Sommaire
1 Définition
2 Évolution
2.1 Compréhension néotestamentaire du temple
2.2 Époque prénicéenne
2.3 Églises paléochrétiennes
2.4 Églises dans l’Orient chrétien
2.5 L’époque carolingienne et le roman
2.6 Le gothique
2.7 La Renaissance
2.8 Le baroque
2.9 Le post-baroque
3 La place de l’assemblée célébrante
4 Théologie de l’espace liturgique
4.1 Qualités identificatrices
4.2 L’ambon
4.3 Les fonts baptismaux
4.4 L’autel
5 Références bibliographiques
1 Définition
L’espace liturgique est cet édifice où l’Église accomplit son culte et qui, par une heureuse métonymie, reçoit son même nom, église. Cet édifice possède des caractéristiques propres qui le qualifient comme lieu de culte, ce que nous appelons des qualités identificatrices ou monuments pascals, les principaux étant l’autel, l’ambon et les fonts baptismaux. Au-delà de ces qualités identificatrices, l’espace liturgique reçoit dans son esthétique des aspects qui lui confèrent la mystagogie chrétienne. Il en découle que l’espace liturgique a une théologie, au-delà d’une histoire de l’évolution des styles architecturaux. Cette théologie et cette évolution architecturale révèlent une ecclésiologie, dans laquelle l’Église se comprend comme image de la Trinité à travers les trois catégories ecclésiologiques : Peuple de Dieu, Corps du Christ et Temple du Saint-Esprit.
2 Évolution
2.1 Compréhension néotestamentaire du temple
Les premiers chrétiens avaient une forte conscience que le véritable espace sacré était la communauté des disciples du Christ et chaque fidèle individuellement, à l’exemple du Maître. En effet, dans Jn 2,19-21, Jésus déclare solennellement être lui-même le vrai temple qui, une fois détruit, se relèverait en trois jours, et Jean explique que Jésus parlait du temple de son Corps. Jésus étant mort, ressuscité et monté aux cieux, son Corps est l’Église (Ep 1,22-23 ; 4,15-16 ; 5,23 ; Col 1,18 ; cf. 1Co 12,12). Ils n’avaient donc pas le souci de posséder un lieu de culte spécifique comme l’avaient les Juifs et de nombreux païens. En effet, le lieu pour adorer Dieu n’est plus sur le mont Garizim, en Samarie, ni à Jérusalem, mais en esprit et en vérité (Jn 4,21-23). Ainsi, les disciples de Jésus se réunissaient dans la maison de l’un d’entre eux qui possédait un bien immobilier capable d’accueillir un bon nombre de personnes (Lc 22,7-13 ; Ac 2,46 ; 12,12 ; Ac 20,7-12 ; 1Co 16,19 ; Phm 1,2). Cependant, cela concernait principalement le culte spécifiquement chrétien, car, pendant un certain temps, ils avaient l’habitude de se rendre quotidiennement au temple de Jérusalem (Ac 2,46) et les apôtres prêchaient également dans les synagogues (Ac 9,20) jusqu’à ce qu’ils en soient expulsés. Il faut cependant considérer que certaines synagogues, où il y eut une conversion massive de Juifs, y compris de leurs chefs, soient devenues des lieux de culte chrétien (Mc 5,22 ; Jc 2,2 ; le Sacramentaire Gélasien Ancien contient des prières de consécration de lieux de culte qui étaient autrefois des synagogues (GeV 724-729).
2.2 Époque prénicéenne
Le nombre des fidèles augmentait entre la paix ou les persécutions ; il devint alors nécessaire d’avoir des lieux plus grands pour abriter les communautés chrétiennes, ce qui commençait déjà à prendre certains aspects de la nouvelle réalité. Que les chrétiens se réunissent dans les catacombes pour célébrer le culte dominical en temps de persécution est assez controversé, car leurs conditions étaient si insalubres qu’elles les auraient empêchés d’y rester de nombreuses heures, sans compter que leurs dimensions ne pouvaient accueillir même pas cinquante personnes (KRAUTHEIMER, 1986, p.30). De sorte que dès le IIe siècle, on voit apparaître des édifices dotés d’une grande salle, avec des espaces définis pour le clergé et pour les autres fidèles, ce que l’on a appelé la domus ecclesiae. La plus connue est la domus ecclesiae de Doura-Europos, actuellement Qalat es Salyhiye, en Syrie, datée entre les années 231 et 265 (KRAUTHEIMER,1986, p.27 ; LASSUS, 11863 ; HOPKINS, p.116).
2.3 Églises paléochrétiennes
Au IVe siècle, les chrétiens obtiennent la liberté de culte, reconnue par l’empereur Constantin avec l’Édit de Milan en 313. Sur ordre de l’empereur, plusieurs églises sont édifiées dans presque tout l’Empire romain. La plus ancienne connue est la cathédrale de Tyr, en Phénicie, inaugurée vers 316, dont Eusèbe de Césarée nous fournit une description détaillée, y compris une interprétation symbolico-théologique. Cependant, à ce moment de liberté, la grande question était de savoir quelle architecture adopter pour la construction des églises. Le choix se porte sur la basilique romaine, une adaptation de la basilique grecque pour accueillir de grandes foules. La basilique romaine se caractérise par sa forme rectangulaire et sa double symétrie : longitudinalement, deux rangées de colonnes se faisant face et, transversalement, deux absides, également face à face, créant ainsi un centre unique et précieux. L’architecte chrétien, cependant, supprime l’une des absides, éliminant ce centre unique, qui est la fonction de l’édifice, lui proposant un chemin, celui de l’homme (ZEVI, 2009, p.71). Par chemin de l’homme, on entend la trajectoire de l’observateur, c’est-à-dire que le chrétien a donné aux schémas de la basilique romaine une âme et une fonction, de sorte que l’axe de l’édifice est devenu une métaphore du chemin à parcourir par l’homme vers la parousie, représentée par l’abside unique. L’organisation interne de la basilique, cependant, suit le schéma synagogal (BOUYER, p.15). Il convient toutefois de noter que le style basilical n’était pas le seul, bien que prédominant ; la basilique Saint-Vital, à Ravenne, par exemple, a un plan circulaire. L’ensemble de ces styles est aujourd’hui appelé paléochrétien.
2.4 Églises dans l’Orient chrétien
En Syrie, les basiliques se distinguaient fortement de celles de tradition occidentale par l’ambon. Il s’agissait d’une construction monumentale au centre de l’édifice, avec le siège présidentiel pour l’évêque, flanqué de sièges pour les prêtres et autres ministres et, de chaque côté, un pupitre pour la lecture de l’épître et de l’Évangile. Toute la liturgie de la Parole se déroulait sur cet ambon, que l’on a coutume d’appeler Bêma ; dans la tradition occidentale, l’ambon, bien que également central, était de dimensions plus modestes et ne servait que de lieu pour la proclamation de la Parole, l’homélie se tenant dans le presbyterium. Une fois la liturgie de la Parole terminée dans les églises syriennes, l’évêque et ses prêtres se dirigeaient, par une passerelle, vers le presbyterium-abside pour la liturgie eucharistique. L’autel était très proche du fond de l’abside et caché par un lourd rideau, de sorte que l’assemblée entendait mais ne voyait pas ce qui se passait. Dans la tradition byzantine, ce rideau a cédé la place à l’iconostase, une paroi richement décorée d’icônes et dotée de trois portes ; dans la tradition latine, cependant, l’autel a toujours été visible pour l’assemblée. Les fonts baptismaux, en règle générale, étaient édifiés à l’extérieur de la basilique.
2.5 L’époque carolingienne et le roman
À l’ère architecturale paléochrétienne succède ce que l’on appelle le style carolingien. Un bel exemple est la partie originale de la Chapelle Palatine d’Aix-la-Chapelle (Aachen, Allemagne), commandée par Charlemagne au IXe siècle. Le plan est circulaire, comme celui de Saint-Vital à Ravenne, mais approfondit fortement le presbyterium. Les colonnes italiennes supportent le poids de la voûte en pierre, ce qui anticipe l’influence byzantine. À Rome, le style basilical se poursuit, mais déjà avec une forte influence byzantine, comme c’est le cas pour Sainte-Agnès (VIIe s.) et Sainte-Praxède (IVe s.). Cet environnement architectural a servi de préparation au célèbre et imposant style roman, qui s’imposera dans presque tout l’Occident à partir du Xe siècle. En fait, il s’agit de la combinaison des différents styles apparus en Europe centrale dans la seconde moitié du premier millénaire et, surtout, de l’évolution des constructions répandues en Italie septentrionale sous l’influence de l’architecture byzantine à partir du VIIe siècle. Le roman fut d’abord accueilli dans les églises monastiques et, en raison de la grande présence de celles-ci dans la vie ecclésiale, il se répandit dans toute l’Europe. Ces églises monastiques avaient trois nefs et, sur les côtés, on construisait une abside un peu plus petite que la centrale. Les églises romanes avaient des murs très épais et aveugles, car tout le poids de la voûte se déchargeait sur eux ; au-dessus de la porte principale et/ou dans l’abside, on ouvrait une rosace qui projetait la lumière du soleil sur l’autel. On ne construisait plus l’ambon car, à cette époque, le latin cessait d’être une langue vernaculaire pour devenir uniquement d’usage liturgique, de sorte que le peuple ne comprenait plus la liturgie, mais participait seulement en assistant passivement aux rites sacrés. L’ambon ne resta en usage que dans la péninsule italienne, comme c’est le cas de la cathédrale de Pise, en Italie. Avec la désuétude de l’ambon, toute l’attention de l’assemblée se porte sur l’autel du sacrifice eucharistique. Désormais, ce qui importe le plus est la présence réelle du Christ dans l’hostie consacrée que tous les fidèles veulent voir.
2.6 Le gothique
Le gothique apparaît en France, au XIIe siècle et, comme le pays s’imposait à cette époque comme une grande puissance culturelle et politique, ce style se diffusera rapidement dans presque toute l’Europe. Dans la péninsule italienne, il eut peu d’influence et dans la péninsule ibérique, en raison de la difficile traversée des Pyrénées et de la forte domination islamique, il n’arriva qu’au XIVe siècle. C’étaient des temps de guerres constantes et de dures pestes ; dans cet environnement, le gothique fut la meilleure expression de la spiritualité médiévale. En effet, le besoin humain de demander protection à Dieu et à ses Saints et de leur rendre grâces et louanges fit que tout pointait vers le haut, vers les demeures célestes. C’est pourquoi le gothique est élancé, il s’élance vers le haut avec la légèreté des structures ajourées, réussissant à remplir l’intérieur de lumière à travers ses grands vitraux. La structure gothique est le résultat de la fusion de deux techniques architecturales connues depuis longtemps, de sorte que les maîtres d’œuvre français parviennent à façonner le profil de ce nouveau style en donnant de la solidité à leurs réalisations. De là naissent les deux traits principaux du gothique, à savoir, l’arc ogival, qui libère les constructeurs des difficultés de la voûte à base carrée, et le fait que ce ne sont plus les murs qui supportent le poids du toit et des voûtes, car le squelette élancé des contreforts, qui se prolonge dans les nervures des demi-colonnes et des arcs-boutants, transfère la charge aux contreforts externes, de sorte que les murs épais des styles précédents deviennent superflus et, à leur place, d’énormes fenêtres étendent leurs vitraux d’un pilier à l’autre, s’élevant jusqu’aux voûtes. En tant qu’espace de culte, le gothique apporte la nouveauté des chaires, sous l’influence des ordres mendiants qui, préoccupés par l’ignorance des fidèles, les utilisent pour les instruire, pendant qu’un prêtre disait la messe à voix basse. Il amène également les fonts baptismaux à l’intérieur de l’église, dans une chapelle près de la porte d’entrée, étant donné que le baptême d’un grand nombre de personnes, surtout des adultes, était une réalité presque inouïe depuis des siècles. Désormais, ce sont surtout des enfants que l’on baptise.
2.7 La Renaissance
Au XVe siècle apparaît en Italie le style de la Renaissance, qui se caractérise culturellement par l’anthropocentrisme, le classicisme et le lien avec le mécénat. L’anthropocentrisme recherche, dans les arts, les justes proportions des composantes de l’édifice et des représentations picturales et statuaires. Ainsi, l’artiste de la Renaissance préfère les édifices à plan centré à ceux de forme basilicale. Les artistes de la Renaissance s’inspirent du temple païen romain antique, un style rejeté par les anciens chrétiens. L’idéal de beauté du classicisme antique revient avec toute sa force dans l’essentialité de l’architecture de la Renaissance, dans l’équilibre et le nu des héros idéalisés, exaltant l’anatomie et la vigueur musculaire comme, par exemple, dans les statues de David, à Florence, et de Moïse, à Rome. Dans tout cela, on perçoit que les églises de la Renaissance ne sont pas conçues avant tout comme des espaces pour accueillir l’assemblée des fidèles pour la louange de Dieu, mais pour l’exaltation des arts et la satisfaction du goût du mécène. De plus, les vitraux, si chers au gothique, considérés comme la « Bible des illettrés », cèdent la place à des fenêtres transparentes, dans le but d’obtenir plus de lumière pour mettre en valeur la décoration.
2.8 Le baroque
C’est également en terre italienne qu’apparaît le style baroque, qui connaît un grand essor dans le monde catholique après la Réforme de Martin Luther et, surtout, avec le Concile de Trente (1545-1563). La Réforme tridentine rejette le style de la Renaissance en raison de l’influence du paganisme du classicisme romain, mais les architectes ne tarderont pas à reprendre les édifices à plan centré qui survivent et, parfois, se fondent avec le plan basilical. Avec son ostentation somptueuse, le baroque a largement servi le triomphalisme catholique post-tridentin. Le baroque se préoccupe beaucoup de l’apparence, accordant ainsi une importance croissante à la façade avec la superposition de statues, piliers, colonnes et pilastres, l’alternance et le mélange de surfaces murales concaves et convexes qui lui confèrent un aspect joyeux et imposant, en plus de former des ondulations qui vibrent rythmiquement, transmettant leurs mouvements à l’espace intérieur. Ces formes architecturales s’associent à l’abondance picturale et statuaire, créant un mouvement toujours ascendant, vers la destinée des fidèles dans le Christ. La dorure est abondante et les autres couleurs sont vives dans les peintures qui, contrairement aux styles paléochrétiens et médiévaux, préférentiellement anamnétiques (scènes bibliques, aspects de la vie du Christ, de la Vierge et des saints), préfèrent des thèmes eschatologiques tels que l’assomption de la Vierge et des saints et la représentation du paradis. La représentation théâtrale se manifeste dans une sorte de spectacle sacré, un jeu entre le visible et l’invisible.
La croisée du transept, qui sépare le presbyterium avec son maître-autel de la nef centrale, dans le baroque, se compose souvent de quatre arcs sur lesquels repose la coupole. Cette coupole est très particulière, car elle reçoit, à sa base, un tambour rempli de fenêtres et, à son sommet, une lanterne également dotée de fenêtres qui laissent entrer une lumière abondante. Celle-ci se projette sur le maître-autel, point de mire de l’assemblée car c’est le lieu de la transsubstantiation, donc de la présence réelle du Christ. La voûte des églises baroques reçoit une riche représentation picturale et, grâce à sa perspective, les artistes parviennent à remplacer l’élévation du gothique par une illusion d’optique d’une peinture qui donne le même sens, c’est-à-dire, élever à la demeure divine. Cette élévation en perspective de l’église fait que le ciel s’ouvre sur la terre, de sorte que Dieu, avec ses anges et ses saints, descend dans l’église, qui devient la maison de Dieu. En contemplant le ciel et la joie future, le chrétien baroque grandit dans le désir d’y arriver un jour.
Dans les Amériques, le baroque fut le premier style ecclésial connu. Loin des querelles entre catholiques et protestants, le baroque dans les Amériques, surtout dans ce que nous appelons aujourd’hui l’Amérique Latine, n’a pas de connotations idéologiques. Il a dû trouver de nouvelles techniques et s’adapter au matériau local, comme, par exemple, l’usage abondant de la stéatite (pierre à savon) dans la région centrale de l’État du Minas Gerais au Brésil, ou d’un autre type de pierre dans les villes importantes des colonies lusitanienne et espagnole. On a également utilisé le bois, et la dorure fut similaire à celle de l’Europe, en raison de l’abondance du métal précieux. Une particularité du baroque, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Continent, fut l’appartenance des autels latéraux aux confréries ou tiers-ordres liés à un ordre religieux.
2.9 Le post-baroque
À la fin du XVIIIe siècle, sous l’influence du Siècle des Lumières européen, le baroque est tombé en désuétude dans la construction de nouvelles églises, cédant la place aux thèmes classiques de la Grèce antique, berceau de la philosophie occidentale. C’est alors qu’apparaît le style connu sous le nom de néoclassique. La réaction à ce style ne tardera pas dans le monde catholique, de sorte qu’au XIXe siècle, les styles européens traditionnels reviendront sous la forme du néogothique et du néoroman et, parfois, d’un hybride de ces styles qui aboutira à l’éclectisme. Aujourd’hui, surtout après le Concile Vatican II, règnent la liberté et la créativité des architectes et le dialogue avec le caractère des peuples chrétiens.
3 La place de l’assemblée célébrante
Dans l’Antiquité, la préoccupation première lors de la conception de l’espace liturgique était l’assemblée qui célèbre, bien que la hiérarchie des ministères fût déjà bien conçue. Toute l’assemblée des initiés participait à la célébration, mais les catéchumènes et les pénitents ne participaient qu’à la liturgie de la Parole et étaient renvoyés avant le début de la célébration de l’eucharistie, ce qui fut connu comme la « discipline de l’arcane ». Au Moyen Âge, cependant, une séparation s’opère entre clercs et moines, d’un côté, et laïcs, de l’autre. Les premiers étaient le personnel spécialisé du culte et les laïcs, de simples spectateurs. Apparaît alors une balustrade qui séparait ces deux classes de chrétiens : les laïcs dispersés dans la nef centrale et les clercs ou moines dans le presbyterium-sanctuaire. Tout cela fut la conséquence de l’oubli de la catégorie ecclésiologique « Peuple de Dieu », si chère au Nouveau Testament et à l’ère patristique. De la fin du Moyen Âge jusqu’au Mouvement Liturgique, précurseur de Vatican II, seule la catégorie « Corps du Christ » régnera de manière absolue, mais même ainsi, elle se concentrait davantage sur l’eucharistie, de sorte que toute l’attention de l’assemblée était projetée vers l’autel du sacrifice. Il était naturel que, dans cet environnement ecclésiologique, la dévotion des laïcs à la Vierge et aux saints grandisse beaucoup et que des autels latéraux apparaissent le long des nefs latérales pour servir cette dévotion. L’espace liturgique se réduit donc au presbyterium-sanctuaire : lieu où l’on prie l’office divin et où l’on célèbre l’eucharistie.
4 Théologie de l’espace liturgique
La définition théologique de la Trinité est bien postérieure aux écrits néotestamentaires, mais c’est dans ces écrits qu’elle trouve ses fondements solides. Or, la communauté des disciples de Jésus est conçue comme une image de la Trinité à travers les trois catégories ecclésiologiques : Peuple de Dieu, Corps du Christ et Temple du Saint-Esprit ; et l’édifice ecclésial, à son tour, est conçu à l’image de la communauté qu’il abrite. Le mystère trinitaire ne peut être conçu qu’à partir du mystère pascal, qui se révèle dans la mort-résurrection du Christ et la Pentecôte, car le Saint-Esprit est le grand don de la Pâque. L’église-édifice ecclésial, étant une image de l’Église-communauté des disciples, ne peut être conçue uniquement comme une construction visant à protéger les fidèles des intempéries, mais doit toujours prendre en considération qu’elle est le lieu de réunion de l’assemblée du Peuple de Dieu, du Corps du Christ et du Temple du Saint-Esprit pour célébrer le mystère pascal, non seulement dans l’eucharistie, mais aussi dans les autres sacrements, dans la Liturgie des Heures et dans les sacramentaux. L’espace liturgique est donc le lieu où les fidèles célèbrent le mystère du Dieu Trinité révélé dans la Pâque du Christ.
4.1 Qualités identificatrices
L’architecte, en concevant l’édifice ecclésial, tout en sauvegardant sa liberté créative, doit impérativement garder à l’esprit les critères suivants : le confort et la participation de l’assemblée aux saints mystères, les lieux des ministres (siège présidentiel, bancs pour les acolytes et lecteurs, place des chantres), la fonctionnalité pour le déroulement du culte, l’acoustique et l’éclairage ; mais, tout cela respecté, ce qui qualifie l’édifice comme lieu du culte chrétien, ce sont l’ambon, les fonts baptismaux et l’autel. Ce sont ces trois éléments liturgiques qui, par leur mystagogie, aident les fidèles à se comprendre eux-mêmes comme Peuple de Dieu, Corps du Christ et Temple du Saint-Esprit, peuple rené et rassemblé dans la Pâque du Christ.
4.2 L’ambon
L’ambon est le lieu de la proclamation de la Parole de Dieu, qui trouve son apogée avec l’événement du Christ (He 1,1-2), spécialement sa Pâque. En tant que lieu de la proclamation de la Parole de Dieu, l’ambon accentue théologiquement la catégorie ecclésiologique du Peuple de Dieu. C’est le peuple de la nouvelle Alliance, convoqué et rassemblé par la Parole. Ce fait le place en continuité avec le peuple de l’ancienne Alliance qui, à son tour, avait comme centre de sa foi la Loi et les Prophètes, donc la Parole de Dieu. L’ambon, en tant que lieu par excellence de la proclamation de la Pâque, renvoie au tombeau vide, d’où les anges annoncent aux pieuses femmes la résurrection du Christ. Ce fait indique que la résurrection n’est pas une simple interprétation du signe du tombeau vide, mais bien une révélation divine. Cela explique pourquoi, dans de nombreuses églises, l’ambon reçoit comme icône l’image d’un ou deux anges (Mt 28,6 ; Mc 16,5-6 et Lc 24,23 respectivement). Étant le lieu de la proclamation de l’Évangile, sommet de la liturgie de la Parole, l’ambon peut également recevoir des sculptures des quatre animaux de l’Apocalypse : (homme, lion, taureau et aigle), selon l’interprétation patristique.
Dans le Christ, tout baptisé est prophète, prêtre et roi ; l’ambon est donc le lieu où il exerce son être de prophète. En effet, la proclamation de la Parole de Dieu dans la liturgie n’est pas une simple lecture que le ministre fait pour l’assemblée, mais un véritable et propre dialogue entre Dieu et l’assemblée de ses fidèles : Dieu parle à son peuple par le prophète (lecteur) et l’assemblée répond par des psaumes et des prières. C’est donc à l’ambon que ce dialogue a lieu. Il ne s’agit donc pas d’un simple récit de faits passés, mais d’une véritable actualisation de la manifestation de Dieu à ses élus. En ce sens, l’ambon est aussi un lieu anamnétique de l’histoire du salut, puisque dans l’anamnèse liturgique le passé s’actualise, dans l’ici et maintenant de la célébration, et pointe vers la parousie. Cela confère à l’ambon des caractéristiques de monument, lieu du non-oubli, de la mémoire et, comme le moment culminant de l’histoire du salut est le mystère pascal, l’ambon est un monument pascal. Cette structure théologique suggère pour l’ambon une structure physique – forme et robustesse – d’un véritable monument. Son élévation par rapport au sol de la nef révèle que la Parole vient d’en haut, renforçant ainsi l’idée de dialogue et, par conséquent, de la force performative de la Parole proclamée.
4.3 Les fonts baptismaux
Les fonts baptismaux attirent à eux la catégorie ecclésiologique de « Temple du Saint-Esprit », car, de même qu’autrefois le Christ a reçu l’Esprit en étant baptisé dans les eaux du Jourdain, aujourd’hui le chrétien le reçoit en sortant des fonts baptismaux. C’est à la source d’eau vive qu’il devient Temple du Saint-Esprit (1Co 3,16-17), ce qui équivaut à dire que, dorénavant, il marchera sous l’action de l’Esprit, car il a été greffé sur le Corps du Christ et introduit dans le Peuple de Dieu. Dans la Lettre aux Romains, Paul fait une belle et profonde réflexion sur le baptême, suggérant qu’il s’agit de mort et de résurrection avec le Christ (Rm 6,1-14), de sorte que, dans les fonts baptismaux, le fidèle expérimente sacramentellement ce que le Christ a vécu dans sa Pâque. Ainsi, le geste d’entrer dans l’eau et d’en sortir symbolise la mort et la résurrection. Cette structure théologique requiert que les fonts baptismaux aient une dimension capable d’accueillir une personne même adulte à l’intérieur, car le baptême par immersion est le symbole le plus éloquent, bien que l’Église admette aussi la forme de l’ablution. Dans son Évangile, Jean parle d’eau vive (Jn 4,10-11 ; 7,37-38), ce qui s’exprime mieux par l’eau courante et non stagnante. En effet, déjà dans l’AT, l’eau courante est signe de vie, tandis que l’eau stagnante est signe de mort (Jr 2,13). Cela suggère que dans les fonts baptismaux, il y ait une installation hydraulique pour le mouvement de l’eau : c’est la structure physique au service de la structure théologique. Par son caractère de lieu anamnétique de la Pâque du Christ (ce qui se passe dans l’expérience du catéchumène-néophyte), les fonts baptismaux sont aussi un monument pascal et requièrent, tout comme l’ambon, une dimension et une solidité propres à un monument. Le baptême et la confirmation, bien qu’aujourd’hui administrés à des moments différents dans le cas de l’initiation de l’enfant, sont en réalité deux sacrements intimement associés, l’onction étant la conséquence du bain, c’est pourquoi on peut dire que c’est dans les fonts baptismaux que le chrétien est oint roi dans le Christ.
4.4 L’autel
L’autel attire à lui la catégorie ecclésiologique « Corps du Christ ». Cette catégorie s’exprime dans la double dimension de l’autel, table de la Cène et lieu du sacrifice, il est donc un élément mimétique et anamnétique (Lc 22,19 ; 1Co 11,25-26). En tant que lieu mimétique, l’autel est l’endroit où les chrétiens se nourrissent du corps et du sang du Seigneur, et en tant que lieu anamnétique, on y fait mémoire de son sacrifice rédempteur, de sa Pâque, corps livré et sang versé sur l’autel de la croix. Table et autel sont deux réalités qui se complètent, car lors de la dernière Cène, Jésus dévoile à ses disciples le sens de l’événement du lendemain, sa mort. La cruauté du vendredi prend son sens dans la Cène : le don de Jésus est libre et plein d’amour pour l’humanité, obéissance au projet salvifique du Père jusqu’à la mort, et la mort sur la croix. Ces deux choses sont faites par ordre du Christ et sont deux moments d’un unique mystère pascal, ce qui est célébré sur l’autel de l’eucharistie.
Cependant, la question se pose de savoir laquelle des deux dimensions doit définir l’esthétique de l’autel : table ou lieu de sacrifice. Dans la nomenclature traditionnelle catholique, le terme autel prévaut, donc lieu de sacrifice. L’Église fait mémoire du sacrifice de Jésus, en précisant qu’il ne s’agit pas d’un nouveau sacrifice, mais du sacrement unique de Jésus sur l’autel de la croix (He 10,18) ; en présentant à nouveau au Père le sacrifice de Jésus, l’Église s’unit à lui et s’offre elle-même comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu (Rm 12,1). On peut dire que, par leur rite, les chrétiens s’insèrent dans le sacrifice unique du Christ et, avec lui, s’offrent eux-mêmes. Cette oblation définit l’autel comme lieu de sacrifice. Cela se produit cependant au sein d’une cène, mais celle-ci s’exprime par le geste des chrétiens s’approchant de l’autel et se nourrissant du corps et du sang du Christ. L’autel s’exprime comme lieu de sacrifice par son esthétique et comme table par la gestuelle du manger et du boire. Dans les deux cas, l’autel s’impose comme un monument pascal : cène et sacrifice en mémoire du Christ. Pour la définition de la forme et du matériau, ce qui a été dit précédemment pour l’ambon et repris pour les fonts baptismaux est donc valable. Il convient également de dire que la situation de l’autel et son accessibilité sont ce qui exprimera aux fidèles l’exercice de leur sacerdoce baptismal dans le Christ.
Marco Antonio Morais Lima, SJ – UNICAP. Texte original en portugais.
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