences variait selon la gravitĂ© du pĂ©chĂ©, allant de quelques jours Ă plusieurs annĂ©es de jeĂ»ne, etc. En revanche, le principe suivant restait en vigueur : âPour un pĂ©chĂ© grave et cachĂ©, pĂ©nitence secrĂšte ; pour un pĂ©chĂ© grave et public, pĂ©nitence publiqueâ.
Dans la pratique, la pĂ©nitence tarifĂ©e a soulevĂ© des difficultĂ©s, telles que : comment gĂ©rer les cas oĂč, lors dâune seule confession, une personne se voyait imposer de nombreuses annĂ©es de pĂ©nitence ? En rĂ©ponse Ă cela, des formes de commutations ou de rĂ©demptions de la pĂ©nitence ont Ă©tĂ© créées. Ces commutations pouvaient se faire selon des calculs prĂ©dĂ©finis, par exemple : a) une pĂ©nitence de longue durĂ©e pouvait ĂȘtre remplacĂ©e par une plus brĂšve mais plus rigoureuse ; b) la pĂ©nitence pouvait ĂȘtre Ă©changĂ©e contre une somme dâargent, dont le montant variait selon la peine ; c) la pĂ©nitence pouvait ĂȘtre remplacĂ©e par la cĂ©lĂ©bration de messes : on commandait un certain nombre de messes en guise de rĂ©paration ; d) la pĂ©nitence pouvait ĂȘtre accomplie par une autre personne : on invoquait le prĂ©cepte Ă©vangĂ©lique selon lequel les uns doivent porter les charges des autres (cf. BAĂADOS, 2005, p.217).
Bien que lâaccĂšs rĂ©pĂ©tĂ© au sacrement ait Ă©tĂ© un Ă©lĂ©ment positif dans lâhistoire de la pĂ©nitence, sur le plan pastoral, cette pratique a rencontrĂ© des limites considĂ©rables, comme la âmarchandisationâ des peines. Cela a renforcĂ© le caractĂšre individuel et magique du sacrement, en mettant lâaccent sur le binĂŽme confession-absolution, au dĂ©triment de la pĂ©nitence en tant que telle.
3.3 SiÚcles XI-XX : réconciliation par la pénitence de confession
MĂȘme si la pĂ©nitence publique existait encore pour les pĂ©chĂ©s publics jugĂ©s scandaleux, la confession auriculaire a progressivement pris sa place, au point de devenir la seule forme de cĂ©lĂ©bration du sacrement. Un type de âconfession dĂ©votionnelleâ sâest instaurĂ©, caractĂ©risĂ© par lâaccusation des pĂ©chĂ©s (de la part du pĂ©nitent) et lâabsolution immĂ©diate (de la part du ministre ordonnĂ©). Cette âconfessionâ est peu Ă peu devenue une condition prĂ©alable Ă la communion eucharistique, mĂȘme une fois par an, comme proposĂ© par le Concile de Latran (1215). Ainsi, la rĂ©conciliation, qui dans les premiers siĂšcles Ă©tait accordĂ©e une seule fois dans la vie â car ce sacrement Ă©tait considĂ©rĂ© comme un second baptĂȘme, ou âbaptĂȘme laborieuxâ â, devient dĂ©sormais obligatoire une fois par an. Cette pratique sâest poursuivie jusquâau Concile de Trente (XVIe siĂšcle).
Ă lâĂ©poque du Concile de Trente, le problĂšme thĂ©ologique et disciplinaire du sacrement de pĂ©nitence Ă©tait complexe, non seulement Ă cause de la RĂ©forme et de son attitude envers le sacrement, mais aussi en raison de la complexitĂ© de la discipline sacramentelle elle-mĂȘme et de lâĂglise. En effet, du point de vue disciplinaire, il existait diverses divergences dans son application (NOCENT, 1989, p.204).
En se limitant Ă donner une rĂ©ponse de nature dogmatique aux attaques des rĂ©formateurs, le Concile de Trente a traitĂ© du sacrement de pĂ©nitence en lui-mĂȘme, et lorsquâil le considĂšre en relation avec lâeucharistie, câest sous lâaspect de la dignitĂ© requise pour communier, et aussi pour souligner que lâeucharistie ne peut remplacer lâabsolution en cas de pĂ©chĂ© grave. De la doctrine sur le sacrement de pĂ©nitence enseignĂ©e par Trente, il convient de souligner : a) lâaffirmation de lâinstitution du sacrement par le Christ et de sa nĂ©cessitĂ© par droit divin, pour le salut de ceux qui sont tombĂ©s aprĂšs le baptĂȘme ; b) lâenseignement selon lequel la confession se fait uniquement au prĂȘtre et est secrĂšte ; c) lâappel Ă la nĂ©cessitĂ© de confesser tous les pĂ©chĂ©s, y compris les vĂ©niels, au moins une fois par an.
Trente souligne la relation Ă©troite entre lâindividu et le confesseur : de la part de lâindividu, on exige une attitude de profonde contrition, suivie de la dĂ©claration de tous les pĂ©chĂ©s (confession) et de la satisfaction des peines ; au confesseur, reprĂ©sentant de Dieu et juge, revient le rĂŽle dâabsoudre les pĂ©chĂ©s du pĂ©nitent.
Il convient Ă©galement de souligner lâenseignement de Trente sur la diffĂ©rence entre le sacrement de pĂ©nitence et le sacrement de baptĂȘme :
Il est Ă©vident que ce sacrement est diffĂ©rent du baptĂȘme Ă plusieurs Ă©gards. Car, outre que la matiĂšre et la forme qui constituent lâessence du sacrement sont trĂšs diffĂ©rentes, il est Ă©galement Ă©tabli que le ministre du baptĂȘme ne doit pas ĂȘtre un juge, car lâĂglise nâexerce pas de juridiction sur une personne qui nâest pas encore entrĂ©e par la porte du baptĂȘme. (…) Il nâen va pas de mĂȘme pour ceux qui appartiennent Ă la famille de la foi, ceux que le Christ Seigneur a une fois pour toutes faits membres de son corps par le bain du baptĂȘme. En effet, si ceux-ci se salissent Ă nouveau par un dĂ©lit, ils doivent, de leur plein grĂ©, se purifier, non par un nouveau baptĂȘme â ce qui nâest en aucun cas licite dans lâĂglise catholique â, mais en se prĂ©sentant comme accusĂ©s devant ce tribunal de pĂ©nitence, afin de pouvoir, par la sentence du prĂȘtre, ĂȘtre libĂ©rĂ©s, non pas une seule fois, mais chaque fois quâils se repentent de leurs pĂ©chĂ©s et y recourent (DENZINGER-HĂNERMANN, 2007, n.1671).
Dans les siĂšcles suivants (post-tridentins), la thĂ©ologie et la pratique pastorale du sacrement de pĂ©nitence ont suivi la voie tracĂ©e par Trente et nâont pas connu de changements substantiels, malgrĂ© de vives discussions autour de lâintensitĂ© de la âcontritionâ. La âsatisfactionâ imposĂ©e aprĂšs lâabsolution, outre quâelle pousse le pĂ©nitent Ă accepter la peine (guĂ©rison des sĂ©quelles du pĂ©chĂ© commis), le rend plus prudent et vigilant pour lâavenir. Cette pĂ©riode est Ă©galement marquĂ©e par des appels rĂ©pĂ©tĂ©s Ă la âconfession individuelleâ, presque toujours considĂ©rĂ©e comme une condition prĂ©alable pour recevoir dignement lâeucharistie. La confession frĂ©quente de tous les pĂ©chĂ©s (y compris les vĂ©niels) devient une obsession pour le clergĂ©.
4 LâexpĂ©rience de la rĂ©conciliation proposĂ©e dans le Rituel de la PĂ©nitence de 1973 et ses dĂ©fis pastoraux
Cette derniĂšre section sâoccupera, dans un premier temps, de lâĂ©tude du Rituel de la PĂ©nitence de 1973, en cherchant Ă en souligner la thĂ©ologie. Ensuite, trois pistes dâaction seront prĂ©sentĂ©es, en vue dâune participation consciente, active et fructueuse des fidĂšles Ă la cĂ©lĂ©bration de la rĂ©conciliation.
4.1 Le Rituel de la Pénitence de 1973
RĂ©pondant Ă la demande explicite du Concile Vatican II selon laquelle âle rite et les formules de la PĂ©nitence soient rĂ©visĂ©s de maniĂšre Ă exprimer plus clairement la nature et les effets de ce sacrementâ (SC n.72), la SacrĂ©e CongrĂ©gation pour le Culte Divin publia Ă Rome, le 2 dĂ©cembre 1973, le nouveau Rituel de la PĂ©nitence (RP).
Ce rituel est composĂ© dâune âIntroduction gĂ©nĂ©raleâ, dâun âRite pour la rĂ©conciliation individuelle des pĂ©nitentsâ, dâun âRite pour la rĂ©conciliation de plusieurs pĂ©nitents avec confession et absolution individuellesâ, dâun âRite pour la rĂ©conciliation de plusieurs pĂ©nitents avec confession et absolution gĂ©nĂ©ralesâ, dâun large âLectionnaireâ et de trois âAnnexesâ, Ă savoir : a) absolution des censures et dispense dâirrĂ©gularitĂ© ; b) exemples de cĂ©lĂ©brations pĂ©nitentielles : CarĂȘme, Avent, CĂ©lĂ©brations ordinaires pour les enfants, les jeunes, les malades ; c) schĂ©ma pour lâexamen de conscience.
4.1.1 Points saillants théologico-liturgiques
LââIntroduction gĂ©nĂ©raleâ du RP, en harmonie avec la Sacrosanctum Concilium, commence par lâapproche du ministĂšre de la rĂ©conciliation dans le cadre de lâhistoire du salut : le PĂšre a toujours manifestĂ© sa misĂ©ricorde et rĂ©conciliĂ© le monde avec lui. Ce dessein divin a atteint son sommet dans le mystĂšre pascal du Christ. Depuis lors, lâĂglise nâa cessĂ© dâappeler les hommes et les femmes Ă la conversion, par la cĂ©lĂ©bration du sacrement de la rĂ©conciliation. Ă ce sacrement est associĂ© le baptĂȘme, âpar lequel le vieil homme est crucifiĂ© avec le Christ afin que, dĂ©truit le corps du pĂ©chĂ©, nous ne soyons plus esclaves du pĂ©chĂ©, mais, ressuscitĂ©s avec le Christ, vivions pour Dieuâ, ainsi que lâeucharistie, qui Ă©difie lâĂglise et fait de ses membres âun seul corps et un seul espritâ (RP n.1-2).
La deuxiĂšme section traite de la rĂ©conciliation des pĂ©nitents dans la vie de lâĂglise : le Christ a aimĂ© lâĂglise et sâest livrĂ© pour elle afin de la sanctifier, lâunissant Ă lui comme son Ă©pouse. Celle-ci, cependant, ne lui est pas toujours fidĂšle et, pour cette raison mĂȘme, a besoin dâune purification et dâun renouvellement continus. Dans le sacrement de la rĂ©conciliation, âles fidĂšles obtiennent de la misĂ©ricorde divine le pardon de lâoffense faite Ă Dieu et, en mĂȘme temps, sont rĂ©conciliĂ©s avec lâĂglise, quâils ont blessĂ©e par le pĂ©chĂ© et qui collabore Ă leur conversion par la charitĂ©, lâexemple et la priĂšreâ (LG n.11).
Cette section présente également les parties constitutives du sacrement de la réconciliation, à savoir :
a) La contrition. De la contrition intĂ©rieure dĂ©pend lâauthenticitĂ© de la pĂ©nitence. La conversion doit atteindre profondĂ©ment lâĂȘtre humain, pour lâĂ©clairer chaque jour davantage et le configurer toujours plus au Christ.
b) La confession exige du pĂ©nitent la volontĂ© dâouvrir son cĆur au ministre de Dieu ; et de la part de celui-ci, un jugement spirituel par lequel, agissant au nom du Christ, il prononce, en vertu du pouvoir des clefs, la sentence de rĂ©mission ou de rĂ©tention des pĂ©chĂ©s.
c) La satisfaction des fautes est lâexpression concrĂšte de la vĂ©ritable conversion, câest-Ă -dire de la rĂ©paration du tort causĂ©. Il est donc nĂ©cessaire que la satisfaction imposĂ©e soit rĂ©ellement un remĂšde contre le pĂ©chĂ© et, dâune certaine maniĂšre, un renouvellement de vie. Ainsi, le pĂ©nitent, oubliant ce qui est derriĂšre (Ph 3,13), se rĂ©intĂšgre dans le mystĂšre du salut en se tournant vers lâavenir.
d) Lâabsolution. Par la confession sacramentelle, Dieu accorde le pardon par le signe de lâabsolution, et ainsi se rĂ©alise le sacrement de la rĂ©conciliation. Par ce sacrement, le PĂšre accueille son fils qui revient ; le Christ place la brebis perdue sur ses Ă©paules et la ramĂšne au bercail ; et lâEsprit Saint sanctifie Ă nouveau son temple ou vient lâhabiter plus pleinement. Cela se manifeste pleinement dans la participation frĂ©quente ou plus fervente Ă la table du Seigneur, avec une grande joie dans lâĂglise de Dieu pour le retour de lâenfant Ă©loignĂ© (cf. RP n.6).
Il convient d’observer que la satisfaction apparaĂźt avant l’absolution, c’est-Ă -dire que l’ordre idĂ©al de la structure du sacrement a Ă©tĂ© rĂ©tabli.
Quant à la réitération du sacrement, entre autres recommandations, le RP clarifie que
il ne s’agit pas d’une simple rĂ©pĂ©tition rituelle, ni d’une sorte d’exercice psychologique, mais d’un effort assidu pour parfaire la grĂące du baptĂȘme, afin que, portant dans notre corps la mortification du Christ, la vie de JĂ©sus se manifeste de plus en plus en nous. (…) La cĂ©lĂ©bration de ce sacrement est toujours une action par laquelle l’Ăglise proclame sa foi, rend grĂące Ă Dieu pour la libertĂ© avec laquelle le Christ nous a libĂ©rĂ©s, et offre sa vie comme un sacrifice spirituel Ă la louange de la gloire de Dieu, tout en se hĂątant Ă la rencontre du Christ (RP n.7).
La troisiĂšme section traite des fonctions et des ministĂšres dans la rĂ©conciliation des pĂ©nitents. En plus de souligner le rĂŽle de toute la communautĂ© dans la cĂ©lĂ©bration de la rĂ©conciliation, elle rappelle que l’Ăglise est impliquĂ©e et agit dans la rĂ©conciliation ; elle met en Ă©vidence la responsabilitĂ© de l’Ă©vĂȘque et des prĂȘtres (qui agissent en communion avec l’Ă©vĂȘque) dans la rĂ©mission des pĂ©chĂ©s ; elle rappelle que « le fidĂšle, tout en expĂ©rimentant et en proclamant dans sa vie la misĂ©ricorde de Dieu, cĂ©lĂšbre avec le ministre ordonnĂ© la liturgie d’une Ăglise qui se renouvelle continuellement » (RP n.8-11).
La quatriĂšme section, quant Ă elle, dĂ©crit les trois modalitĂ©s de cĂ©lĂ©bration du sacrement de la rĂ©conciliation, en cherchant Ă montrer leur importance dans la vie des fidĂšles ; elle souligne la thĂ©ologie de la formule de l’absolution, en ces termes :
La formule de l’absolution montre que la rĂ©conciliation du pĂ©nitent procĂšde de la misĂ©ricorde du PĂšre ; elle indique le lien entre la rĂ©conciliation du pĂ©cheur et le mystĂšre pascal ; elle exalte l’action de l’Esprit Saint dans le pardon des pĂ©chĂ©s, et enfin elle met en Ă©vidence l’aspect ecclĂ©sial du sacrement, puisque la reconciliation avec Dieu est demandĂ©e et accordĂ©e par le ministĂšre de l’Ăglise (RP n.19).
La cinquiÚme section parle des « Célébrations pénitentielles ». Quant à leur nature et à leur structure, ces célébrations sont
des rĂ©unions du peuple de Dieu pour Ă©couter sa Parole, qui invite Ă la conversion et au renouvellement de la vie, en proclamant aussi notre libĂ©ration du pĂ©chĂ© par la mort et la rĂ©surrection du Christ. Leur structure est la mĂȘme que celle des cĂ©lĂ©brations de la Parole, proposĂ©e dans le « Rite pour la rĂ©conciliation de plusieurs pĂ©nitents ». (RP n.36)
Quant Ă leur utilitĂ© et leur importance, les « CĂ©lĂ©brations pĂ©nitentielles » favorisent l’esprit de pĂ©nitence de la communautĂ© chrĂ©tienne ; elles aident les fidĂšles Ă prĂ©parer la confession que chacun pourra faire en temps opportun ; elles Ă©duquent les enfants Ă acquĂ©rir progressivement la conscience du pĂ©chĂ© dans la vie humaine et de la libĂ©ration du pĂ©chĂ© par le Christ ; elles aident les catĂ©chumĂšnes dans leur conversion. De plus, lĂ oĂč aucun ministre ordonnĂ© n’est disponible pour accorder l’absolution sacramentelle, les cĂ©lĂ©brations pĂ©nitentielles sont trĂšs utiles pour Ă©veiller chez les fidĂšles une contrition parfaite, nĂ©e de la charitĂ©, par laquelle, avec le dĂ©sir de recevoir plus tard le sacrement de la rĂ©conciliation, ils peuvent obtenir la grĂące de Dieu (cf. RP n.37).
La derniĂšre section de l’« Introduction gĂ©nĂ©rale » du RP traite des « Adaptations du Rite aux diverses rĂ©gions et circonstances ». De telles adaptations pourront ĂȘtre faites par les confĂ©rences Ă©piscopales (RP n.38), par l’Ă©vĂȘque diocĂ©sain (RP n.39) et par le ministre (RP n.40).
4.1.2 Avancées et limites
Pour porter un jugement sur le RP de 1973, il est nĂ©cessaire de tenir compte du fait que ce rituel est le fruit d’un travail laborieux articulĂ© par le Consilium. A. Bugnini, dans son Ćuvre anthologique La rĂ©forme liturgique, s’exprime ainsi : « La rĂ©vision des rites de la PĂ©nitence a suivi un chemin assez long et difficile. Il a fallu sept ans pour mettre en pratique les quelques lignes que la Constitution liturgique consacre Ă ce sujet » (2018, p.551).
De grandes questions ont Ă©tĂ© discutĂ©es, certaines d’entre elles de maniĂšre « animĂ©e », dĂšs la premiĂšre Ă©tape des travaux (1966-1969), comme l’aspect social et communautaire du pĂ©chĂ© et de la rĂ©conciliation, la question d’une possible cĂ©lĂ©bration communautaire de la rĂ©conciliation avec absolution gĂ©nĂ©rale sans confession individuelle prĂ©alable, une nouvelle formule sacramentelle d’absolution et la possibilitĂ© de formules sacramentelles facultatives, etc.
C’est Ă partir de ce contexte que le nouveau RP a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©. Les trois modalitĂ©s de cĂ©lĂ©bration de la rĂ©conciliation, proposĂ©es dans ce rituel, en sont un bon exemple. Le cĂ©lĂšbre liturgiste A. Nocent, dans une analyse critique du RP, reconnaĂźt comme positives ces modalitĂ©s, sous trois aspects : a) la tentative de rĂ©tablir l’unitĂ© entre la Parole et le sacrement ; b) l’intervention, au moins partielle, de la communautĂ© ecclĂ©siale ; c) la prĂ©sentation d’un formulaire d’absolution dogmatiquement plus riche, et qui corrige l’aspect juridique. D’autre part, il dĂ©plore qu’aucune des trois modalitĂ©s ne soit rĂ©ellement satisfaisante et adaptĂ©e aux circonstances actuelles, en ces termes :
Le premier rituel, celui qui concerne le pénitent qui rencontre le confesseur, ne se réalise pas facilement : il suppose un contact humain et spirituel pour le dialogue, il unit au sacrement une brÚve liturgie de la Parole, mais il lui manque la visibilité de la communauté et surtout il peut difficilement se réaliser dans une paroisse ou un groupe de personnes qui se présentent ensemble ; et cela rend impossible la pratique prévue par le rituel.
Le deuxiĂšme rituel accentue la prĂ©paration communautaire Ă la confession, chose qui n’a aucune base dans la tradition, mais qui constitue de fait un enrichissement. Mais au moment oĂč le rituel sacramentel devrait accentuer l’aspect communautaire du sacrement, l’absolution, sans la permission de l’Ordinaire, reste individuelle. Seule la prĂ©paration au sacrement est communautaire, tandis que le sacrement lui-mĂȘme reste visiblement individuel.
Le troisiĂšme rituel, l’absolution sans confession prĂ©alable, ne trouve aucun appui dans la tradition, du fait que l’antiquitĂ© considĂ©rait l’absolution comme le couronnement de la conversion. Ici, au contraire, l’absolution est placĂ©e sur un plan juridique, sans aucun contrĂŽle sur la maniĂšre dont le pĂ©nitent entend se convertir. Cependant, il faut bien le reconnaĂźtre, nous vivons dans des situations nouvelles, que l’Ăglise ancienne n’a pas connues (NOCENT, 1989, p. 215-216).
4.2 CĂ©lĂ©brer la rĂ©conciliation aujourd’hui : pistes d’action
CĂ©lĂ©brer la rĂ©conciliation dans les communautĂ©s, aujourd’hui, reste un grand dĂ©fi. MalgrĂ© cela, nous osons proposer trois exigences que nous jugeons fondamentales pour l’amĂ©lioration de la pastorale de la rĂ©conciliation. Les voici :
a) Promouvoir une formation thĂ©ologico-liturgique sur le sacrement de la rĂ©conciliation pour le clergĂ© et le peuple en gĂ©nĂ©ral. Puisque ce sacrement est « une rencontre joyeuse de l’ĂȘtre humain avec Dieu, par la mĂ©diation de l’Ăglise », une telle formation pourra ĂȘtre rĂ©alisĂ©e, Ă partir du triptyque :
â Dieu : celui qui promeut et rend possible la pleine rĂ©conciliation ;
â L’Ăglise : celle qui collabore et rend visible la rencontre de rĂ©conciliation ;
â Le pĂ©nitent : la personne qui accepte et participe activement Ă la rĂ©conciliation (BOROBIO, 2009, p.324).
b) Promouvoir les cĂ©lĂ©brations pĂ©nitentielles. Ces cĂ©lĂ©brations, prĂ©vues dans le RP, manquent encore d’une attention spĂ©ciale de la part des curĂ©s et des responsables des communautĂ©s ecclĂ©siales. La liturgiste I. Buyst nous donne de bonnes raisons pour l’accroissement de telles cĂ©lĂ©brations (cf. BUYST, 2008, p.54-66) :
â Les cĂ©lĂ©brations pĂ©nitentielles pourront faciliter le passage d’une conception individualiste, lĂ©galiste, formaliste, Ă une mentalitĂ© plus biblique et communautaire-ecclĂ©siale de la rĂ©conciliation. N’ayant pas Ă se soucier de la confession et de l’absolution, les personnes sont plus disposĂ©es Ă se concentrer sur la Parole de Dieu et Ă se laisser transformer par elle. Et de plus : le fait que la prĂ©sidence de ces cĂ©lĂ©brations ne soit pas restreinte au ministre ordonnĂ© rend plus Ă©vidente la responsabilitĂ© de la communautĂ© et de chaque personne comme ministre de la pĂ©nitence.
â La communautĂ© pourra privilĂ©gier des moments propices pour les cĂ©lĂ©brations pĂ©nitentielles, tels que : les temps du CarĂȘme et de l’Avent, les fĂȘtes des saints patrons, lors des pĂšlerinages, Ă des moments ponctuels du cheminement ecclĂ©sial, surtout dans des situations de dĂ©saccords, de malentendus, de querelles, etc.
â Les cĂ©lĂ©brations pĂ©nitentielles pourront aider les communautĂ©s Ă comprendre que la rĂ©conciliation est un itinĂ©raire spirituel qui dure toute la vie et que son objectif primordial est l’« homme nouveau ».
â Ătant donnĂ© que les cĂ©lĂ©brations pĂ©nitentielles sont des « rĂ©unions du peuple de Dieu pour Ă©couter sa Parole, qui l’invite Ă la conversion et au renouvellement de la vie, en proclamant aussi notre libĂ©ration du pĂ©chĂ© par la mort du Christ » (RP n.36), leur accroissement dans la vie de la communautĂ© permettra aux fidĂšles de faire l’expĂ©rience de l’efficacitĂ© de la Parole proclamĂ©e qui, par l’action de l’Esprit, fait advenir la conversion et le renouvellement de la vie.
c) Ătre attentif Ă l’horizon ouvert de possibles « adaptations ». Comme nous l’avons vu prĂ©cĂ©demment, l’« Introduction gĂ©nĂ©rale » du RP propose des adaptations du rite aux diverses rĂ©gions et circonstances, couvrant les niveaux de la confĂ©rence Ă©piscopale, de l’Ă©vĂȘque diocĂ©sain et du ministre (RP n.38-40).
Pour les deux premiers niveaux (de la confĂ©rence Ă©piscopale et de l’Ă©vĂȘque diocĂ©sain), Ă l’exception de l’exigence explicite de conserver la formule sacramentelle dans son intĂ©gralitĂ©, tout le reste du rituel pourra ĂȘtre adaptĂ©, y compris avec la composition de nouveaux textes.
Au niveau du ministre, principalement les curĂ©s, la possibilitĂ© reste ouverte d’adapter le rite aux circonstances concrĂštes des pĂ©nitents, Ă condition de conserver sa structure essentielle et l’intĂ©gralitĂ© de la formule d’absolution. Il est Ă©galement recommandĂ© d’utiliser frĂ©quemment les cĂ©lĂ©brations pĂ©nitentielles tout au long de l’annĂ©e.
Par consĂ©quent, dans le RP, il existe un vaste champ de possibilitĂ©s d’adaptations du rite. Cela permettra Ă la communautĂ© de foi de cĂ©lĂ©brer de maniĂšre plus consciente, active et fructueuse la rĂ©conciliation.
Nous concluons ce texte par une observation sur le titre du rituel. A. Bugnini le justifie ainsi :
Le titre général du volume est Ordo Paenitentiae, car il contient des indications pour les rites tant sacramentels que non sacramentels.
Pour l’action liturgique sacramentelle, on prĂ©fĂšre, dans les chapitres individuels de l’Ordo, le terme Reconciliatio. Il indique mieux que la pĂ©nitence sacramentelle est, Ă la fois, action de Dieu et de l’homme, tandis que « PĂ©nitence » met davantage l’accent sur l’action de l’homme. (…) Reconciliatio est plus proprement utilisĂ© par l’Ăglise ancienne pour l’acte sacramentel. (…) Cette terminologie sert Ă©galement Ă attirer l’attention et Ă approfondir un aspect fondamental pour la comprĂ©hension et le renouveau de la pĂ©nitence sacramentelle (2018, p.560-561).
En somme, la rĂ©conciliation est une action de Dieu, une initiative de Dieu, comme l’exprime bien l’ApĂŽtre :
Tout vient de Dieu, qui, par le Christ, nous a rĂ©conciliĂ©s avec lui et nous a confiĂ© le ministĂšre de la rĂ©conciliation. Oui, c’est Dieu lui-mĂȘme qui, dans le Christ, a rĂ©conciliĂ© le monde avec lui, ne tenant pas compte des fautes de l’humanitĂ©, et c’est lui qui a mis en nous la parole de la rĂ©conciliation (2Co 5,18-19).
Joaquim Fonseca, OFM – Institut Saint Thomas d’Aquin. (texte original en portugais)
Références
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 BOROBIO, D. Celebrar para viver; liturgia e sacramentos da Igreja. São Paulo: Loyola, 2009.
 BUGNINI, A. A reforma litĂșrgica (1948-1975). SĂŁo Paulo: Paulus; Paulinas; Loyola, 2018.
 BUYST, I. As celebraçÔes penitenciais. In: CNBB. Deixai-vos reconciliar. São Paulo: Paulus, 2008, p. 49-66. Estudos da CNBB, n.96.
 DENZINGER â HĂNERMANN. CompĂȘndio dos sĂmbolos, definiçÔes e declaraçÔes de fĂ© e moral. SĂŁo Paulo: Paulinas / Loyola, 2007.
 FRANCISCO. Veritatis Gaudium. Sobre as universidades e as faculdades eclesiåsticas. Disponible sur : http://w2.vatican.va/content/francesco/pt/apost_constitutions/documents/papa-francesco_costituzione-ap_20171208_veritatis-gaudium.html. Consulté le : 12 sept. 2019.
 ______. Misericordiae Vultus. O rosto da misericórdia. Bula de proclamação do jubileu extraordinårio da misericórdia. São Paulo: Paulus, 2015.
 NOCENT, A. O sacramento da penitĂȘncia e da reconciliação. In: NOCENT, A. et al. Os sacramentos; teologia e histĂłria da celebração. SĂŁo Paulo: Paulinas, 1989, p.143-221. Anamnesis, 4.
 VISENTIN, P. PenitĂȘncia. In: VV.AA. DicionĂĄrio de liturgia. SĂŁo Paulo: Paulus, 1992. p. 920-937.