Sommaire
Introduction
1 Développement Historique
1.1 La prière des heures dans le Nouveau Testament
1.1.1 Jésus priait et recommandait la prière incessante
1.1.2 La prière des heures dans l’Église Apostolique
1.2 L’évolution de l’Office Divin du IIe au Ve s.
1.3 L’Office Divin du Moyen Âge à Vatican II
2 Structure et éléments du rite de la Liturgie des Heures
3 Symbolisme et Théologie de la Liturgie des Heures
4 Pastorale
Considérations conclusives
Références
Introduction
La Liturgie des Heures est l’une des diverses formes de prière de l’Église, qui vise à sanctifier toute la journée par la prière ininterrompue. Composée d’hymnes, de psaumes, de cantiques, d’antiennes, de lectures bibliques et de textes de grands écrivains ecclésiastiques et de documents du Magistère, elle est priée à des heures déterminées : Heures Majeures : Laudes (à l’aube) et Vêpres (au crépuscule) ; Heures Mineures : Tierce (en milieu de matinée), Sexte (à midi), None (en milieu d’après-midi) et Complies (avant le repos nocturne). Ainsi, on peut déjà percevoir que son symbolisme est cosmique et que, en raison des différents fuseaux horaires des diverses régions de notre planète, à chaque heure la Terre est baignée par une vague de prière. Ces heures ont aussi une valeur symbolico-sacramentelle, car elles renvoient à certains événements importants de la vie de Jésus de Nazareth et des Apôtres, ayant donc un caractère salvifique (cf. AUGÉ, 2005, p. 230).
La Liturgie des Heures, comme son nom l’indique, s’insère dans la dynamique rituelle et théologique de l’espace et du temps liturgiques. Cette dynamique, à son tour, s’enracine dans le fait de l’incarnation du Verbe éternel du Père, Jésus-Christ. En effet, avec l’incarnation du Verbe, Dieu fait irruption dans l’histoire humaine et, de manière indélébile, s’unit à l’humanité en assumant notre chair en la personne de Jésus de Nazareth. L’Éternel entre dans l’espace et dans le temps et, par ce fait, transforme le krónos en Kairós, c’est-à-dire en temps de salut.
Cependant, cette dynamique de l’incarnation du Verbe éternel reçoit sa lumière du Mystère Pascal du Christ. En effet, au centre de toute la vie de l’Église – structure, culte, action apostolique, spiritualité, théologie, éthique, etc. – se trouve la Pâque du Christ. On en conclut que la Liturgie des Heures est un type de prière essentiellement pascal, toutes les heures se référant au Mystère Pascal du Christ. D’ailleurs, c’est ce dernier qui est au centre, non seulement de la Liturgie des Heures, mais de toute la vie liturgique de l’Église.
1 Développement historique
1.1 La prière des heures dans le Nouveau Testament
Certes, notre intention n’est pas ici de retrouver la structure de la Liturgie des Heures telle que nous la connaissons aujourd’hui ou ce qui s’en approche le plus, mais simplement de trouver les racines bibliques de la coutume de l’Église de prier à des heures déterminées, une pratique toujours présente dans sa vie depuis ses origines. La Liturgie des Heures, bien qu’elle ait ses racines dans la prière de Jésus et de ses saints Apôtres qui, à leur tour, suivaient les coutumes de leur religion, le judaïsme, a connu un long et profond développement au cours de l’histoire de l’Église, que nous verrons ci-après.
1.1.1 Jésus priait et recommandait la prière incessante
Dans les évangiles, nous pouvons trouver des informations sur la prière de Jésus. Lui, suivant les coutumes de la religion de ses pères, le judaïsme, observait ses prescriptions liturgiques en plus de s’adresser à Dieu dans l’intimité en tant que Père. Ainsi, Jésus, dès son enfance, en compagnie de ses parents, se rendait chaque année au temple pour les grandes fêtes pascales (cf. Lc 2,41), et aussi à l’âge adulte (cf. Jn 2,13-14). Il avait l’habitude de fréquenter la synagogue le jour du sabbat (cf. Mt 12,9 ; Mc 3,1 ; Lc 4,16). Il se retirait seul pour prier dans des lieux déserts (cf. Lc 5,16) et, parfois, la nuit (Mc 1,35). La prière était une habitude dans la vie de Jésus ; l’évangéliste Luc mentionne plusieurs fois la prière de Jésus (cf. 5,16 ; 6,12 ; 9,18.28-29 passim) ; et dans ces moments, il s’adressait à Dieu dans une intimité filiale (cf. Lc 10,21 ; 22,42 ; 23,43.46 ; Jn 11,41-42 ; 17,1).
La pratique de la prière de Jésus ne se limitait pas à lui, car il enseignait à ses disciples à prier (cf. Mt 6,5-13) ; et il recommandait vivement à ses disciples la prière incessante (Lc 18,1-7 ; 21,36)). Il leur enseignait, en plus de la prière personnelle, la prière communautaire (Mt 18,19-20).
De plus, nous savons que les évangiles ne sont pas la biographie de Jésus, mais une christologie des communautés de leurs rédacteurs. Par conséquent, on peut imaginer que les prières que les évangélistes attribuent à Jésus sont aussi les prières pratiquées par les communautés, au sein desquelles ces traités basés sur les expériences qu’elles ont faites de la rencontre avec Jésus de Nazareth ont vu le jour.
1.1.2 La prière des heures dans l’Église Apostolique
Cependant, les autres écrits néotestamentaires – outre les quatre évangiles – nous donnent des informations sur la prière des premières communautés chrétiennes. Nous pouvons voir Pierre et Jean monter au Temple pour la prière de trois heures de l’après-midi (Ac 3,1), c’est-à-dire la neuvième heure. Mais, à tout prendre, toute la communauté de l’Église naissante avait aussi coutume de la prière incessante. En effet, « ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42) ; aussi « d’un commun accord, ils allaient quotidiennement au Temple avec assiduité : ils rompaient le pain à la maison, prenant leur nourriture avec joie et simplicité de cœur » (Ac 2,46). L’apôtre Jacques recommande à sa communauté : « Quelqu’un parmi vous souffre-t-il ? Qu’il prie » – il s’agit ici de la prière personnelle, mais juste après, il fait référence à la prière de l’Église (TEB, note de version) : « Quelqu’un parmi vous est-il malade ? Qu’il fasse appeler les anciens de l’Église et que ceux-ci prient » (Jc 5,14).
1.2 L’évolution de l’Office Divin du IIe au Ve s.
Cette habitude de la prière personnelle et communautaire incessante se transmettra aux communautés post-apostoliques et accompagnera l’Église tout au long de son histoire, jusqu’à nos jours. Dès la fin du Ier siècle ou le début du IIe, dans la Didachè, chapitre IX, il est recommandé de prier le Notre Père trois fois par jour. En Afrique du Nord, où se sont très tôt formées des communautés chrétiennes ferventes et bien structurées, nous avons le témoignage de Clément d’Alexandrie (Stromates) ; nous avons aussi des informations du premier écrivain ecclésiastique de langue latine connu, Tertullien (De oratione; De ieiuno), en passant par Cyprien (De oratione dominica) jusqu’à Augustin d’Hippone (Sermones ad competenti).
Attribuée à Hippolyte de Rome, nous avons aussi la Traditio Apostolica (début du IIIe s.) qui nous renseigne sur les heures de prière : à l’aube avant de commencer toute activité (cette heure à l’Église) ; à la troisième heure, à la sixième heure et à la neuvième heure, où que l’on soit ; avant le repos nocturne ; et enfin, à minuit. À la fin du IVe siècle, la pèlerine Égérie, qui passa trois ans en Palestine, donne des informations sur la liturgie de Jérusalem, notamment sur les prières des heures dans l’Église de l’Anástasis : Vigile (moines, vierges et laïcs) entonnent des hymnes, des psaumes, auxquels on répond par des antiennes ; après l’arrivée de deux ou trois prêtres et des diacres, la prière du matin commence. L’évêque arrive avec ses prêtres, récite une prière et donne la bénédiction à ceux qui indiquent leur nom, derrière les grilles qui ferment la grotte du tombeau où le corps du Christ fut déposé. Ils se réunissent ensuite au même endroit à la sixième et à la neuvième heure ; à la dixième heure a lieu le lucernaire, les Vêpres (SCh, 2002, p. 239-241) ; elle ne mentionne pas de prière nocturne, mais dans les pages suivantes, elle relate les offices solennels de l’Épiphanie, les quarante jours qui la suivent et les offices des fêtes pascales : Carême, Semaine Sainte, Pâques, Octave jusqu’à la Pentecôte (SCh, 2002, p. 251-305).
À partir de cette époque, c’est-à-dire du IVe siècle, commencent les premières tentatives d’organisation de la prière des heures. Les auteurs distinguent généralement deux voies : une première suivrait une direction que nous appelons l’Office Cathédral, et une seconde, une autre direction que nous appelons l’Office Monastique. L’Office Cathédral – ainsi que le paroissial – était déjà constitué des Heures Majeures – Laudes et Vêpres –, les Laudes étant précédées d’une vigile les dimanches et jours de fête. L’Office Monastique, en plus de ces deux Heures Majeures, se composait de trois heures diurnes, Tierce, Sexte et None, plus Prime et Complies. De plus, les moines ont institutionnalisé les veillées de prière comme un office quotidien, leur idéal étant de réciter l’intégralité du Psautier (cf. LEIKAN, 2000, p. 48).
Digne de mention est la présence du Psaume 62 aux Laudes et du Psaume 140 aux Vêpres dans toutes les Églises dès le IVe siècle, selon le témoignage d’Eusèbe de Césarée (Commentaire sur le Psaume 140 et 142), de Jean Chrysostome (Catéchèses baptismales) et des Constitutions Apostoliques. Ce dernier document (fin du IVe ou début du Ve siècle) atteste déjà la présence du Nunc dimittis (Lc 2, 29-32) dans l’office vespéral.
1.3 L’Office Divin du Moyen Âge à Vatican II
Cependant, l’Office monastique s’est développé à un tel point qu’il a fini par influencer l’Office cathédral. Outre l’émergence de nouvelles langues et l’usage de plus en plus restreint du latin, d’autres raisons – qu’il n’est pas nécessaire d’exposer ici – ont fait que le peuple n’avait plus accès à la liturgie en général, l’office devenant une affaire de « main-d’œuvre spécialisée », c’est-à-dire du clergé et des moines. À partir du IXe siècle, dans de nombreuses Églises locales, l’obligation de réciter l’office s’imposa au clergé, alors fortement influencé par l’Office monastique qui, à son tour, prévoyait plus d’heures et des textes plus longs : au cours d’une semaine, on récitait tout le psautier et, en un an, on lisait toute ou presque toute la Bible, ainsi que les hymnes, les cantiques, les antiennes, les répons, etc.
Il est impossible de ne pas mentionner ici la Règle de saint Benoît qui, principalement par l’œuvre de Charlemagne, s’est imposée dans presque tous les monastères d’Occident. Dans la Regula Monasteriorum Sancti Benedicti Abbatis, sept prières des heures par jour sont prescrites, citant le Psaume 118,164 : « Sept fois par jour, je vous loue » (Chap. XVI). Ces heures sont : les Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, les Vêpres et les Complies.
Pour l’Heure Nocturne, durant l’Hiver (du début de novembre jusqu’à Pâques), sont prévus 6 psaumes précédés du verset « Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange », suivi du Psaume 3, du Gloria, du Psaume 94 avec antienne, de six psaumes avec antiennes, de trois lectures bibliques avec répons, de 6 autres psaumes avec alléluia, d’une lecture de l’Apôtre, et se conclut par la supplication litanique, c’est-à-dire le Kyrie eleison (Chap. IX). L’Heure Nocturne est priée au milieu de la nuit à cause du Psaume 118,62 : « Au milieu de la nuit, je me lève pour vous rendre grâce ». Pour le reste de l’année, en raison de la brièveté des nuits, on ne fait qu’une seule lecture de l’Ancien Testament, le reste demeurant comme pendant la période d’Hiver (Chap. X). Le dimanche, cependant, on lit quatre lectures avec répons après les six premiers psaumes et quatre autres après les six psaumes suivants ; trois cantiques de l’Ancien Testament avec Alléluia ; quatre autres lectures avec répons, le Te Deum laudamus, une lecture de l’Évangile, le Te decet laus et la bénédiction finale (Chap. XI).
Les laudes, quant à elles, se composaient du Psaume 66 avec antienne, suivi du Psaume 50 avec Alléluia, des Psaumes 117 et 62, du Benedictus, de « Laudes », d’une lecture de l’Apocalypse avec répons, d’une hymne ambrosienne, d’un verset, d’un cantique évangélique et se terminaient par la litanie (Chap. XII). Pour les autres heures, les compositions sont les suivantes : Prime : trois psaumes avec un seul Gloria, une hymne, puis le verset Deus, in adiuntorium meum…, trois psaumes, une lecture, un verset, Kyrie eleison et la conclusion ; pour Tierce, Sexte et None, l’Office suit le même ordre pour les trois : verset, l’hymne propre de l’heure, trois psaumes, les lectures, le Kyrie eleison et les prières finales (Chap. XVII). Il est recommandé ici que, si la communauté est nombreuse, les psaumes soient récités avec antienne.
Les Vêpres se composent de quatre psaumes avec antiennes, de la lecture, du répons, de l’hymne, du verset, du cantique évangélique, de la prière litanique et se terminent par le Notre Père. Aux Complies, on récite les trois psaumes à la suite sans antienne, l’hymne, une seule lecture, le verset, le Kyrie eleison et on conclut par la bénédiction (Chap. XVII).
De l’influence des règles des monastères romains sur l’Office cathédral naîtra une sorte d’Office monastico-ecclésiastique ; l’une de ces nouvelles règles sera adoptée par le pape et ses curiaux à partir de la fin du Xe ou du début du XIe siècle, ce qui sera connu sous le nom de Bréviaire de la Curie romaine (cf. RAFFA, 2004, p. 655). Dans la première moitié du XIIIe siècle, saint François d’Assise adoptera cet Office pour son ordre, ce qui contribuera à sa grande diffusion dans presque tout l’Occident, devenant la forme prédominante (cf. RAFFA, 2004).
Dans la réforme tridentine du Bréviaire romain, Pie V, avec la bulle Quod a nobis (1568), a réduit le nombre de psaumes, mais a introduit l’Office de la Sainte Vierge le Samedi ; il a également réduit les textes hagiographiques. La bulle ne concerne pas les laïcs lorsqu’elle énumère les groupes de personnes qui sont obligées de prier l’office, et elle compromet le symbolisme des heures en prévoyant la récitation en privé, allant même jusqu’à l’assimiler à la récitation communautaire avec la conséquence de la réciter à l’heure que l’on pouvait. Désormais, le Bréviaire de Pie V sera pratiquement la seule règle dans toute l’Église d’Occident. Une nouvelle réforme n’interviendra qu’au XXe siècle, par l’œuvre de Pie X, avec la bulle Divino afflatu : il a réduit le nombre de psaumes à toutes les heures, mais a maintenu la récitation du psautier au cours d’une semaine en faisant une nouvelle distribution des psaumes. Pie X a fait cette réforme en tenant compte, surtout, des exigences du travail pastoral du clergé.
De la réforme promue par Vatican II naît la Liturgie des Heures de Paul VI, promulguée le 1er novembre 1970, que nous utilisons aujourd’hui. Les grandes nouveautés ici sont : la distribution des psaumes sur quatre semaines (cf. SC 91) ; la suppression de l’Heure de Prime (SC 89) ; la possibilité que l’heure appelée Matines soit récitée à n’importe quelle heure du jour, bien qu’elle conserve dans le chœur le caractère de louange nocturne, et le nombre de psaumes est réduit, mais des lectures plus longues sont proposées ; pour les Heures dites Mineures, à savoir Tierce, Sexte et None, on peut en choisir une en dehors du chœur (SC 90) et, enfin, l’usage de la langue vernaculaire (SC 101). Il est également recommandé de redonner une fidélité historique aux martyres ou aux vies des Saints (SC 92) et que « soient retirées ou changées les choses qui sentent la mythologie ou sont moins conformes à la piété chrétienne » (SC 93).
2 Structure et éléments du rite de la Liturgie des Heures
La Présentation générale de la Liturgie des Heures (PGLH), au chapitre II, présente très à propos le rite sous le titre « La sanctification du jour ou les diverses Heures de l’Office Divin ». Il y a sept moments de prière (cf. Ps 118,164) : l’Office des lectures, les Laudes, les trois Heures Médianes, les Vêpres et les Complies. L’Introduction de l’Office est, à la première heure priée (Laudes ou Office des lectures), l’Invitatoire « Seigneur, ouvre mes lèvres. Et ma bouche annoncera ta louange », par lequel « les fidèles sont invités chaque jour à chanter les louanges de Dieu et à écouter sa voix… » (PGLH 34) ; suit le Ps 94(95), qui peut être remplacé par les psaumes 99(100), 66(67) ou 23(24) avec leurs antiennes respectives. Le psaume d’ouverture est prié de manière responsoriale, c’est-à-dire que l’antienne se comporte comme un refrain, mais s’il est prié individuellement, il suffit de dire l’antienne au début et à la fin.
L’heure appelée « Matines » apparaît dans la Liturgie des Heures de Paul VI sous le titre « Office des lectures » qui, comme le prévoit Sacrosanctum Concilium – nous l’avons déjà mentionné plus haut – peut être prié à n’importe quelle heure du jour, bien qu’il conserve son caractère de prière nocturne (cf. SC 89 ; PGLH 57). Quand on ouvre l’Office, on récite au début l’Invitatoire, comme dit dans le paragraphe précédent. Contrairement à la psalmodie de l’ordinaire du rite, le Psaume Invitatoire est récité de manière responsoriale, c’est-à-dire que l’antienne se comporte comme un refrain, et il en va de même pour les autres options de psaumes prévues pour cette heure. Lorsque l’Office des lectures n’ouvre pas l’office quotidien, il est ouvert comme les autres heures, c’est-à-dire par un verset d’ouverture, suivi immédiatement de l’Hymne. La psalmodie, comme aux autres heures, est composée de trois psaumes avec les antiennes correspondantes ; suit le verset, qui fait la transition de la psalmodie à l’écoute de la Parole de Dieu. En effet, on lit tout de suite après une lecture biblique suivie de son répons. La deuxième lecture est tirée des œuvres des saints Pères ou d’autres écrivains ecclésiastiques. Le dimanche, les jours de solennité ou de fête, on entonne le Te Deum. L’Office se termine par l’Oraison conclusive et le « Bénissons le Seigneur. Nous rendons grâce à Dieu ».
Les Heures Majeures, c’est-à-dire les Laudes et les Vêpres, s’ouvrent par le verset d’introduction « Dieu, viens à mon aide. Seigneur, à notre secours ». Les Laudes, cependant, si elles sont la première prière de la journée, s’ouvrent par l’Invitatoire, suivi du Gloire au Père, de l’hymne propre de l’heure, de la psalmodie avec les antiennes respectives avec Alléluia – sauf pendant le temps du Carême – dites au début et à la fin, dans ce dernier cas, elles sont précédées du Gloire au Père… Suit la récitation de l’hymne, des deux psaumes, entre lesquels on récite un cantique de l’Ancien Testament, chacun de ces trois éléments avec ses antiennes respectives au début et à la fin. Ensuite, on lit la lecture brève avec son répons – si cela est opportun, on peut faire une homélie ou un bref temps de silence avant le répons ; cette lecture peut être remplacée par une lecture plus longue choisie à volonté. Puis on récite le Cantique évangélique Benedictus – Le Messie et son précurseur (Lc 1, 68-79) – avec son antienne. Suivent les prières pour consacrer le jour et le travail à Dieu ; la prière du Notre Père et, en conclusion de l’office, l’oraison conclusive et le renvoi.
Les Vêpres ont une structure très similaire. Elles ne s’ouvrent jamais par l’Invitatoire car ce n’est pas la première prière de la journée. L’Hymne est propre à cette heure et une autre différence réside dans la psalmodie, c’est-à-dire qu’au lieu de prier un cantique de l’Ancien Testament, comme aux Laudes, on en prie un du Nouveau Testament. Une autre différence se trouve encore dans le Cantique évangélique : ici, on récite le Magnificat. Tout le reste se fait comme aux Laudes, évidemment avec les contenus propres à chaque heure. On notera ici que le samedi il n’y a pas de Vêpres car, à cette heure, on prie les premières Vêpres du dimanche, qui est toujours une solennité ; l’exception à ce que nous venons de dire est le Samedi Saint, car on ne prie pas les premières Vêpres du Dimanche de Pâques qui ne peut avoir d’autre prière avant la grande Vigile Pascale.
Les Heures Médianes ont une structure bien plus simple : ouverture comme les Heures Majeures – jamais le verset « Seigneur, ouvre mes lèvres… » – ; l’hymne propre de chaque heure ; la psalmodie – lorsqu’on prie les trois heures, une seule utilise les psaumes répartis dans le Psautier avec leurs antiennes, pour les deux autres on prend les Psaumes Complémentaires, appelés « Psaumes graduels » ; lecture brève avec son répons, oraison conclusive et renvoi : « Bénissons le Seigneur. Nous rendons grâce à Dieu ». On notera que dans ces trois heures, il n’est pas fait mention de la mémoire des Saints.
Avant le repos nocturne, l’Église invite ses fidèles à élever leur esprit vers Dieu, dans un rythme de prière. Pour ce faire, on récite les Complies qui, comme leur nom l’indique, concluent l’office quotidien. De toutes les heures, les Complies sont les plus simples et les plus brèves dans leur structure. Cette heure avant le repos nocturne commence comme les autres heures – à l’exception de la première prière du jour, c’est-à-dire l’Office des lectures ou les Laudes –, se poursuit avec l’Hymne, la psalmodie composée d’un seul psaume, sauf lorsqu’elles sont priées après les premières vêpres des dimanches et des solennités, où l’on prie les psaumes 4 et 133(134). Après la psalmodie, on fait la Lecture Brève avec le répons « En tes mains, Seigneur, je remets mon esprit… Tu es le Dieu fidèle qui as sauvé ton peuple. Gloire au Père… » ; tout de suite après, on entonne le Nunc Dimittis, le Cantique de Syméon (Lc 2, 29-32), avec son antienne. Cette heure se termine par l’Oraison Conclusive suivie de la bénédiction « Que le Seigneur tout-puissant nous accorde une nuit tranquille et, à la fin de la vie, une sainte mort » ; et enfin, on prie l’une des antiennes de Notre-Dame proposées dans la Liturgie des Heures.
Avant de passer au point suivant, il est utile de rappeler que la Liturgie des Heures suit l’Année Liturgique et le Calendrier Romain. De cette manière, le contenu euchologique varie en fonction de la teneur théologique de chaque temps (Avent, Noël, Carême, Pâques et Temps Ordinaire) – c’est pourquoi on ne dit pas l’Alléluia à la fin des antiennes pendant le Carême – ; et de la même manière, on célèbre les solennités, les fêtes et la mémoire des Saints.
3 Symbolisme et théologie de la Liturgie des Heures
Au cours des dernières décennies, on observe une forte tendance à faire de la théologie de la liturgie en général et de ses célébrations « à partir de la Lex Orandi”[1], c’est-à-dire à commenter la théologie des sacrements et des autres célébrations liturgiques à partir, principalement, du rite et de ses contenus. Pour la Liturgie des Heures, il ne pouvait en être autrement, compte tenu de la richesse symbolique et spirituelle de ses diverses heures.
Pour sa compréhension, il est très utile de commencer par la nomenclature. « Liturgie des Heures » est un titre apparu en 1959 et il est très approprié, car il exprime la finalité de cette prière de l’Église, à savoir la sanctification du cours de la journée, où le fidèle se sanctifie – dans le rite byzantin, on dit « horloge » pour la même raison. « Office Divin », encore utilisé aujourd’hui à côté de Liturgie des Heures, était un terme autrefois utilisé pour désigner tout acte de culte et, plus tard, pour désigner la célébration liturgique de l’Église, mais il semble viser également à souligner le caractère obligatoire, canonique, (Officium, devoir) de sa récitation (cf. RAFFA, 2004, p. 652). « Bréviaire » nous semble un peu pauvre pour désigner une expression liturgique si riche de l’Église, car il a été utilisé pour désigner la compilation, l’abréviation, etc., des divers livres liturgiques utilisés pour la prière des heures au Moyen Âge. Tout au long de l’histoire de la liturgie, les noms suivants ont également été utilisés : cursus, preces horariae, opus Dei, horae canonicae (cf. RAFFA, 2004, p. 652).
À l’origine, l’Office des lectures – dans Sacrosanctum Concilium, on utilise encore l’expression « Matines » – a un caractère nocturne. On le priait au milieu de la nuit, surtout dans les monastères, en référence au Psaume 118(119),62. Le symbolisme de cette heure est celui des « ténèbres », desquelles le Christ nous a arrachés. Nous pouvons trouver un exemple dans l’hymne « A noite escura apaga » (La nuit obscure efface). Dès la première strophe, il est dit : « La nuit obscure efface des ténèbres toute couleur… » suggérant que les ténèbres nous empêchent la vision physique, métaphore de la vision béatifique. Et il poursuit « Juge des cœurs, à vous notre louange » suggérant que notre louange au Christ est incessante.
Ce que nous venons de dire semble être renforcé par la parabole des « dix vierges » (Mt 25,1-10), qui s’insère dans un cadre littéraire à la teneur nettement eschatologique : la venue du Fils de l’Homme (Mt 24,26-35) ; l’ignorance du jour du jugement dernier (Mt 24,36-51) ; les talents (Mt 25,14-30) ; le jugement dernier (Mt 25,31-46). Le symbolisme des lampes avec assez d’huile pour être allumées à l’arrivée de l’époux suggère non seulement une attitude de veille (cf. Mt 24,42), mais surtout d’être préparé pour l’« heure ».
Les Laudes ont un symbolisme naturel, le soleil, du fait qu’elles sont priées aux premières lueurs du jour. Le soleil, « l’astre levant », est en effet une référence biblique au Messie (pour indiquer le descendant de David : Jr 23,5 ; Za 3,8 ; 6,12 ; le verbe correspondant pour indiquer l’astre messianique : Nb 24,17 ; cf. Ml 3,20 ; Mt 2,2 ; Lc 1,78). Le soleil, donc la lumière, est un symbolisme déjà présent tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, ici spécialement dans la littérature johannique :
En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. Il y eut un homme envoyé de Dieu : son nom était Jean. Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. Il n’était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière. Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme (Jn 1,4-9).
Jean insiste à nouveau sur ce symbolisme : « Jésus leur parla de nouveau, et dit : Je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jn 8,12) ; et plus loin il écrit : « pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde » (Jn 9,5) ; et encore :
Jésus leur répondit :
La lumière est encore pour un peu de temps au milieu de vous. Marchez pendant que vous avez la lumière, afin que les ténèbres ne vous surprennent point : celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va. Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière. (Jn 12,35-36)
Et de plus : « Je suis venu comme une lumière dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jn 12,46). Notons que, dans tous ces versets, Jésus s’identifie à la lumière, symbole du salut, tandis que les ténèbres sont identifiées au péché, au fait de ne pas être et de ne pas marcher en présence de Dieu.
Cependant, Jean n’est pas le seul à utiliser le symbolisme de la lumière appliqué au Christ et au salut qu’il nous a obtenu par son mystère pascal. Nous pouvons également trouver ce symbolisme dans les écrits pauliniens : « Rendez grâces au Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière. Il nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour » (Col 1,12-13 ; cf. 1Th 5,5 ; Hb 6,4 ; 10,32).
Robert Taft observe que le symbolisme de la lumière, appliqué à ceux qui vivent dans le Christ (Ep 5 et 1 Jn 1,5-7 ; 2,8-11), a une dimension morale et communautaire, et note également que le livre de l’Apocalypse se termine par un bel hymne qui fait référence à la lumière de l’Agneau dans la Cité Sainte de la Jérusalem céleste (Ap 21,22-26) (TAFT, 2000, p. 157).
Mais voyons maintenant comment ce thème de la lumière, dans son symbolisme naturel, le soleil, apparaît dans le rite des Laudes, avec une référence claire à la résurrection de Jésus. D’emblée, observons que ce thème est constant à cette heure en raison de l’hymne Benedictus, également connu sous le nom de « Cantique de Zacharie ». Dans l’hymne de l’Avent, proposé pour cette heure, nous pouvons lire : « Au milieu des ténèbres obscures, résonne une voix claire. Que les mauvais rêves s’éloignent, que le Christ resplendisse en nous. Que se réveillent ceux qui dorment, blessés par le péché. Un nouveau soleil brille déjà, le mal sera ôté ». Dans l’hymne proposé pour le temps de Noël, le soleil apparaît comme un marqueur de la durée de la louange, mais il n’est appliqué ni au Christ ni à son action salvatrice. Pour le temps du Carême, curieusement, le symbolisme de la lumière/soleil n’apparaît pas dans l’hymne proposé pour le dimanche, le jour du soleil, mais il se trouve dans l’hymne proposé pour les jours de la semaine : « Ô Christ, soleil de justice, brille dans les ténèbres de l’esprit. Avec force et lumière, répare à nouveau la création ». Dans l’hymne des Laudes de la Semaine Sainte, le thème est plus lié aux mystères de la passion du Christ et ne fait pas référence au symbolisme lumière/soleil. Pour les dimanches de Pâques, cependant, le symbolisme apparaît sous l’image de l’« aurore rutilante » et, pour les jours de la semaine, le symbolisme lumière/soleil apparaît plus explicitement : « La fidèle Jérusalem chante un hymne triomphal, célébrant avec joie Jésus-Christ, la Lumière pascale ».
Lors des solennités qui ont lieu en dehors du Temps Pascal, le thème apparaîtra dans l’hymne des Laudes de la Sainte Trinité et est également attribué à la Trinité : « Ô Trinité, sur un trône suprême qui brillez, d’une intense splendeur » ; et au Fils : « Splendeur et miroir de la lumière vous êtes, ô Fils, qui nous appelez frères » ; et à l’Esprit Saint : « Piété et amour, feu ardent, douce lumière, puissant éclat, renouvelez notre esprit, ô Esprit, et réchauffez le cœur fidèle ». Dans la solennité du Sacré-Cœur de Jésus, ce symbolisme apparaît dans la cinquième strophe de l’hymne des Laudes : « Restez avec nous, Seigneur, nouveau matin qui fulgure et vainc les ténèbres de la nuit, apportant au monde la douceur ». Cette strophe montre clairement qu’aux Laudes, on célèbre la présence du Christ-Lumière parmi les fidèles et la victoire du Christ sur les ténèbres du péché et de la mort.
Nous pourrions citer ici de nombreux exemples, mais ceux-ci nous suffisent pour percevoir que le thème lumière/soleil, en opposition aux ténèbres, est central dans l’office des Laudes. Cette centralité du symbolisme du soleil, en plus de nous renvoyer à la résurrection de Jésus, nous rappelle l’une des grandes merveilles de la création, source de lumière et de chaleur, de vie et de nourriture, ce qui nous conduit à la louange et à l’action de grâce (cf. TAFT, 2000, p. 158) pour tant de dons reçus de la bonté du Seigneur.
Cependant, il existe d’autres éléments dans la structure des Laudes qui nous en fournissent le contenu théologique. Le premier de ces éléments est la sanctification de la période du matin, mais, avant de commencer toute activité de la journée, le fidèle est invité à tourner son esprit vers le Seigneur (cf. PGLH 38). Ainsi, le chrétien suivra le conseil de Paul lorsqu’il dit : « Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu » (1Co 10,31), c’est-à-dire que toute sa journée ainsi que toutes ses activités temporelles seront faites devant et pour la gloire de Dieu.
Les Vêpres et les Laudes sont appelées les Heures Majeures. Les Vêpres, cependant, sont célébrées à la tombée du soir. Comme aux Laudes, le symbolisme central est le thème de la lumière en opposition aux ténèbres. Au coucher du soleil, on allume les lampes ; cela signifie la lumière du Christ qu’aucune ténèbre ne peut vaincre. Au-delà d’évoquer les ténèbres de la passion du Christ, les Vêpres nous font méditer sur la fugacité de notre vie et de toute la Création. Ce que nous venons de dire nous ouvre à la dimension eschatologique de la prière vespérale, car une telle fugacité de la vie doit nous ouvrir à l’espérance de la vie éternelle. D’autres grands thèmes qui apparaissent dans cet office sont l’action de grâce pour les bienfaits reçus, le travail accompli et le bien que nous avons pu faire au cours de la journée. Cependant, le thème des ténèbres nous rappelle notre condition de pécheurs et, par conséquent, nous conduit au repentir et à la demande de pardon pour les péchés que nous aurions pu commettre. Le thème des ténèbres nous invite encore à demander la protection divine contre les dangers qu’elles présentent.
Nous avons vu qu’aux Laudes, le symbolisme soleil/lumière, en opposition aux ténèbres, nous rappelle le salut en opposition au mal et au péché dans plusieurs passages bibliques. Quelque chose de similaire se produit aux Vêpres, par exemple, dans l’hymne proposée pour ces heures jusqu’au 16 décembre dans le Temps de l’Avent, le symbolisme lumière (rédemption) versus ténèbres (péché) apparaît explicitement : « Lumière éternelle des hommes, Créateur des astres, écoutez nos prières, Rédempteur de tous » (1ère strophe) ; « Si l’ombre du péché obscurcissait tout, Époux, vous êtes sorti du sein de Marie » (3ème strophe). Après le 16 jusqu’à la veille de Noël, l’hymne proposée lie le thème de la lumière, sous sa forme verbale « illuminer », à la conception virginale de Marie par l’œuvre de l’Esprit Saint. Au temps de Noël jusqu’à l’Épiphanie, Jésus est « Du Père lumière et splendeur » (2ème strophe).
Au temps du Carême, l’hymne des Vêpres n’aborde pas non plus le thème de la lumière, mais les jours de la semaine si : « L’abstinence quadragésimale, vous l’avez consacrée, ô Jésus, par le jeûne et la prière, vous nous conduisez des ténèbres à la lumière ». Notons ici, cependant, que le symbolisme ténèbres et lumière est appliqué au péché (ténèbres) et au salut (lumière), c’est-à-dire que la lumière est le symbolisme de l’action salvatrice du Christ et les ténèbres de l’action pécheresse de l’humanité. Pour le Temps Ordinaire, prenons comme exemple l’hymne des premières Vêpres du dimanche de la première semaine : « Ô Dieu, auteur de tout, qui guidez la terre et le ciel, de lumière vous habillez le jour, à la nuit le sommeil vous donnez » (1ère strophe) ; « Seigneur, nous vous rendons grâce au couchant de ce jour. La nuit tombe, mais votre amour nous guide » (3ème strophe) ; « Et ainsi, la nuit venue, avec une grande obscurité, que la foi, au milieu des ténèbres, répande sa clarté » (5ème strophe). Ici non plus le symbolisme de la lumière n’est pas appliqué au Christ, mais les termes lumière, jour, nuit, couchant, obscurité, ténèbres et clarté indiquent l’origine de la lumière en Dieu et sa diffusion au milieu des ténèbres comme œuvre de la foi. En plus d’indiquer avec une grande précision l’heure de l’office des Vêpres, elle célèbre la confiance de la foi en la lumière divine pour traverser l’obscurité de la nuit, métaphore du péché et de la mort.
Aux secondes Vêpres du premier dimanche, on célèbre le Dieu de la création et de l’origine des temps : « Créateur généreux de la lumière, qui avez créé la lumière pour le jour, avec les premiers rayons de la lumière, son origine le monde commence » (1ère strophe) ; « Vous avez appelé ‘jour’ le cours du matin lumineux jusqu’au couchant. Voici que les ténèbres descendent déjà sur la terre : écoutez notre prière, clément ». Ensuite apparaissent les thèmes du repentir et du pardon pour les péchés commis au long de la journée : « Pour que sous le poids des crimes notre esprit ne soit pas opprimé, et qu’oubliant les choses éternelles, il ne s’exclue pas du prix de la vie » (3ème strophe) ; « Toujours à la porte céleste frappant, atteignons le prix de la vie, évitons la contagion du mal et guérissons de la faute la blessure » (4ème strophe).
Les Heures Mineures ou Heure Médiane, à savoir Tierce (à neuf heures), Sexte (à midi) et None (à quinze heures), ont un caractère symbolico-sacramentel, du fait qu’elles font référence aux moments clés du mystère du Christ et de l’action apostolique des Douze (cf. PGLH 75). Leur but est que les chrétiens interrompent leurs activités et prient pour la sanctification du jour et de leurs propres activités. Mais voyons comment les thèmes liés au mystère de la passion du Christ apparaissent dans le rite, spécifiquement, dans les hymnes de ces trois heures.
Dans la Prière de Neuf Heures, l’hymne proposée pour le Temps de Carême est exemplaire, car elle confirme ce que nous venons de dire dans le paragraphe précédent. La première strophe est une louange aux trois vertus théologales, dons qui nous sont offerts par les mérites de la passion du Christ : « Dans la foi en Dieu, par qui nous vivons, dans l’espérance de ce que nous croyons, dans le don de la sainte charité, chantons les gloires du Christ ». La confirmation de ce que nous venons de faire ainsi que la référence à la passion du Christ apparaissent dans la strophe suivante : « Au sacrifice de la Passion, à la troisième heure conduit, Jésus portant la croix sur ses épaules, arrache aux ténèbres le perdu ». Cette référence à la rédemption ressort plus nettement dans la troisième strophe : « Vous nous avez délivrés du décret d’une condamnation totale ; du monde mauvais, délivrez le peuple, fruit de votre rédemption ».
Dans la Prière de Midi, la référence à la passion du Christ apparaît déjà explicitement dans la première strophe : « À l’heure même où Jésus, le Christ, a souffert la soif, cloué sur la croix, qu’il accorde la soif de justice et de grâce à celui qui célèbre sa louange sacrée ». La strophe suivante est importante car elle lie la Liturgie des Heures au sacrement de l’eucharistie : « En même temps, qu’il soit pour nous la faim et le Pain divin qui se donne lui-même ; que le péché soit pour nous dégoût, que seule dans le bien puisse être notre joie ». Ici, l’eucharistie est conçue comme le sacrement du sacrifice de Jésus.
La Prière de Quinze Heures, à son tour, utilise le symbolisme numérique pour évoquer le mystère de la mort rédemptrice du Christ : « Le nombre sacré, trois fois trois des heures, ouvrant un nouvel espace, nous appelle à la prière, maintenant. Au nom de Jésus, son peuple implore le pardon » (1ère strophe). La troisième strophe célèbre la victoire de la croix sur la mort et le retour de la lumière après les ténèbres denses, une référence claire à la résurrection du Christ : « Maintenant meurt la mort, vaincue par la croix ; après les ténèbres denses, sereine, la lumière revient ; l’horreur du mal se brise, dans les esprits Dieu resplendit ».
4 Pastorale de la Liturgie des Heures
La liturgie en général, bien avant la fin du premier millénaire et en raison de divers facteurs, a cessé d’être accessible au peuple chrétien, comme nous l’avons déjà dit, devenant un « office » de « main-d’œuvre spécialisée », c’est-à-dire les moines et le clergé. Le peuple assistait à l’eucharistie, mais n’y participait pas ; il allait à la messe uniquement pour voir le « miracle eucharistique ». Le célèbre Décret de Gratien (1140-1150) établit très clairement la distinction entre les « spirituels » (les moines et le clergé), classe destinée à l’office divin, et les « charnels », ceux qui se marient et peuvent déposer leurs offrandes sur l’autel, payer les dîmes… (THION, 2005, p. 342). Une situation qui a perduré dans l’Église catholique jusqu’au Concile Vatican II. Cela indique déjà le défi d’un changement de mentalité, consolidé par des siècles d’histoire. Pour aggraver cette déviation, l’Église doit faire face à la question du style de vie moderne, qui laisse les gens avec de moins en moins de temps pour s’occuper de leur vie personnelle, et ici, la dimension spirituelle est la plus lésée.
Quelques initiatives ont été prises : la reconnaissance officielle par l’Église que la liturgie est un culte public, y compris la Liturgie des Heures :
L’exemple et le précepte du Seigneur et des Apôtres de prier toujours et avec insistance ne doivent pas être considérés comme une règle purement légale, mais découlent de l’essence intime de l’Église elle-même, qui est communauté et doit exprimer son caractère communautaire également dans la prière. Mais la prière de la communauté a une dignité spéciale, puisque le Christ lui-même a dit : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Mt 18,20). (PGLH 9)
Et plus loin, il est reconnu que « La Liturgie des Heures, comme les autres actions liturgiques, n’est pas une action privée, mais quelque chose qui appartient à tout le Corps de l’Église, le manifeste et le concerne » (PGLH 20), suivant un principe vital établi par Vatican II (SC 26). De plus, il reconnaît que la Liturgie des Heures est le sommet et la source de l’activité pastorale (PGLH 18), un domaine où les laïcs assument de plus en plus leur responsabilité. Cependant, la participation des laïcs à la prière des heures est encore très timide.
En ce qui concerne la langue, au Brésil, l’Ofício Divino das Comunidades (Office Divin des Communautés) a vu le jour il y a trois décennies, mais la participation du peuple reste timide[2]. Dans l’ensemble de l’Amérique latine, la pratique de la Leitura Orante (Lecture Priante) s’est également répandue, liée non pas tant à la Liturgie des Heures qu’à la pratique, également monastique, de la Lectio Divina. Il est urgent, cependant, que de telles initiatives soient approfondies par des experts en liturgie et des responsables communautaires, sans qui toute réflexion théologico-pastorale est compromise, et par des pasteurs véritablement engagés auprès des communautés chrétiennes.
Cependant, il est averti qu’il serait totalement illusoire d’attendre du chrétien contemporain un degré d’engagement similaire à celui des chrétiens des premiers siècles de la vie de l’Église. Néanmoins, c’est dans ce monde, à travers des avancées technologiques gigantesques qui offrent aux gens toutes sortes de divertissements, que l’Église continue d’être envoyée pour annoncer, témoigner et célébrer l’Évangile du Christ.[3]
Considérations conclusives
Tout au long du texte, nous avons cherché à conceptualiser, à montrer l’évolution historique, à présenter la théologie symbolique et les défis pastoraux de la Liturgie des Heures. Nous espérons ainsi avoir réussi à montrer le véritable esprit de cette forme de prière de l’Église, qui lui est essentielle. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il s’agit de quelque chose de véritablement évangélique et vital pour le cheminement des chrétiens, malgré toutes ses vicissitudes. Puisqu’il s’agit de l’exercice sacerdotal du Christ qui unit à lui son Épouse bien-aimée, l’Église, sous l’action de l’Esprit Saint, la Liturgie des Heures conserve sa force de sanctifier l’être humain et de consacrer le temps et toutes les activités humaines au Dieu de la vie, baignant le monde, à chaque heure, d’une vague de Prière.
Marco Antonio Morais Lima, SJ. Université Catholique de Pernambuco. Texte original en portugais. Soumis : 15/11/2021. Approuvé : 15/12/2021. Publié : 30/12/2021.
Références
AUGÉ, M. Liturgia. História, celebração, teologia, espiritualidade. São Paulo: Paulinas, 2005.
CONCÍLIO VATICANO II. Sacrosanctum Concilium. Constituição sobre a sagrada liturgia. Petrópolis: Vozes, 1968.
CONGREGAÇÃO DO CULTO DIVINO E DISCIPLINA DOS SACRAMENTOS. Liturgia das Horas. Petrópolis: Vozes; São Paulo: Paulinas/Paulus, 1995.
LEIKAM, R. M. La Liturgia delle Ore nei primi quattro secoli. In: CHUPUNGCO, A. J. Scientia Liturgica. Manuale di liturgia V. Casale Monferrato: Piemme, 2000. p. 90-130.
RAFFA, V. Liturgia das Horas. In; SARTORE, D.; TRIACCA, A. M. Dicionário de Liturgia. São Paulo: Paulus, 2004. p. 651-670.
TAFT, R. F. Teologia della Liturgia delle Ore. In: CHUPUNGCO, A. J. Scientia Liturgica. Manuale di liturgia V. Casale Monferrato: Piemme, 2000. p. 150-165.
[1] Voir à ce sujet le bref mais profond exposé de TABORDA, F. O Memorial da Páscoa do Senhor. Ensaios litúrgico-teológicos sobre a eucaristia. São Paulo: Loyola, 2009, p. 21-37.
[2] Sur l’Office Divin des Communautés, voir l’entrée correspondante dans cette même Encyclopédie.
[3] Beaucoup a été investi ces dernières années dans la création d’applications qui rendent disponible, en format numérique, l’ensemble de la Liturgie des Heures. D’autres formats, liés à la Lecture Priante, sont également disponibles, comme Lecionaltas, Passo a Rezar, Prayer walking, etc.