Musique Rituelle Chrétienne

Sommaire

Introduction

1 La musique comme expression de la vie humaine

2 La musique dans la tradition judéo-chrétienne

2.1 Le « cantique de Moïse » et le « cantique de l’Agneau »

2.2 Les « louanges » du Seigneur

2.3 Chanteurs et instrumentistes

3 La musique rituelle chrétienne

3.1 La musique comme rite

3.2 Répertoire liturgique

3.3 Critères pour le choix du répertoire liturgique

4 En guise de conclusion

Références

Introduction

Étant donné l’ampleur du sujet en question, nous avons choisi de l’aborder sous trois axes, à savoir : 1) la musique comme expression de la vie humaine ; 2) la musique dans la tradition judéo-chrétienne ; 3) la musique rituelle chrétienne. Nous avons également opté pour l’utilisation du terme « musique rituelle » pour désigner la musique liée aux rites des divers peuples et cultures, et « musique rituelle chrétienne » pour la musique utilisée dans la liturgie chrétienne.

1 La musique comme expression de la vie humaine

Dès son origine, la vie humaine est peuplée de sons. L’expérience de l’écoute des premiers sons remonte au sein maternel. Dans le monde intra-utérin, le nouvel être est gesté dans un environnement potentiellement sonore, à commencer par les sons provenant du propre corps de sa génitrice et de la réverbération d’autres, issus du monde extérieur. Après la naissance, le nouveau-né élargit peu à peu sa capacité d’écoute, à partir des multiples sons venant du nouveau monde qui l’entoure : de la nature elle-même et de ceux produits par les humains. C’est par cette écoute que l’enfant, de manière progressive, réagit et émet ses propres sons.

            La musique est le résultat de l’« organisation » des sons, de sa forme la plus élémentaire aux structures complexes, impliquant des instruments de musique et la voix humaine. D’ailleurs, on peut affirmer que l’origine de la musique se confond avec la genèse de l’être humain et, également, assurer qu’elle exerce un pouvoir extraordinaire sur les humains. Ce pouvoir est capable d’influencer les comportements, de les transformer positivement ou négativement et de les transporter d’un extrême à l’autre, au point de convertir la tristesse en joie, l’agitation en sérénité, le désespoir en espérance… et vice-versa. Il est probable que la célèbre « classification » des modes grégoriens, d’Adam de Fulda (†1490), ait un lien avec cela :

Omnibus est primus, sed alter est tristibus aptus;

tertius iratus, quartus dicitur fieri blandus;

quintum da laetis, sextum pietate probatis;

septimus est iuvenum, sed postremus sapientum.

(Le premier se prête à tous les sentiments, le second aux sentiments tristes ;

le troisième à la colère, le quatrième est dit flatteur ;

le cinquième est joyeux, le sixième est pour les dévots,

le septième est celui des jeunes, mais le huitième est celui des sages.)

Un autre proverbe médiéval, également, dit :

Primus gravis, secundus tristis;

tertius misticus, quartus harmonicus;

quintus laetus, sextus devotus;

septimus angelicus, octavus perfectus.

(Le premier mode est sérieux, le second triste,

le troisième mystique, le quatrième harmonique,

le cinquième joyeux, le sixième dévot,

le septième angélique, le huitième parfait.)

Enfin, la musique accompagne les personnes dans diverses circonstances de la vie, comme les loisirs, le travail, la thérapie occupationnelle et médicinale, la fête, le deuil… Cependant, la qualité de cette « présence » et le degré d’intensité avec lequel telle ou telle musique touche chaque personne dépendront du caractère culturel de chaque peuple ou groupe, y compris de leurs dispositions intérieures et extérieures.

Dans le domaine religieux, la musique occupe une place privilégiée, au point d’exercer une sorte de « pouvoir spirituel ». Pour de nombreuses traditions, en plus de favoriser le contact direct avec la divinité, elle possède des attributs divins et, de ce fait même, est capable de mener les gens à la transe, à l’extase, à l’hypnose. Dès les temps les plus reculés, on avait aussi conscience que la musique possédait une vertu magique, capable de disposer, en faveur ou contre la personne, des esprits bons ou mauvais. Cela explique la prédilection des peuples anciens pour la musique dans leurs cultes et leurs sacrifices.

Cependant, il convient de noter que le concept de « musique » doit être compris ici au sens large, englobant « depuis les cris ou les bruits plus ou moins rythmiques, obtenus par la percussion des mains sur des fruits ou des troncs creux, jusqu’à la musique la plus artistique avec des mélodies chantées au son d’instruments de musique plus élaborés » (BASURKO, 2005, p. 51).

2 La musique dans la tradition judéo-chrétienne

Parmi les divers peuples, celui d’Israël se distingue comme un peuple éminemment musical. La Sainte Écriture en est la meilleure référence. Dans ce livre sacré, on trouve d’abondantes références à la musique, tant liée à la voix humaine qu’aux divers instruments de musique. « La musique instrumentale, unie à la danse, à la poésie et au chant, a collaboré au renouvellement constant du Peuple de Dieu, en mémorisant le contenu de son Histoire Sainte » (MONRABAL, 2006, p. 16).

À titre de curiosité, il convient de dire que le mot « chanter », ainsi que ses dérivés, est considéré comme le plus utilisé dans la Bible : dans l’Ancien Testament, il apparaît 309 fois ; dans le Nouveau Testament, 36 fois (cf. RATZINGER, 2019, p. 121). On en déduit que, lorsque l’être humain se propose d’entrer en contact avec la divinité, le simple fait de parler est insuffisant. Le chant est l’expression la plus éloquente pour le dialogue amoureux des créatures avec leur créateur : « Je te louerai parmi les peuples, Seigneur, je te chanterai des psaumes parmi les nations, car ta miséricorde s’est élevée jusqu’aux cieux et ta fidélité jusqu’aux nues » (Ps 57,10-11).

2.1 Le « cantique de Moïse » et le « cantique de l’Agneau »

Ce n’est pas par hasard que l’expérience fondatrice de la foi d’Israël — la traversée de la mer Rouge — a été célébrée par un « cantique » (Ex 15,1-18). Ce « cantique de Moïse », en plus d’être un paradigme de l’expérience libératrice de Dieu vécue par le peuple de la Première Alliance, est aussi la première référence au chant dans la Sainte Écriture. De cette louange originelle ont fleuri les psaumes et autres cantiques bibliques, des poèmes qui, en plus de faire allusion à des instruments de musique et aux diverses manières de les chanter, expriment surtout des expériences de vie converties en prière et en chant : deuil, lamentation ou accusation, crainte, espérance, confiance, gratitude, joie, etc. « Les psaumes jaillissent souvent d’expériences très personnelles de douleur et d’accomplissement, mais ils conduisent ensuite à la prière commune d’Israël, tout comme ils se nourrissent du fondement commun des actions déjà réalisées par Dieu » (RATZINGER, 2019, p. 123). Ce n’est pas sans raison que certains Pères de l’Église voient dans ces hymnes le résumé de toute l’Écriture.

Si le « cantique de Moïse » (Ex 15,1-18) est un paradigme pour le peuple de la Première Alliance, le « cantique de l’Agneau » (Ap 15,2-4) est également paradigmatique pour le peuple de la « nouvelle et éternelle Alliance ». En réalité, ces deux cantiques constituent un cadre qui englobe toute la Sainte Écriture. D’où leur usage régulier dans la liturgie.

Dans la tradition juive, le « cantique de Moïse » était entonné lors de la prière matinale du Shabat, après le sacrifice vespéral et, par supposition, dans la liturgie pascale, de manière spéciale le septième jour de la Pâque (cf. BASURKO, 2005, p. 180). La raison primordiale de ce chant réside dans la dynamique du mémorial qui, en plus d’actualiser l’expérience de l’événement fondateur de la libération d’Israël de la servitude d’Égypte, inclut la perspective future, où l’on chantera le « chant nouveau », aux jours du Messie. Dans la liturgie chrétienne, ce cantique est entonné lors de la Vigile pascale, juste après la proclamation de la troisième lecture (Ex 14,15-15,1), et dans la Liturgie des Heures, à l’Office des Laudes du samedi de la première semaine du psautier.

Le « cantique de l’Agneau », quant à lui, apparaît lié au « cantique de Moïse » :

Je vis comme une mer de verre, mêlée de feu ; et ceux qui avaient vaincu la Bête, et son image, et le nombre de son nom, se tenaient sur la mer de verre, ayant des harpes de Dieu. Ils chantaient le cantique de Moïse, serviteur de Dieu, et le cantique de l’Agneau, en disant : « Grandes et admirables sont tes œuvres, Seigneur Dieu Tout-Puissant ! Justes et véritables sont tes voies, ô Roi des nations ! Qui ne te craindra, Seigneur, et ne glorifiera ton nom ? Car toi seul es saint. Toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés » (Ap 15,2-4).

À titre d’exemple, nous signalerons quelques correspondances significatives entre les deux cantiques, à savoir : a) l’image de la « mer de verre mêlée de feu », allusion à la mer Rouge de l’Exode ; b) les protagonistes « victorieux de la confrontation avec la bête », allusion à ceux qui ont traversé la mer Rouge à pied sec, tandis que les Égyptiens furent engloutis par les eaux ; c) les images (typologiques) de « Moïse » et de l’« Agneau » ; d) les gestes liturgiques : « debout », « ils chantaient… », communs dans les récits respectifs.

En somme, on peut affirmer que le « cantique de l’Agneau » est un résumé du « cantique de Moïse », ainsi que de toute l’Histoire du Salut, puisque son texte se limite à chanter, de manière générique, les « grandes et admirables œuvres du Tout-Puissant » et à réaffirmer que les voies de Dieu sont « justes et véritables » et que ses « justes décisions ont été manifestées ». Et plus encore : le « cantique de l’Agneau » est, en vérité, le « cantique nouveau » qui a apporté la rédemption définitive. « C’est la réponse nouvelle et admirative face à la nouveauté de la Jérusalem céleste, où celui qui est assis sur son trône a fait toutes choses nouvelles » (BASURKO, 2005, p. 192). Le « cantique de l’Agneau » est entonné dans la Liturgie des Heures, à l’office vespéral du vendredi.

2.2 Les « louanges » du Seigneur

Les psaumes et autres cantiques bibliques constituent un patrimoine mémoriel de la prière d’Israël. Dans ces « louanges » s’expriment des sentiments qui jaillissent des profondeurs du cœur humain, devant celui qui, depuis toujours, se manifeste comme créateur, libérateur, protecteur, défenseur… Les divers genres (louange, action de grâces, supplication…) nous permettent d’entrevoir l’état de l’« âme assoiffée » qui cherche le Dieu vivant (Sl 42/41,1). Le psautier garde

un mystère, pour que les générations ne cessent de revenir à ce chant, de se purifier à cette source, de s’interrompre à chaque verset, à chaque mot de l’ancienne prière, comme si ses rythmes avaient la pulsation des mondes. Car le monde s’y est reconnu. Comme il narre l’histoire de tous, il est devenu le livre de tous, ambassadeur infatigable et perspicace de la parole d’IHVH auprès des peuples de la terre. Là aussi, il s’est insinué partout : dans tous les baptêmes, dans tous les mariages, dans tous les enterrements, dans toutes les églises. Il est présent à toutes les fêtes et à tous les deuils de presque toutes les nations (CHOURAQUI, 1998, p. 13).

Les chrétiens, dès les premiers temps, ont eu recours à ces poèmes sacrés. Nos pères et mères dans la foi s’insèrent dans la prière d’Israël, conscients d’entonner un « chant nouveau », car

L’Esprit Saint, qui a inspiré David à chanter et à prier, le fait parler du Christ, ou mieux, le fait devenir la bouche du Christ, et de cette manière, nous, dans les psaumes, par le Christ, nous parlons au Père dans l’Esprit Saint. Cette interprétation conjointement pneumatologique et christologique des Psaumes, cependant, ne se réfère pas seulement au texte, mais implique l’élément musical : c’est l’Esprit Saint qui enseigne d’abord à David à chanter, puis, par son intermédiaire, à Israël et à l’Église (RATZINGER, 2019, p. 124).

C’est surtout dans la Liturgie des Heures que ces « louanges » révèlent leur pouvoir d’élever les esprits, d’éveiller les cœurs aux affects les plus profonds, ainsi que de procurer la consolation, la force et le courage. « Celui qui psalmodie sagement parcourra verset par verset, méditant l’un après l’autre, toujours disposé dans son cœur à répondre comme l’exige l’Esprit qui a inspiré le psalmiste et qui assistera également les personnes pieuses, disposées à recevoir sa grâce » (PGLH n. 104). Ce double mouvement de récitation et d’écoute, Goffredo Boselli l’appelle « intelligence spirituelle » ou « intelligence des sens ». Cette « intelligence » suppose une intégration équilibrée des sens dans l’action liturgique, car ceux-ci sont une « voie privilégiée » pour parvenir au sens, à la connaissance du mystère (cf. BOSELLI, 2019, p. 155-159).

2.3 Chanteurs et instrumentistes

Les « ministères » de chanteurs et d’instrumentistes, en Israël, provenaient de la tribu de Lévi et étaient exercés selon des groupes familiaux, comme ce qui est narré dans le Premier Livre des Chroniques :

David ordonna aux chefs des Lévites de désigner parmi leurs frères les chanteurs, pour faire retentir leur joie avec des instruments de musique, des harpes, des cithares et des cymbales. […] Les chanteurs Hémân, Asaph et Éthân jouaient des cymbales de bronze. Zacharie, Oziël, Shemiramoth, Jehiel, Ani, Eliab, Maasias et Banaïas jouaient sur des luths au ton soprano. Mattathias, Eliphalu, Macenias, Obed-Edom, Jeïel et Azazias accompagnaient sur des cithares à l’octave. Kenanias, chef des Lévites chargés, homme expert, dirigeait l’office. […] Les prêtres Shebanias, Josaphat, Nathanaël, Amasaï, Zacharie, Banaïas et Eliézer sonnaient des trompettes devant l’arche de Dieu (1Ch 15,16.19-22.24).

Certains psaumes conservent même les indications de ces familles : « Asaph » (Ps 50/49 ; 73/72-83/82) ; « Coré » (Ps 42/41 ; 44/43-49/48) ; « Éthân » (89/88) etc.

Un autre récit scripturaire significatif nous laisse entrevoir la beauté et la dignité du service liturgico-musical rendu dans le Temple de Jérusalem :

Tous les chantres lévites, Asaph, Hémân, Jeduthun, avec leurs fils et leurs frères, se tenaient là, vêtus de lin, avec des cymbales, des harpes et des cithares, du côté oriental de l’autel, auprès de cent vingt prêtres qui sonnaient des trompettes. Quand tous, unis, se mirent à jouer et à chanter, on entendit comme une seule voix louant et rendant grâce au Seigneur : « Oui, il est bon, sa miséricorde est à jamais » (2Ch 5, 12-13).

Étant donné que la musique instrumentale était intimement liée aux sacrifices, elle a perdu sa raison d’être avec la destruction du Temple de Jérusalem. Un tel silence était l’expression du deuil pour cette tragédie. À cette motivation s’ajoutait un « courant spiritualiste » dans le judaïsme — existant déjà avant la chute du Temple — qui méprisait l’usage d’instruments de musique dans le culte. Parmi les principaux maîtres de cette doctrine du « culte spirituel », on distingue Philon d’Alexandrie (15 av. J.-C. – 45 ap. J.-C.). Le Temple n’existant plus, la fonction des lévites se réduit à deux privilèges dans le culte synagogal : être convoqué pour faire une lecture et servir aux ablutions des prêtres avant de réciter la bénédiction de la congrégation. La fonction de « chanteur » continue d’être très appréciée, mais n’importe qui peut l’exercer, à condition d’avoir une belle voix (cf. MONRABAL, 2006, p. 24).

Dans la tradition chrétienne, au cours des sept premiers siècles, on n’utilisait pratiquement pas d’instruments de musique dans la liturgie. Dans la littérature patristique, par exemple, nous trouvons un rejet total de leur usage. Les instruments étaient considérés par les Pères comme un symbole de la vie païenne, stigmatisée par l’idolâtrie et l’immoralité. Même la « renonciation au diable et à toutes ses œuvres », que les catéchumènes devaient faire à la fontaine baptismale, incluait également la renonciation aux « spectacles et chants » des païens (cf. BASURKO, 2005, p. 127-128).

Même en désapprouvant l’usage d’instruments de musique dans la liturgie, les Pères nous ont légué une littérature (allégorique) expressive et édifiante sur les instruments de musique. À l’intérieur de ces allégories se cachent des aspects spirituels et doctrinaux. La cible directe de cette littérature est le monde païen et ses menaces à l’intégrité de la foi. Parmi les innombrables images allégoriques sur les instruments de musique en général, utilisées par les Pères, nous soulignons celles de la cithare et de la lyre.

L’image de la cithare — liée à l’action de l’Esprit dans l’assemblée qui chante — se déroule de la manière suivante : de même que les différentes cordes de la cithare, grâce à l’habileté du joueur, produisent une mélodie harmonieuse, de même l’Église (les cordes vivantes), dirigée par l’Esprit Saint, unit sa voix dans la plus parfaite harmonie. En d’autres termes, la fonction de l’Esprit est d’unifier la communauté qui chante. Quant à la figure du Christ, elle apparaît comme le musicien qui réalise l’union artistique des sons des diverses cordes de la lyre et fait monter vers le Père un merveilleux concert. Souvent, le Christ lui-même est représenté comme un instrument de Dieu, et la cithare, avec sa passion : les cordes tendues sur le bois de cet instrument de musique sont considérées comme l’image du corps du Christ étendu sur le bois de la croix (cf. BASURKO, 2005, p. 113-116).

Les Pères sont unanimes à affirmer que la voix humaine est l’instrument le plus parfait pour la louange de Dieu, et ils s’efforcent de convaincre les fidèles — pour la plupart des néo-convertis du monde païen — que le chant pur est supérieur au son de tout instrument de musique fait de mains d’hommes. « Le peuple de Dieu, réuni dans le temple pour le chant des hymnes et des psaumes, est maintenant la cithare spirituelle qui remplace et surpasse les instruments utilisés par le peuple juif ». Eusèbe de Césarée va jusqu’à dire que « supérieure à tout psaltérion matériel est la multitude qui, étendue sur tout l’orbe, célèbre le Dieu qui est au-dessus de toutes choses, d’un même chant et d’une même harmonie ». Pour Eusèbe, le chant est supérieur à la psalmodie. Cette dernière manque encore d’actions corporelles (de l’usage d’instruments comme le psaltérion), tandis que le chant est plus noble et plus spirituel — dépourvu de support instrumental —, plus en consonance avec la contemplation et la théologie.

En somme, non seulement la voix, mais l’être humain dans son ensemble est, pour les Pères, l’instrument de musique le plus parfait, comme le résume bien saint Augustin : « Vous êtes la trompette, le psaltérion, la cithare, le tympanon, le chœur, les cordes et l’orgue ». Par conséquent, pour les saints Pères, les instruments étaient considérés au sens « spirituel ».

Il convient de rappeler que, même après l’introduction progressive d’instruments de musique dans le culte, une certaine ambiguïté persistait quant à ce qu’il était licite de faire ou non en matière de musique. D’ailleurs, ce dilemme s’est prolongé tout au long du second millénaire. Encore au début du XXe siècle, Pie X, dans son Motu Proprio Tra le Sollecitudini (1903), admet l’orgue dans l’Église ; tolère certains instruments à vent ; interdit le piano, le tambour, la grosse caisse, les cymbales, les clochettes et autres instruments similaires (cf. TLS n. 14s). Pie XII, dans l’encyclique Musicae Sacrae Disciplina (1956), loue l’usage de l’orgue et admet l’usage de violons et d’autres instruments à archet, mais reste réticent quant à l’usage d’instruments considérés comme « bruyants » et « assourdissants » qui sont « dissonants avec le rite sacré et la gravité du lieu » (cf. MSD n. 28-29).

Toutes les questions en suspens sur l’usage des instruments de musique dans la liturgie semblent avoir été résolues avec la réforme du Concile Vatican II. La Constitution Sacrosanctum Concilium (1963), en plus de classer l’« orgue à tuyaux » comme l’instrument le plus approprié pour la liturgie, admet que d’autres instruments puissent également être utilisés, à condition d’avoir le « consentement de l’autorité compétente » et, selon la région, que ceux-ci soient adaptés aux circonstances et aux coutumes du lieu (cf. SC n. 120).

L’Instruction Musicam Sacram (1967), en plus de reconnaître l’utilité et l’importance des instruments de musique dans la liturgie, nous présente également leurs principales fonctions : soutenir le chant, faciliter la participation et créer l’unité de l’assemblée. Elle nous avertit que le son des instruments ne devra jamais couvrir les voix, de manière à rendre difficile la compréhension des textes. Et plus encore : ils doivent « se taire lorsque le prêtre ou le ministre prononce à voix haute un texte, en vertu de sa propre fonction ». Quant aux solos instrumentaux, la même Instruction — en prenant comme référence la liturgie eucharistique — prévoit quatre moments appropriés pour ce type de musique : au début, pendant la procession d’entrée du président et des autres ministres ; pendant que se déroule la procession et la préparation des offrandes ; à la communion et à la fin de la messe (cf. MS n. 62-65).

Quant à la musique purement vocale, on sait peu de choses sur la manière dont elle était exécutée dans les trois premiers siècles de l’ère chrétienne. Quant aux chœurs, leur apparition remonte au IVe siècle. Ils étaient formés d’hommes, surtout de moines qui, initialement, se regroupaient dans les premières rangées de l’assemblée. Il ne s’agit pas encore de chanteurs spécialisés, mais de personnes qui aidaient le chant de la communauté, en exécutant les parties les plus difficiles de l’intonation des psaumes, des hymnes, des acclamations, des litanies et des réponses.

Dans le but de diffuser le chant grégorien dans toute l’Europe, apparaissent, vers le VIIe siècle, lesdites Scholae Cantorum, qui, en réalité, étaient des chœurs de garçons et de clercs hautement spécialisés. Cela devint nécessaire car le chant était devenu plus recherché et d’exécution difficile. Par conséquent, les chœurs ont commencé à monopoliser le chant liturgique, tandis que le peuple se contentait de la condition d’auditeur de la « musique divine ».

Cette situation s’est encore aggravée avec l’apparition de la polyphonie vocale classique, au début du second millénaire. À partir de ce moment, progressivement, la musique de l’Église latine s’est confondue avec la musique de concert, atteignant son apogée aux XVIIIe et XIXe siècles. La séparation entre la chorale et l’assemblée s’est faite de telle manière que dans les églises, le « chœur » ne pouvait manquer — un lieu élevé, normalement au-dessus du hall d’entrée du temple, réservé aux musiciens.

La réforme liturgique du Concile Vatican II n’a pas aboli la chorale, elle a seulement établi des critères clairs quant à son ministère dans l’assemblée liturgique. Une chorale bien formée et bien dirigée pourra rendre un service important à l’assemblée, en exerçant un ministère multiple, soit en renforçant le chant liturgique de l’assemblée à l’unisson, soit en enrichissant les mélodies en exécutant des arrangements à plusieurs voix. Par exemple : les formes litaniques du « Seigneur, prends pitié », du « Agneau de Dieu » ; ou encore la forme antiphonique (chœur et assemblée exécutant un même chant, de manière alternée) sont des moyens efficaces d’intégration entre le chœur et l’assemblée. En plus de ces possibilités, la chorale pourra également entonner une pièce, ou motet, pendant la procession et la préparation des offrandes, pendant ou après la communion.

Il est toujours opportun de rappeler que certains chants, en principe, ne devraient jamais être exécutés uniquement par la chorale, comme le « Gloire à Dieu » et le « Saint ». Du fait que ces hymnes appartiennent à toute la communauté, d’éventuels arrangements à plusieurs voix pour le chœur ne devraient jamais empêcher, mais plutôt favoriser et renforcer la participation du peuple. Et quant aux chanteurs et instrumentistes, leur meilleure place est près des autres fidèles, puisque leur ministère s’exerce en fonction de la participation de l’assemblée au mystère célébré.

3 La musique rituelle chrétienne

Dans cette section, l’approche de la musique rituelle chrétienne se limitera à trois points, à savoir : a) la musique comme rite ; b) le répertoire liturgique ; c) les critères de choix du répertoire.

3.1 La musique comme rite

Comme dit précédemment (point 1), la musique occupe une large place dans la vie des humains et se prête à diverses utilités. Cependant, il existe un type de musique qui possède un caractère propre et se revêt d’une densité « sacramentelle », lorsqu’elle est exécutée dans une action rituelle. Cette « musique rituelle », dans les diverses traditions religieuses, possède un lien étroit avec le « mystère » célébré.

Par musique rituelle, nous entendons toute pratique musicale et instrumentale qui, dans la célébration, se distingue des formes habituelles, que ce soit dans la parole parlée ou dans les sons ou bruits ordinaires. Le domaine sonore ainsi désigné élargit ce que, normalement, on définit comme « musique » ou comme « chant » dans certains milieux culturels (UNIVERSA LAUS, 1980, n. 1.4).

Aldo Terrin, en faisant des considérations sur la musique rituelle dans les civilisations anciennes, comme la Mésopotamie, l’Égypte, l’Inde védique, la Chine…, souligne la relation intrinsèque entre musique et rite, et met également en évidence le « pouvoir » que cette musique exerce sur les personnes, en ces termes :

ce n’est plus une musique d’accompagnement, mais une musique qui entre pour « préformer » et « performer » le rite avec des objectifs cathartiques, apotropaïques, initiatiques et enthousiastes. Dans ces cas, la musique n’est pas seulement une partie intégrante, mais une partie constitutive du rite, l’accompagnant presque nécessairement, faisant partie de son essence. Dans ce contexte, on peut dire que le rite glisse vers le fait musical et se confond presque avec lui (TERRIN, 2004, p. 298).

Cependant, le même auteur nous prévient qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle musique, mais d’une authentique « musique rituelle ». Celle-ci, à son tour, doit s’adapter à l’ensemble symbolique du rite, fonctionnant comme son soutien et son commentaire. En dernière analyse, c’est le rite qui, en vertu de sa propre nature, doit s’approprier une structure musicale particulière. Étant donné que le rite ne comporte pas d’éléments étrangers à sa nature, la musique qui y est utilisée ne devra jamais être arbitraire ou autonome (cf. TERRIN, p. 311-312).

Dans ce même sillage s’inscrit la musique rituelle chrétienne. Celle-ci, à son tour, exprime le mystère pascal du Christ, axe central de la liturgie chrétienne. Joseph Gelineau rappelle que l’Église, depuis ses origines, a cherché à résoudre les questions liées à l’admission ou non de telle ou telle expression de l’art musical émergent dans son culte. Au cours de l’histoire, trois principes sont devenus fondamentaux : a) la musique ne doit pas servir deux maîtres, c’est-à-dire le monde ou les démons d’un côté, et le Dieu de sainteté de l’autre (principe moral) ; b) la musique ne doit pas refuser son service au vrai Dieu et ne jamais se servir elle-même — l’art pour l’art (principe théologique) ; c) la musique ne doit pas désorienter les fidèles (principe pastoral), c’est-à-dire devenir un corps étranger dans l’ensemble de l’action liturgique (cf. GELINEAU, 1968, p. 54).

Cherchant à lier des exemples de l’histoire de la musique rituelle chrétienne à chaque principe ci-dessus, J. Gelineau souligne : a) l’irréductibilité de l’Église, dans les sept premiers siècles, quant au non-usage d’instruments de musique dans la liturgie. Ceux-ci étaient considérés comme un symbole du paganisme ; b) l’affrontement issu du « monde des beaux-arts » — du beau pour le beau —, détaché de l’« esthétique liturgique » ; c) certaines formes de polyphonie qui rendaient le texte liturgique inintelligible, ne laissant transparaître que le jeu complexe des voix. Cette question a même été discutée au Concile de Trente (cf. IBID p. 54-61).

En somme, rien ne doit entraver la participation des fidèles au mystère célébré. Comme nous l’enseigne bien le Concile Vatican II, l’action liturgique est l’action du Christ et de son corps, l’Église, réalisée par des signes sensibles qui signifient et réalisent le salut (cf. SC n. 7). La musique rituelle, à son tour, ne pourra jamais provoquer l’étrangeté chez les fidèles ou les rendre spectateurs passifs ou indifférents.

3.2 Répertoire liturgique

Cinq décennies après le Concile Vatican II, la réflexion théologico-liturgico-musicale tend à orienter son attention sur la question du « répertoire liturgique ». Cela est nécessaire face à l’avalanche de nouvelles compositions apparues durant cette période, et parce que, malheureusement, tout ne peut pas être utilisé pour l’usage liturgique.

Le répertoire est donc l’ensemble des chants que chaque communauté choisit pour ses célébrations, tout au long de l’année liturgique. Il présuppose un choix objectif et soigné, soutenu par un code de critères issus de la nature même de la liturgie. L’idée de répertoire est intimement liée à celle de rite. Le rite, de par sa nature même, est répétition, mémoire, consensus collectif.

La sédimentation d’un répertoire se fait par la répétition. La pédagogie intrinsèque de répéter, à chaque temps ou fête, un répertoire de base de chants, conduit les fidèles à une expérience spirituelle plus intense du mystère célébré grâce à l’action rénovatrice de l’Esprit Saint. Cependant, ce principe n’exclut pas la possibilité d’élargir les répertoires, ce qui devra naturellement se produire au fil du cheminement de chaque communauté.

Un répertoire biblique-liturgique qui reste vivant dans la mémoire des fidèles, en plus de faciliter son exécution en tant que tel, sauve également la dimension de mémorial — essentielle pour la liturgie. L’ordre d’itération donné par Jésus (« faites ceci en mémoire de moi »), actualisé dans chaque action liturgique, s’applique aussi à la musique rituelle. Celle-ci se met au service du souvenir des faits salvifiques, un passé significatif qui affleure dans les événements, dans l’aujourd’hui de la communauté chrétienne et la projette vers l’avenir, vers la pleine configuration au corps glorieux du Christ. « Ainsi, dans la liturgie chrétienne, la musique rituelle est chargée de ‘sacramentalité’ : c’est l’action transformatrice de Dieu en nous, qui nous rend participants de sa vie divine, qui approfondit en nous la vie pascale et nous maintient sur le chemin de la suite de Jésus » (BUYST, 2008, p. 8).

Le répertoire liturgique se sédimente également par consensus collectif. Cependant, il ne convient pas que ce consensus se limite à des goûts purement subjectifs, mais le caractère objectif de l’action liturgique doit s’y ajouter.

Dans la liturgie, la beauté d’un chant ou d’une musique n’existe pas indépendamment de la célébration, du lieu, du rite et de l’assemblée qui les accueille. Certes, le chant et la musique peuvent manifester et magnifier la vérité qu’une assemblée vit. Mais ce qui importe, c’est l’état d’écoute du chant de cette assemblée, la disponibilité qui l’embellit et l’ouvre à la beauté qui advient (UNIVERSA LAUS, 2002, n. 2.8).

Enfin, toutes les célébrations liturgiques (sacrements, sacramentaux, exèeques…) doivent avoir leur répertoire.

3.3 Critères pour le choix du répertoire liturgique

Le principe conciliaire selon lequel la musique rituelle doit être pleinement configurée à la lex orandi, comme « partie nécessaire ou intégrante » des divers rites, a pour finalité de conduire les fidèles à une participation active et fructueuse au mystère célébré. Tout le reste vient corroborer cela : la beauté des formes, le parfait « mariage » entre le texte et les autres expressions musicales, la noble simplicité, etc. En guise de synthèse, nous présenterons quelques critères pour le choix du répertoire liturgique, concernant le texte et la musique.

Dans la tradition musicale de l’Église, le texte a toujours eu la primauté. La mélodie et les autres expressions musicales, à leur tour, devront l’expliciter et jamais l’obscurcir. Cela présuppose des critères objectifs, tels que :

a) Critère biblique-liturgique. Les textes « doivent être tirés de la Sainte Écriture et des sources liturgiques » (SC 121). J. Gelineau synthétise de manière magistrale l’application de ce critère dans la tradition liturgique de l’Église, en ces termes :

C’est de la parole biblique que sont venues les meilleures pièces des répertoires latins et orientaux […]. Mais, de la parole biblique récitée, mémorisée, savourée, méditée, répétée, proclamée, annoncée, chantée, sont sorties les psalmodies, les répons, les antiennes brèves ou longues ; sur ce tronc solide, germeront ensuite les tropaires et les hymnes (GELINEAU, s.d., p. 68).

b) Critère de la fonction ministérielle. La musique rituelle est une partie nécessaire ou intégrante de l’action liturgique et sera d’autant plus liturgique qu’elle sera plus intimement liée à l’action liturgique, soit en exprimant plus doucement la prière, soit en favorisant l’unanimité, soit, enfin, en donnant une plus grande solennité aux rites sacrés. Sa finalité est la gloire de Dieu et la sanctification des fidèles (cf. SC n. 112).

La fonctionnalité rituelle ne peut être envisagée uniquement à partir du rite brut (le signifiant). Elle implique aussi et surtout ses destinataires, leur sensibilité, leur culture, leurs dispositions, les réactions conscientes et inconscientes qu’ils ont. Il ne suffit pas que le psaume soit sous forme responsoriale pour qu’il ait effectivement une réponse de l’assemblée à la Parole. […] Quand on est réellement partie intégrante, il devient impossible d’isoler, dans un chant, le résultat sonore de l’action globale dans laquelle il s’insère. L’esthétique d’un chant liturgique n’est pas seulement celle d’un texte avec sa musique, mais celle de toute la célébration dans laquelle le chant intervient (GELINEAU, 1968, p. 116-117).

c) Critère du « temps liturgique ». Ce critère est en relation étroite avec le précédent. Les temps et fêtes de l’année liturgique font partie intégrante de l’action liturgique. La musique rituelle, ainsi que les autres éléments qui composent la célébration, doit exprimer la spiritualité de chaque temps ou fête du calendrier liturgique.

d) Critère esthétique. La musique rituelle privilégie le langage poétique. Après tout, toute expérience authentique de prière est, avant tout, une expérience poétique. Ce langage est celui qui s’ajuste le mieux au caractère symbolique de la liturgie. Par conséquent, il ne suffit pas que son contenu soit d’inspiration biblique. Les explicitations évidentes, les redondances, les moralismes, les intimismes et les clichés déqualifient la musique rituelle. La mélodie, à son tour, en plus de rehausser le sens théologique liturgico-spirituel des textes, doit être accessible à la grande majorité de l’assemblée. Cependant, il convient de ne pas confondre « accessible » avec banal, superficiel.

e) Critère de l’originalité. La Conférence Nationale des Évêques du Brésil (CNBB), en 1976, avait déjà mis en garde sur l’observation de ce critère :

En ce qui concerne les textes, évitez les chants avec des paroles adaptées. En plus de porter atteinte aux droits d’auteur, une telle adaptation, en soi, révèle l’inconvenance de l’original qui sera mentalement évoqué, témoignant d’un appauvrissement de la célébration liturgique et en dénaturant le sens (CNBB, 1976, n. 3.9).

Le même critère s’applique aux autres expressions musicales : les adaptations de chansons populaires, de bandes originales de films et de feuilletons, etc., sont à éviter.

f) Critère de l’inculturation liturgique. La musique rituelle ne peut se passer de la culture musicale du peuple, d’où proviennent les participants de l’assemblée célébrante. À partir de cet « environnement » culturel, les compositeurs devront rechercher des expressions musicales qui s’intègrent au mieux dans la spiritualité de chaque temps ou fête de l’année liturgique. L’ethnomusicologie religieuse peut être une source précieuse. L’inculturation est liée à la participation. Par musique rituelle inculturée, on entend celle qui, en tant que partie intégrante de la liturgie, exprime le mystère à travers le langage musical typique d’un peuple. Ainsi, la musique remplira plus efficacement sa fonction mystagogique d’introduire les fidèles dans l’expérience du mystère pascal du Christ, puisque ceux-ci voient dans cette musique la « manière » de leur propre culture.

Dans le cadre de l’inculturation de la musique rituelle, l’Église en Amérique latine s’est efforcée de sédimenter des répertoires liturgiques qui expriment au mieux les caractéristiques culturelles de ses peuples. Dans le cas du Brésil, par exemple, deux références significatives méritent d’être soulignées : a) l’Hinário Litúrgico de la CNBB, qui contient un vaste répertoire pour les célébrations de l’eucharistie, de la Parole, des autres sacrements et des sacramentaux, couvrant toute l’année liturgique ; b) l’Ofício Divino das Comunidades, qui, depuis 1988, est un support précieux pour les communautés ecclésiales pour célébrer la Liturgie des Heures, à travers un langage poétique et musical populaire.

4 En guise de conclusion

Dans une vision panoramique, nous avons pu constater que la musique est un art qui a toujours accompagné la vie humaine et qui possède également une relation étroite avec le transcendant. Les divers peuples ont découvert que le langage musical est un moyen efficace de communication entre l’être humain et les dieux. À partir de cette découverte, ces peuples ont utilisé la musique comme partie intégrante de leurs rites. Dans ce même sillage, se trouve la tradition judéo-chrétienne.

Nous avons également vu que la musique est un élément indispensable de l’action liturgique et que, lorsqu’elle est bien élaborée (symbiose entre le texte et les autres expressions musicales) et dûment intégrée au moment rituel, elle nous projette, par la force de l’Esprit Saint, dans l’ineffable de Dieu. Cependant, cette « intégration », dans son sens plein, ne se fait pas automatiquement. Elle présuppose une formation théologico-liturgique permanente du clergé, des agents liturgico-musicaux (chefs de chœur, psalmistes, chorales, instrumentistes) et de tout le peuple de Dieu. D’ailleurs, il existe une relation étroite entre « formation » et « participation » : la formation est une condition de la participation. Sacrosanctum Concilium reconnaît que la liturgie est la source première et nécessaire, à laquelle les fidèles peuvent puiser l’esprit authentiquement chrétien. Et, pour que cela soit mené à bien, une formation adéquate du clergé et de tout le peuple est indispensable (cf. SC n. 14b).

Nous croyons que cette formation permanente pourra se faire à trois niveaux de la pastorale liturgique, à savoir :

a) Lors de « réunions hebdomadaires » de l’équipe de célébration. À ces rencontres hebdomadaires – occasion d’évaluer les célébrations précédentes et de préparer les suivantes – devront participer toutes les personnes désignées pour exercer un ministère lors des célébrations du week-end suivant (lecteurs, psalmistes, ministres extraordinaires de la communion eucharistique, acolytes, sacristains), ainsi que d’autres fidèles intéressés. Le point culminant de ces réunions est la méditation de la Parole de Dieu (en partant toujours de l’évangile) et son incidence sur l’« aujourd’hui » de la communauté de foi.

b) Lors de « réunions mensuelles » des groupes selon leur condition ministérielle. Chaque groupe (musiciens, lecteurs et psalmistes, ministres extraordinaires de la communion…) doit se réunir mensuellement pour des rencontres de formation théologico-liturgique plus systématique et d’évaluation quant à la performance du ministère respectif dans les célébrations.

c) Lors de rencontres « occasionnelles ». Il s’agit de rencontres élargies d’intégration des divers groupes (musiciens, lecteurs, psalmistes, ministres extraordinaires de la communion eucharistique…), d’une durée d’un jour ou d’un week-end. Cette modalité de formation pourra prendre la forme d’une « retraite » ou d’un « mini-cours » et être réalisée, de préférence, à l’occasion du début d’un nouveau temps liturgique. De telles rencontres devront figurer dans la planification annuelle des activités de la communauté.

Tout cet effort a pour objectif principal la participation active, consciente et pleine de tout le peuple sacerdotal à l’action liturgique et ses fruits conséquents dans l’agir quotidien. Après tout, la raison ultime de notre chant réside en celui « qui est assis sur le trône et à l’Agneau », car c’est à eux seuls qu’appartiennent la louange, l’honneur, la gloire et la domination pour les siècles des siècles (cf. Ap 5,13b).

Joaquim Fonseca, OFM – Faculté Jésuite de Philosophie et Théologie et Institut Saint Thomas d’Aquin, Belo Horizonte. Texte original en portugais. Posté en décembre 2020.

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