Les cinq conférences générales de l’épiscopat latino-américain

Les cinq Conférences générales de l’Épiscopat Latino-américain

Sommaire

Introduction

1 Conférence de Rio

2 Conférence de Medellín

3 Conférence de Puebla

4 Conférence de Saint-Domingue

5 Conférence d’Aparecida

Conclusion

Références

Introduction

L’Église catholique d’Amérique latine a connu une importante évolution depuis la fondation du Conseil Épiscopal Latino-américain (CELAM), cessant progressivement d’être une « Église miroir » pour devenir une « Église source », comme le disait Henrique Cláudio de Lima Vaz en se référant au Brésil, ce qui peut également s’appliquer à tout le continent (VAZ, 1968, p. 17-22). Dans ce processus, les conférences de l’épiscopat de la région ont été fondamentales. Au début, lors de la conférence de Rio de Janeiro en 1965, l’attention était davantage tournée vers le centre romain. Cependant, à partir de Medellín en 1968, il y a eu un véritable tournant, qui a affecté non seulement le catholicisme latino-américain et caribéen, mais aussi, principalement avec le pontificat de François, l’ensemble de l’Église catholique. Le présent texte propose une synthèse des axes principaux de chacune des cinq conférences[1].

1 Conférence de Rio

La première Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-américain a été convoquée par Pie XII et a eu lieu à Rio de Janeiro en 1955. Il l’exprime ainsi :

Il nous a semblé opportun, recueillant par ailleurs le vœu que nous a présenté l’Épiscopat de l’Amérique latine, que la Hiérarchie latino-américaine se réunisse pour réaliser l’étude approfondie des problèmes et des moyens les plus aptes à les résoudre, avec cette promptitude et cette plénitude que les nécessités exigent (PIO XII, 1955).

Le fait le plus notable de cette Conférence fut sans doute l’accord de création du Conseil Épiscopal Latino-américain (CELAM) : « La Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-américain a approuvé, à l’unanimité, de demander, et demande attentivement au Saint-Siège Apostolique, la création d’un Conseil Épiscopal Latino-américain » (DR 97). La mission qui lui est attribuée est de préparer les Conférences Générales de l’Épiscopat, ainsi que l’exercice de la pastorale organique à travers cinq sous-secrétariats (DR 97)[2].

Cependant, il faut également souligner que les évêques, instruits par les plus charismatiques, se sont réellement rencontrés en tant qu’évêques de la Grande Patrie et ont débattu des thèmes.

La plus grande limitation, cependant, fut que tant le président de la Conférence que son assistant étaient des Italiens élus par le pape, qui fut également celui qui donna le ton, l’orientation et la thématique. La lettre qu’il leur envoya avant les sessions fut presque littéralement le guide pour la Déclaration initiale et pour les Conclusions. Ainsi le reconnaissent les propres évêques : « les très importantes Lettres Apostoliques ‘Ad Ecclesiam Christi’ [qui] constituèrent pour nous la ‘Magna Carta’ des travaux et des conclusions de la Conférence » (DR, Déclaration). Cependant, cela ne doit pas être vu comme une ingérence, car les évêques étaient d’accord sur le fait qu’ils étaient, disons, les bras du pape.

Les nécessités, selon le pape et les évêques, étaient, avant tout, celles de l’institution ecclésiastique. Ainsi le témoignent-ils dans la Déclaration et le répétèrent-ils dans le document conclusif : « la Conférence a eu comme objectif central de ses travaux le problème fondamental qui afflige nos nations, à savoir : la rareté de prêtres ». Ils le qualifient de « nécessité la plus urgente de l’Amérique latine ». D’où l’insistance sur la promotion des vocations et leur préparation dans les séminaires, ainsi que, de manière plus générale, sur l’instruction religieuse. La valeur de la doctrine chrétienne ne pourrait être plus exaltée :

La Sainte Église, par disposition de Dieu, est la dépositaire de la doctrine chrétienne qui, fondée sur les principes éternels et indestructibles de la vérité divine, donne la solution à tous ces problèmes qui touchent, directement ou indirectement, la vie spirituelle et morale de l’homme, pour que celui-ci réalise pleinement sa condition de fils de Dieu et devienne digne des promesses du Ciel (DR, Déclaration).

Cette valeur de la doctrine et de l’institution ecclésiastique, qui en est la dépositaire, est si grande que, en recommandant ce qu’ils appellent les « Saintes Lettres », ils insistent sur le fait qu’il faut le faire « en soulignant les textes les plus importants et fondamentaux, comme ceux relatifs à la Primauté de Pierre, à l’infaillibilité du Magistère Ecclésiastique, à la valeur de la Tradition, etc. » (DR 72). Comme on peut le constater, la Bible et principalement les Évangiles ne sont pas la narration d’un événement salvifique, proclamé pour que nous nous y intégrions, mais un répertoire de textes qui ratifient le caractère sacré et l’autorité de l’institution ecclésiastique.

À partir de cette absolutisation de l’institution ecclésiastique, le Pape et par la suite les évêques se réfèrent aux ennemis. Citons le Pape :

Nombreux sont, malheureusement, les attaques des ennemis astucieux et, pour les repousser, une énergique vigilance est nécessaire : comme les tromperies maçonniques, la propagande protestante, les diverses formes de laïcisme, de superstition et de spiritisme, qui plus grave est l’ignorance des choses divines et plus endormie est la vie chrétienne, plus facilement se répandent, occupant la place de la vraie Foi et satisfaisant trompeusement les aspirations du peuple assoiffé de Dieu. À celles-ci s’ajoutent les doctrines perverses de ceux qui, sous le faux prétexte de justice sociale et d’améliorer les conditions de vie des classes les plus humbles, tendent à arracher de l’âme le trésor inestimable de la religion (PIO XII, 1955).

C’est pourquoi, pour les vaincre, ils insistent tant sur la diffusion de la doctrine et de la morale catholiques.

Tandis que la pénurie de prêtres se fait sentir, les laïcs sont encouragés à “militer dans une ou autre organisation d’apostolat, en pleine soumission aux directives et dispositions des Pontifes Romains et de la Sainte Hiérarchie” (PIO XII, 1955). Ils reconnaissent que

l’apostolat, bien que mission propre du prêtre, ne lui est pas exclusif, mais incombe également aux laïcs, par leur propre caractère de chrétiens, toujours sous l’obéissance des Évêques et des Curés et dans les formes et fonctions qui ne sont pas propres au ministère sacerdotal (DR 43).

Son contenu est absolument ecclésiocentrique :

en plus d’un effort continu pour conserver et défendre entièrement la foi catholique, il doit être un apostolat missionnaire de conquête pour l’expansion du royaume du Christ dans tous les secteurs et environnements, particulièrement là où l’action directe du prêtre ne peut pas arriver (DR 46).

Cependant, nous voulons souligner que, malgré tant d’intervention, ils reconnaissent ce qui sera plus tard souligné au Vatican II : la mission leur incombe en tant que chrétiens, c’est-à-dire par le baptême.

La problématique sociale est soulignée par le pape en raison de sa relation intime avec la vie religieuse : “le champ social : thème qui mérite la plus grande considération dans tous les peuples, mais dans les Nations latino-américaines, il y a des raisons particulières de réclamer la sollicitude pastorale de la Sainte Hiérarchie, car il s’agit d’une question intimement liée à la vie religieuse” (PIO XII, 1955). Les évêques, dans la même ligne, insistent sur le fait que le disciple du Christ doit voir cette problématique comme un devoir moral. La situation est vue fondamentalement du point de vue du sous-développement : “beaucoup de leurs habitants – notamment parmi les travailleurs des champs et des villes – vivent encore dans une situation angoissante” (DR, Déclaration). C’est pourquoi l’élévation des classes nécessiteuses se produira avec le progrès et y contribuer est un devoir moral pour le chrétien :

La pensée chrétienne, conformément aux enseignements pontificaux, considère comme un élément très important l’élévation des classes nécessiteuses, dont la réalisation énergique et généreuse apparaît à tout disciple du Christ non seulement comme un progrès temporel, mais comme l’accomplissement d’un devoir moral (DR, Déclaration).

Cette élévation, concernant les indigènes, est entendue comme un passage de la barbarie à la civilisation : “un travail persévérant pour que l’‘indien’ s’incorpore avec honneur dans le sein de la véritable civilisation” (DR, Déclaration). Comme on peut le voir, ils identifient la culture occidentale avec la culture et, par conséquent, les cultures indigènes avec la barbarie.

Concrètement, ils se réfèrent à la justice sociale, qui implique d’atteindre l’harmonie entre le capital et le travail : “résoudre ces problèmes, en cherchant principalement à établir l’harmonie chrétienne entre le capital et le travail” (DR 80). L’action de l’Église devrait s’orienter fondamentalement à imprégner le monde économique de sa doctrine et de l’esprit d’harmonie qui l’anime : “la présence active de l’Église est requise, afin d’influer sur le monde économique-social, en l’orientant avec la lumière de sa doctrine et en l’animant de son esprit” (DR, Déclaration).

Suivant le Pape, ils se réfèrent spécifiquement à “l’assistance spirituelle aux émigrants” (PIO XII, 1955).

Il n’y a aucune allusion aux causes de cette situation de manque de l’essentiel pour les majorités, ni – c’est clair – aucune dénonciation. Il semblerait que la diffusion de la doctrine chrétienne et l’accomplissement du devoir moral seraient suffisants pour réaliser un développement qui résoudrait essentiellement le problème. C’est pourquoi, Fernando Torres Londoño, après une analyse précise, dans laquelle il reconnaît tout ce qu’il y a de positif, conclut que cette première Conférence,

par son esprit, par les thèmes qu’elle a traités et par les conclusions auxquelles elle est parvenue, se situe dans la même trajectoire que le Concile Plénier Latino-américain de 1899. La Première Conférence montre une Église qui se pense et se conçoit encore en fonction d’elle-même et de ses structures cléricales (LONDOÑO, 1995).

2 Conférence de Medellín

Pour comprendre Medellín, il est nécessaire de comprendre son mode de production. À première vue, il semblerait que se retirer dans un séminaire, au centre d’une forêt, n’aiderait pas à assumer la réalité, mais l’isolement a provoqué l’émergence du groupe en tant que tel : les évêques, les experts et les observateurs se sont imprégnés des eucharisties et des conférences initiales, des groupes de travail et du partage des repas et du repos, de sorte que tous se sont laissés conquérir par le thème et l’ont abordé dans un même esprit. Ainsi, les différences, dans la plupart des cas, sont devenues internes et tous se sont ouverts pour contribuer au mieux à l’élaboration commune. “Au cours de deux semaines, environ 250 participants à l’assemblée, cardinaux, évêques, observateurs, religieux et laïcs hommes et femmes, ont tout partagé : le travail, la table et la liturgie” (SCATENA, 2019, p. 14). C’est pourquoi, à l’exception de deux chapitres (celui de la pastorale populaire et celui des élites), le reste possède une unité organique très difficile à atteindre dans des documents élaborés en groupe. Pour cette raison, “dans cette expérience, s’est imposée la mémoire de nombreux protagonistes, l’idée d’une effusion palpable de l’Esprit de la Pentecôte, comme l’a ensuite dit l’Argentin Pironio” (SCATENA, 2019, p. 12). Ou comme l’a souligné le cardinal Landázuri dans son discours de clôture :

Le nouveau Pentecôte dont nous avons souvent parlé à propos de cette réunion est la grande idée, le grand événement. La conscience prophétique, qui s’est éveillée et vivifiée ces jours-ci, est la nouvelle lumière pour l’Église, le nouveau Pentecôte pour la Grande Patrie. Un nouveau Pentecôte qui a eu lieu au moment même où l’Église latino-américaine a décidé d’affronter la nouvelle réalité latino-américaine au lieu de se regarder elle-même (SCATENA, 2019, p. 27-28).

En fait, le titre de la Conférence était : “L’Église dans la transformation actuelle de l’Amérique latine à la lumière du concile”, c’est-à-dire que le thème n’était pas elle-même, mais l’Amérique latine. L’Église était le sujet qui discernait – étant certainement partie du thème – et les évêques ont été capables d’interpréter de manière prophétique la transformation en cours, tant sur le plan social, économique et politique que sur le plan anthropologique, tant parmi les élites développementalistes, que parmi les professionnels solidaires et le peuple. Comme ils contemplaient la transformation en cours à partir de Jésus de Nazareth, ils la regardaient non pas de haut, mais à partir du peuple, de leur insertion solidaire en lui et, par conséquent, à partir du choix d’un mode de vie attentif à l’indispensable. Cette perspective a été si décisive que l’option pour les pauvres est devenue un axe transversal et la perspective pour voir et juger la réalité et l’action de l’Église, se reflétant principalement dans la considération des pauvres comme sujets dans la société (DM 2,27) et dans l’Église, et aussi dans l’engagement des évêques à être proches des pauvres et, dans une certaine mesure, à être pauvres eux-mêmes (DM 14 : La pauvreté de l’Église).

En effet, le titre de la Conférence était : “L’Église dans la transformation actuelle de l’Amérique Latine à la lumière du concile”, c’est-à-dire que le thème n’était pas elle-même, mais l’Amérique Latine. L’Église était le sujet qui discernait – faisant partie certes du thème – et les évêques ont été capables d’interpréter prophétiquement la transformation qui se produisait, tant sur le plan social, économique et politique que sur le plan anthropologique, tant dans les élites développementalistes que parmi les professionnels solidaires et le peuple. Comme ils contemplaient la transformation en cours à partir de Jésus de Nazareth, ils la regardaient non pas d’en haut, mais du point de vue du peuple, de son insertion solidaire en lui et, par conséquent, du choix d’un mode de vie attentif à l’essentiel. Cette perspective a été si décisive que l’option pour les pauvres est devenue un axe transversal et la perspective pour voir et juger la réalité et l’action de l’Église, se reflétant principalement dans la considération des pauvres comme sujets dans la société (DM 2,27) et dans l’Église, et aussi dans l’engagement des évêques à être proches des pauvres et, dans une certaine mesure, à être pauvres eux-mêmes (DM 14 : La pauvreté de l’Église).

La méthodologie de Medellín est de voir, juger et agir, mais en tenant compte de l’interaction des trois phases. Les personnes qui ont rédigé les documents étaient déjà dans une action pastorale. Elles y sont parvenues par une vision et une prise de position chrétiennes et c’est de là qu’elles contemplent la situation. C’est le point de départ des documents inspirateurs de Medellín. Ils les relancent sur l’Église et l’opinion publique d’une manière plus objective : en commençant par la vision de la réalité, en l’éclairant par la révélation chrétienne et en proposant les engagements qui découlent de la conscience de ce que Dieu nous demande pour répondre à cette situation. Il est clair que ceux qui ne partagent pas l’option ne partageront pas non plus leur vision du continent, même s’ils n’en rejettent pas les données.

Les documents voient la situation de l’Amérique Latine à travers des indicateurs qui la décrivent et des vecteurs qui indiquent ses lignes de force. Les indicateurs composent une situation de sous-développement. Quant aux vecteurs des forces sociales les plus organisées, ils vont dans deux directions : une modernisation développementaliste et une révolution structurelle. Cependant, sans coïncider avec aucune d’elles, il y a la prise de conscience et la mobilisation des masses populaires pour de meilleures conditions de vie, pour la surmontée des oppressions injustes et pour une plus grande personnalisation et socialisation.

Les documents incluent quatre diagnostics généraux de l’état de l’Amérique Latine et de sa dynamique, qui caractérisent de manière précise les aspects les plus décisifs du cadre latino-américain. Ils contiennent également une typologie des acteurs sociaux organisés (DM 7,5-8). En outre, ils décrivent la situation de la famille (DM 3,1-3), de l’éducation (DM 4,2-6), de la jeunesse (DM 5,1-3,9) et de l’impact des moyens de communication (DM 16,1-2.6). Mais surtout, dans le document sur la Paix, ils développent une vision structurelle du sous-continent. Ils se concentrent d’abord sur les tensions entre les classes : marginalité et frustrations croissantes, inégalités excessives, oppression et répression. Ils caractérisent la domination des classes supérieures sur les autres comme un colonialisme interne, et prévoient qu’il sera difficile de maintenir la paix en raison de l’insensibilité des “de là-haut”, de la prise de conscience croissante des “de là-bas” et de l’intérêt des révolutionnaires à exacerber les contradictions.

Ensuite, ils caractérisent comme néocolonialisme la situation de dépendance vis-à-vis des entreprises transnationales et du capital financier mondialisé, la qualifiant d’impérialisme international de l’argent. La distorsion du commerce international, la fuite des dividendes et des capitaux économiques et humains, l’évasion fiscale, l’endettement progressif et l’interventionnisme politique et même militaire seraient les indices les plus décisifs. Enfin, ils se réfèrent aux tensions entre les pays latino-américains et à la course aux armements.

Les évêques se distancient de ceux qui promeuvent des révolutions armées comme moyen de surmonter cette situation. Tout en reconnaissant la noblesse de leurs motivations, ils insistent sur le fait que les conséquences seront une aggravation de la situation (DM 2,15.19). Ils accusent ceux qui s’opposent aux réformes nécessaires d’être les causes des révolutions de désespoir qui pourraient survenir (DM 2,17). Ils proposent le développement intégral. Ils placent l’amour comme la grande force libératrice de l’injustice et de l’oppression et inspiratrice de la justice sociale, entendue comme une conception de la vie et comme une impulsion pour le développement intégral (DM 1,5). Ils comprennent le développement intégral comme le passage de conditions de vie moins humaines à des conditions plus humaines :

Le passage de la misère à la possession de ce qui est nécessaire, la victoire sur les calamités sociales, l’élargissement des connaissances, l’acquisition de la culture […], l’augmentation du respect de la dignité des autres, l’orientation vers l’esprit de pauvreté, la coopération au bien commun, la volonté de paix, […] la foi […] et l’unité dans la charité du Christ, qui nous appelle tous à participer comme enfants à la vie du Dieu vivant, Père de tous les hommes (DM Introduction,6 ; cf. DM 2,14a).

Ce processus nécessite des changements tant structurels que personnels. La situation “exige des transformations globales, audacieuses, urgentes et profondément renouvelantes” (DM 2,16). Cela implique de vaincre la peur des “sacrifices et des risques personnels que toute action audacieuse et réellement efficace implique” (DM 2,17). Le risque augmente en raison de l’opposition de ceux qui détiennent ce pouvoir injuste et oppressif. C’est pourquoi ils parlent de “l’énergie forte et pacifique des œuvres constructives” (DM 2,19). Ce sont celles qui sont mentionnées dans les documents sur la famille, l’éducation, la jeunesse et les laïcs. Ce sont aussi celles proposées dans les documents sur la Justice et sur la Paix, de caractère plus global, c’est-à-dire citoyen et politique, avec sa dimension économique inévitable.

Comme l’Amérique Latine se considérait comme un continent catholique, comme les gouvernants se comprenaient comme tels, et que les forces vitales du continent faisaient de même, se disant tous représentants de peuples catholiques, ce diagnostic leur a été intolérable. Ils ont alors entrepris une campagne virulente de persécution idéologique contre les évêques et les théologiens identifiés à cette ligne, les accusant de communistes.

La raison d’être et l’inspiration de base de ce document, ainsi que sa justification chrétienne, est que Jésus s’est incarné dans l’humanité. Par lui, qui s’est fait non seulement l’un de nous, mais spécifiquement notre Frère, Dieu s’est “engagé” avec l’humanité. De son côté, l’humanité ne peut se comprendre adéquatement sans référence à lui, non seulement comme Créateur, mais aussi comme Père, à travers son Fils unique, qui est devenu pour toujours notre Frère et précisément comme pauvre et, par conséquent, à partir des pauvres. C’est pourquoi, “toute ‘croissance en humanité’ nous permet de ‘reproduire l’image du Fils, afin qu’il soit le premier-né parmi une multitude de frères’” (DM 4,9).

Cette unité entre christianisme et humanité est ce que le document sur la Catéchèse insiste pour qu’elle soit mise en avant :

Sans tomber dans des confusions ou des identifications simplistes, il faut toujours exprimer l’unité profonde qui existe entre le plan divin de salut, réalisé dans le Christ, et les aspirations de l’homme ; entre l’histoire du salut et l’histoire humaine ; entre l’Église, peuple de Dieu, et les communautés temporelles ; entre l’action révélatrice de Dieu et l’expérience de l’homme ; entre les dons et charismes surnaturels et les valeurs humaines. (DM 8,4).

C’est pourquoi, en contemplant cette situation de l’intérieur, les évêques la qualifient de “violence institutionnalisée” (DM 2,16) qui constitue une situation de péché (DM 2,1). En effet,

La paix avec Dieu est le fondement ultime de la paix intérieure et de la paix sociale. C’est pourquoi, là où la paix sociale n’existe pas, où il y a des injustices, des inégalités sociales, politiques, économiques et culturelles, le don de la paix du Seigneur est rejeté ; plus encore, le Seigneur lui-même est rejeté (DM 2,14 c).

Comme on peut le constater, il ne s’agit pas d’une analyse purement sociale ni d’un jugement purement politique, mais d’une prise de position fondamentalement chrétienne.

C’est pourquoi l’alternative doit être de travailler pour que l’être humain assume sa dignité et sa responsabilité et, ainsi, s’engage à transformer les structures qui empêchent la vie et l’humanité de se développer :

L’originalité du message chrétien ne consiste pas tant dans l’affirmation de la nécessité d’un changement de structures, que dans l’insistance que nous devons mettre sur la conversion de l’homme. Nous n’aurons pas un continent nouveau, sans nouvelles et renouvelées structures, mais surtout il n’y aura pas de continent nouveau sans hommes nouveaux, qui, à la lumière de l’Évangile, sachent être véritablement libres et responsables (DM 1,3).

Ce qui caractérise le plus le Document, c’est son caractère responsable (TRIGO, 2018, p. 33-57) : ils attribuent à l’Église, dont ils sont responsables, l’équivalent de ce qu’ils pointent pour la société et, dans les deux domaines, ils sont prêts à le mettre en pratique, tant en tant que dirigeants qu’en tant que citoyens et membres du peuple de Dieu (DM Introduction 3). Avant tout, ils exhortent les privilégiés (DM 2,17), les passifs (DM 2,18) et les violents (DM 2,19), ainsi que les chrétiens, à assumer leur responsabilité et à promouvoir la paix en travaillant pour la justice (DM 2,14.16.22). Dans cette direction, doivent s’orienter les diverses expressions de la pastorale (DM 2,24), nos écoles, séminaires et universités (DM 2,25), la spiritualité des laïcs (DM 10,17) et la tâche de l’évêque (DM 15,17).

L’alternative doit commencer par un changement personnel (DM 1,3), qui est, simultanément, personnalisation et cohésion fraternelle (DM Introduction 4) et prise de conscience de la réalité (DM 2,7). À cela sont exhortés les éducateurs (DM 4,8 ; 5,14), ce qui, chrétiennement parlant, est une conversion (DM Message ; DM 14,17 ; 6,8.15). C’est pourquoi les évêques disent qu’il leur incombe d’éduquer les consciences dans tous ces aspects (DM 2,20-21) et aussi de promouvoir les habitudes communautaires en vue de la collaboration (DM 1,17). Cette conscience critique de la réalité est fondamentale pour les chrétiens (DM 1,6) et, par conséquent, une partie incontournable de la catéchèse (DM 1,17), car, pour connaître Dieu, il faut connaître l’être humain et en Jésus de Nazareth se manifeste le mystère humain (DM Introduction 1). Cette participation doit atteindre la politique comme exercice de charité (DM 1,16).

La proposition d’une éducation personnalisante (DM 4,4.8.11) s’exprime pour l’Église comme une nécessité de mettre en marche une catéchèse intégrale (DM 8,1.6). Ils proposent que soient participatives tant la société (DM 7,21 ; 5,1 ; 2,15 ; 1,7 ; 4,12 ; 1,12.16) que l’Église (DM 15,3.6 ; 5,13,14 ; 11,16.19). À la nécessité que la société se restructure à partir des communautés de base (DM 2,14.27) correspond celle que l’Église le fasse à partir des communautés chrétiennes de base (DM 15,10.13 ; 8,10 ; 6,14). Il y a aussi une correspondance entre la proposition de planification participative pour la société (DM 1,15 ; 7,21) et celle de la pastorale d’ensemble (organique) pour l’Église (DM 15,5.9.23 ; 9,13 ; 15,10). Cette même correspondance peut être observée entre les expressions sociétales selon les diverses cultures (DM 4,3 ; 5,11) et l’inculturation de la pastorale (DM 8,15 ; 6,1 ; 8,8 ; 9,7.10-11).

Une correspondance particulièrement pertinente et significative se trouve entre l’exigence que les élites cèdent leurs privilèges en faveur des plus démunis (DM 14,10 ; 2,5.17) et la décision de l’institution ecclésiastique de changer de destinataire privilégié, de condition sociale et de situation (DM 14,9.11.15.16).

Si l’on considère bien ce qu’a été la première conférence épiscopale, il sera facile de comprendre l’étonnement face à ces conclusions de Medellín, tant dans les médias et les intellectuels et, de manière plus générale, parmi les élites latino-américaines, que dans la curie vaticane et la chrétienté de l’Occident et du tiers monde. Une telle surprise a été particulièrement perceptible chez la majorité de l’institution ecclésiastique latino-américaine et des catholiques cléricalisés, qui, pour la plupart, n’avaient pas pris connaissance de la nouveauté du Vatican II ou ne s’étaient pas ouverts à elle et, par conséquent, n’ont pas pu accepter ce qui était, en réalité, sa réception créative et fidèle.

Le présupposé de tous était que, dans l’épiscopat latino-américain, il n’y avait pas de sujet avec une saine autonomie, avec une qualité chrétienne et une perspicacité historique. C’est pourquoi il n’était pas évident d’où provenait le document de Medellín. Il leur semblait impossible qu’il reflète la pensée et le sentiment, la position vitale et le discernement des évêques latino-américains. Pour cette raison, il est particulièrement digne de mention que le pape Paul VI, qui avait présidé l’inauguration de la conférence, lui ait accordé un vote de confiance et ait approuvé ses conclusions avant de les lire.

3 Conférence de Puebla

Cette méfiance de la curie romaine envers la direction que prenait l’épiscopat latino-américain s’est exprimée institutionnellement lorsqu’elle est intervenue dans le CELAM, en 1972, en imposant, par l’intermédiaire du nonce, López Trujillo comme secrétaire (COMBLIN, 2011, p. 147). Il a préparé le document de travail pour Puebla et a également proposé de coordonner la réunion. Cependant, le président de l’assemblée, Lorscheider, a soumis la question au vote et l’assemblée a rejeté les deux mesures. Bien que le discours initial du Pape ait imposé, dans une certaine mesure, les thèmes de Jésus-Christ, de l’être humain et de l’Église, l’assemblée a travaillé librement et a confirmé Medellín dans plusieurs textes (DP 12, 15, 25, 96, 142, 235, 260, 462, 480, 550, 590, 648, 1134, 1165, 1247). Cependant, toutes les orientations ne suivaient pas cette ligne. C’est pourquoi nous pouvons considérer le document comme un compromis entre les différents courants (TRIGO, 1979, p. 98-107).

La proposition de la minorité consistait à contraster le substrat catholique radical de la culture latino-américaine et le sécularisme de la culture universelle à venir et à opter pour une modernisation sans sécularisme. Le document, cependant, insiste de manière frappante sur le fait scandaleux que “dans des peuples de foi chrétienne enracinée, des structures génératrices d’injustice se sont imposées”, ce qui est “un signe accusateur que la foi n’a pas eu la force nécessaire pour pénétrer les critères et les décisions des secteurs responsables de la direction” (DP 437).

Pour commencer par la méthode, Puebla adopte la méthode de voir, juger et agir, utilisée à Medellín : elle commence par la vision pastorale de la réalité latino-américaine, continue avec les desseins de Dieu sur la réalité de l’Amérique Latine, poursuit avec les centres, les agents et les moyens d’évangéliser, et se termine par les options et actions préférentielles. Pour mettre en œuvre les conclusions de l’assemblée, elle propose un processus de participation éduquant “à une méthodologie d’analyse de la réalité, pour ensuite réfléchir sur cette réalité du point de vue de l’Évangile, opter pour les objectifs et les moyens les plus appropriés, et leur utilisation la plus rationnelle dans l’action évangélisatrice” (DP 1307).

La fondation théologique de la méthode est que le salut se produit dans l’histoire, mais l’histoire n’est pas l’épiphanie de Dieu. Ainsi,

pour que tout cela se fasse selon l’esprit du Christ, nous devons nous exercer au discernement des situations et des appels concrets que le Seigneur fait à chaque époque. Cela exige une attitude de conversion et d’ouverture et un sérieux engagement envers ce qui a été reconnu comme authentiquement évangélique (DP 338).

C’est pour cette raison qu’ils placent comme première option pastorale la propre conversion de l’Église, qu’ils concrétisent de manière très pertinente (DP 973-975).

Pour Puebla, la première cause de tous les problèmes est le système économique en place, qui ne considère pas l’être humain comme le centre de la société et, par conséquent, ne s’intéresse pas à atteindre une société juste (DP 64, 129). En fonction de cela, l’effet de ce système est la polarisation croissante entre riches et pauvres (DP 1, 28, 30, 38, 47, 129, 138, 494, 542, 778, 1135, 1207-1209, 1264). Comme à Medellín, les évêques qualifient cette situation de “péché” (DP 28, 70, 73, 281, 452, 487, 509, 1032) et proposent également la “conversion personnelle et des changements profonds des structures” (DP 30 ; cf. DP 436-438 et passim).

L’accent de Puebla serait mis sur les cultures et les idéologies. Comme tendance historique, ils disent : “la programmation de la vie sociale correspondra chaque jour davantage aux modèles recherchés par la technocratie, sans correspondance avec les aspirations d’un ordre international plus juste” (DP 129). Elle utilisera les mass media : ils “programmeront de plus en plus la vie de l’homme et de la société” (DP 128 ; cf. DP 1072-1073). Puebla capte le déplacement de la culture traditionnelle latino-américaine vers ce qu’elle appelle la “culture universelle émergente”, qui, poussée par les grandes puissances, “prétend être universelle. Les peuples, les cultures particulières, les divers groupes humains sont invités, et même obligés, à s’y intégrer” (DP 421). “L’Église n’accepte pas cette instrumentalisation de l’universalité qui équivaut à l’unification de l’humanité par une suprématie et une domination injustes et nuisibles de certains peuples ou secteurs sociaux sur d’autres peuples et secteurs” (DP 427). Cependant, elle reconnaît que cette culture a tout imprégné, de telle sorte que “l’on peut parler, à juste titre, d’une nouvelle époque de l’histoire humaine (GS 54)” (DP 393).

En ce qui concerne les idéologies, les évêques se réfèrent au libéralisme capitaliste (DP 47, 437, 452), au collectivisme marxiste (DP 48, 437, 543) et à la Sécurité Nationale (DP 49, 547-549). Comme visions inadéquates de l’être humain, ils mentionnent la déterministe (DP 308-309, 335), la psychologiste (DP 310), l’économiciste (DP 311-313), la consumériste (DP 311), la libérale (DP 312), la collectiviste (DP 313), l’étatiste (DP 314), la scientiste (DP 315).

Ils insistent sur les droits de l’homme et la dignité absolue de la personne humaine. Ils soulignent le non-reconnaissance de cette dignité (et, par conséquent, la violation massive de ses droits), la fondation de ces droits et la présentation positive de ce que signifie cette dignité, ainsi que l’explicitation de ce qu’il faut faire pour la sauvegarder et la promouvoir. C’est pourquoi ils dénoncent ce qui nie le plus radicalement la personne, c’est-à-dire les idolâtries de notre époque : l’argent et le pouvoir, combinés, qui agissent en cherchant à s’étendre et qui, pour cette raison, instrumentalisent tout le reste (DP 493-501). “Il est urgent de libérer nos peuples de l’idole du pouvoir absolu pour parvenir à une coexistence sociale dans la justice et la liberté” (DP 502). Pour cette raison, le document insiste sur le droit primordial de l’humanité aux biens de la terre, droit auquel sont subordonnés celui de la propriété privée et celui du libre commerce (DP 492, 542, 747, 1224, 1281).

Cette évangélisation doit pénétrer les cultures. Les évêques optent pour deux directions complémentaires : l’évangélisation de la culture qui a été forgée en Amérique Latine au cours de ces cinq siècles, par l’évangélisation de la religiosité populaire, qui en est la source la plus profonde, et des peuples, qui en sont les porteurs ; et, simultanément, l’évangélisation de la culture universelle émergente par l’évangélisation des bâtisseurs de la société pluraliste qui se forge de nos jours. Cependant, ils insistent également sur le fait que les pauvres sont aussi des sujets évangélisateurs :

L’engagement envers les pauvres et les opprimés et l’émergence des Communautés de Base ont aidé l’Église à découvrir le potentiel évangélisateur des pauvres, car ceux-ci l’interpellent constamment, l’appelant à la conversion et parce que beaucoup d’entre eux réalisent dans leur vie les valeurs évangéliques de solidarité, de service, de simplicité et de disponibilité pour accueillir le don de Dieu (DP 1147).

3 Conférence de Puebla

En outre, l’option pour les pauvres n’est pas seulement un des chapitres du document, mais un axe transversal qui le traverse complètement (TRIGO, 1979, p. 108-111). C’est pourquoi cet aspect de Puebla a une plus grande transcendance historique et, ayant été assumé par l’Église latino-américaine, il a été proposé à plusieurs reprises par le Pape Jean-Paul II à l’Église universelle. À Puebla, cette option est si cruciale que nous pouvons la considérer, avec la présentation de Jésus de Nazareth, comme ce qui dynamise, structure et unifie tout le document. Sa fondation théologique est particulièrement pertinente : Dieu prend leur défense et les aime, parce que “créés à l’image et à la ressemblance de Dieu pour être ses enfants, cette image est obscurcie et aussi bafouée” (DP 1142). Et il demande que nous regardions des visages très concrets que la pauvreté généralisée prend parmi nous (DP 32-39), afin que nous reconnaissions en eux “les traits souffrants du Christ, le Seigneur, qui nous questionne et nous interpelle” (DP 31). C’est pourquoi “le service des pauvres est la mesure privilégiée, bien que non exclusive, de notre suivi du Christ” (DP 1145). Le Christ, qui dans tout le document est sans équivoque Jésus de Nazareth, “est né et a vécu pauvre au milieu de son peuple d’Israël, a eu compassion des foules et a fait du bien à tous” (DP 190).

La mesure de l’intégralité de l’option pour les pauvres est la pauvreté évangélique qui est “exigée de tous les chrétiens” (DP 1148) et se caractérise par trois éléments : une attitude de confiance en Dieu ; une vie simple, sobre et austère, qui écarte la tentation de la cupidité et de l’orgueil ; et le partage des biens matériels et spirituels avec les pauvres (DP 1149-1150). Pour les évêques, “cette pauvreté est un défi au matérialisme et ouvre les portes à des solutions alternatives à la société de consommation” (DP 1152). Les évêques se réjouissent de voir que beaucoup de leurs enfants non pauvres vivent cette pauvreté chrétienne (DP 1151).

À partir de la liberté que donne la pauvreté évangélique, les propositions qui se dessinent ont du sens : la condamnation de la pauvreté antievangélique à laquelle est soumise la majorité de l’Amérique Latine, l’effort pour connaître de plus en plus les mécanismes qui causent cette tragédie et les dénoncer, la somme des efforts avec ceux qui luttent pour l’éradiquer et créer un monde plus juste et humain, le soutien aux travailleurs qui veulent être traités comme libres et responsables et participer aux décisions qui concernent leur vie, la défense du droit de créer leurs propres organisations (Cf. DM 2,27), et le respect et le soutien aux cultures indigènes (DP 1159-1164).

À partir de cette option, on comprend son message aux bâtisseurs de la société pluraliste. Nous soulignons deux éléments : le premier concerne la défense du salaire des travailleurs, du droit de s’organiser et de participer aux entreprises, et du droit plus général à une politique économique qui ne vise pas à réduire l’emploi ; le second concerne la justice dans le domaine spécifique des contrats, au-delà de leur légalité, il aborde la question plus générale de la destination primaire des ressources de la terre pour l’humanité en tant que grandeur réelle, en tant que sujet collectif, auquel est subordonnée la propriété privée.

Le service du peuple de Dieu aux peuples est l’évangélisation. Elle

fait connaître Jésus comme le Seigneur qui nous révèle le Père et nous communique son Esprit. Elle nous appelle à la conversion qui est réconciliation et vie nouvelle, nous conduit à la communion avec le Père qui fait de nous des fils et des frères. Elle fait naître, par la charité répandue dans nos cœurs, des fruits de justice, de pardon, de respect, de dignité et de paix dans le monde (DP 352).

Le document insiste sur le binôme de communion et de participation, tant comme structure de l’Église que comme mission à porter au monde. La raison en est que le Royaume “se réalise en quelque sorte partout où Dieu règne par sa grâce, son amour, vainquant le péché et aidant les hommes à croître jusqu’à atteindre la grande communion qui leur est offerte en Christ” (DP 226). Le dessein de Dieu est que les êtres humains construisent la communion “dans toute leur vie”, y compris “dans leur dimension économique, sociale et politique” (DP 215). Cette communion, qui est la production humaine la plus authentique, dans la perspective du plan transcendant, est “produite par le Père, le Fils et le Saint-Esprit”, car “c’est la communication de leur propre communion trinitaire” (DP 215). C’est pourquoi les formes de communion

humaine, dans leurs divers domaines, “sont animées par la grâce, prémices de celle-ci” (DP 218). Cependant,

le péché, force de rupture, empêche constamment la croissance dans l’amour et la communion tant à partir du cœur des hommes, que des diverses structures qu’ils créent, dans lesquelles le péché de leurs auteurs a imprimé sa marque destructrice. En ce sens, la situation de misère, de marginalité, d’injustice et de corruption, qui blesse notre Continent, exige du Peuple de Dieu et de chaque chrétien un véritable héroïsme avec son engagement évangélisateur, afin de pouvoir surmonter de tels obstacles (DP 281).

L’Évangile doit nous enseigner, face aux réalités dans lesquelles nous vivons immergés, que l’on ne peut actuellement en Amérique Latine aimer véritablement son frère ni donc Dieu, sans que l’homme ne s’engage au niveau personnel et, dans de nombreux cas, jusqu’au niveau structurel, dans le service et la promotion des groupes humains et des couches sociales les plus pauvres et humiliées, en assumant toutes les conséquences qui en découlent (DP 327).

C’est là que réside la sacramentalité de l’Église : être un signe crédible de communion. C’est pourquoi,

chaque communauté ecclésiale devrait s’efforcer de constituer pour le Continent un exemple de mode de coexistence où liberté et solidarité parviennent à s’unir, où l’autorité s’exerce avec l’esprit du Bon Pasteur, où une attitude différente face à la richesse est vécue, où des formes d’organisation et des structures de participation sont expérimentées, capables d’ouvrir la voie à un type de société plus humain (DP 273).

Pour faire partie de ce signe, les pasteurs sont au service de la Famille de Dieu en tant que frères : “Ils sont des frères appelés à prendre soin de la vie que l’Esprit suscite, librement, chez les autres frères. Il est du devoir des pasteurs de respecter cette vie, de l’accueillir, de l’orienter et de la promouvoir, même si elle est née indépendamment de leur initiative” (DP 249).

L’Évangile doit nous enseigner, face aux réalités dans lesquelles nous vivons, qu’il est impossible actuellement en Amérique latine d’aimer véritablement son frère, et donc Dieu, sans que l’homme s’engage au niveau personnel et, dans de nombreux cas, jusqu’au niveau structurel, dans le service et la promotion des groupes humains et des couches sociales les plus pauvres et les plus humiliées, en assumant toutes les conséquences qui en découlent (DP 327).

C’est là que réside la sacramentalité de l’Église : être un signe crédible de communion. C’est pourquoi,

chaque communauté ecclésiale devrait s’efforcer de constituer pour le Continent un exemple de mode de coexistence où liberté et solidarité parviennent à s’unir, où l’autorité s’exerce avec l’esprit du Bon Pasteur, où une attitude différente face à la richesse est vécue, où des formes d’organisation et des structures de participation sont expérimentées, capables d’ouvrir la voie à un type de société plus humain (DP 273).

Pour faire partie de ce signe, les pasteurs sont au service de la Famille de Dieu en tant que frères : “Ils sont des frères appelés à prendre soin de la vie que l’Esprit suscite, librement, chez les autres frères. Il est du devoir des pasteurs de respecter cette vie, de l’accueillir, de l’orienter et de la promouvoir, même si elle est née indépendamment de leur initiative” (DP 249).

4 Conférence de Saint-Domingue

Cette conférence a été célébrée pour le cinquième centenaire de la “découverte”. La démarche la plus logique aurait été de discerner ces cinq siècles, l’action du christianisme en eux et de faire des propositions pour renforcer le bon et surmonter le mauvais. Cependant, le Vatican est intervenu de telle manière que, sur le plan structurel, il ne s’agissait pas d’une conférence de l’épiscopat, puisque plus de la moitié des présents n’ont pas été élus par les évêques, le document de travail a été écarté, ceux qui la présidaient venaient de Rome et les normes aussi, et surtout parce qu’il n’a pas été permis de rédiger globalement ce que les groupes de travail ont élaboré et qui, à l’exception des doctrinaux, étaient dans la ligne de Medellín et Puebla et avançaient dans cette direction. Il n’a pas non plus été permis d’utiliser la méthode de voir, juger, agir, qui a été remplacée par une doctrine préconciliaire sur Jésus-Christ et l’Église. De peu l’assemblée n’a rejeté tout cela. Finalement, cependant, ce qui était possible a été restructuré et le résultat a été satisfaisant pour la majorité, étant donné que les chapitres sur la promotion humaine et la culture chrétienne semblaient des canaux adéquats pour la pastorale.

En outre, ni la séparation entre le lieu d’hébergement et le lieu de travail, ni l’hébergement de l’épiscopat dans des hôtels de luxe, qui ont continué à fonctionner comme tels, n’ont été favorables. En ce sens, ce fut le plus opposé à Medellín.

Le thème était “pousser, avec un nouvel élan, une Nouvelle Évangélisation qui se projette dans un plus grand engagement pour la promotion intégrale de l’homme et imprègne de la lumière de l’Évangile les cultures des peuples latino-américains” (DSD 1). La première partie, “Jésus-Christ, évangile du Père”, malheureusement, ne recueille pas la richesse de la connaissance vivante de Jésus de Nazareth par la lecture priante faite dans les communautés, une des grandes richesses du christianisme latino-américain qui s’est exprimée à Medellín et à Puebla. Elle ne dit même pas qu’il a été livré au procureur romain pour être crucifié comme subversif par les autorités religieuses, en particulier l’aristocratie sacerdotale, qui ressentait sa direction avec le peuple, ce qui minait son caractère institutionnel ; “tout le monde va après lui” (Jn 12,19). Ce qui est proposé est de

provoquer chez les catholiques l’adhésion personnelle au Christ et à l’Église par l’annonce du Seigneur ressuscité ; développer une catéchèse qui instruise correctement le peuple, expliquant le mystère de l’Église, sacrement de salut et de communion, la médiation de la Vierge Marie et des saints et la mission de la hiérarchie (DSD 142).

Comme on peut le voir, Jésus de Nazareth est remplacé par le ressuscité et la catéchèse, au lieu de se centrer sur le suivi de Jésus, est limitée à l’Église, à la hiérarchie et à la dévotion à Marie. C’est pourquoi, dans le document, la liturgie n’est pas la célébration de la fidélité dans le suivi de Jésus dans la vie historique, mais la source et le centre, à appliquer à la vie (DSD 34-35). Le doctrinarisme est tel qu’ils en viennent à affirmer que les “valeurs, critères, conduites et attitudes” de la religiosité populaire, qui “constituent la sagesse de notre peuple”, “naissent du dogme catholique” (DSD 36).

Cependant, il existe de nombreux textes récupérables : la nécessité d’une

nouvelle évangélisation surgit en Amérique latine en réponse aux problèmes posés par la réalité d’un continent où il y a un divorce entre foi et vie, au point de produire des situations criantes d’injustice, d’inégalité sociale et de violence. Cela implique de relever la formidable tâche de redonner de l’énergie au christianisme en Amérique latine (DSD 24).

Les évêques affirment que “le contenu de la Nouvelle Évangélisation est Jésus-Christ” (DSD 27). De nouvelles situations exigent de nouveaux chemins. Il ne peut manquer “le témoignage et la rencontre personnelle, la présence du chrétien dans tout ce qui est humain, ainsi que la confiance dans l’annonce salvatrice de Jésus” (DSD 29). Le christianisme et l’Église doivent “s’inculturer davantage dans le mode d’être et de vivre de nos cultures. (…) Ainsi, la Nouvelle Évangélisation continuera dans la ligne de l’incarnation du Verbe” (DSD 30).

La proclamation évangélique et la catéchèse doivent “se nourrir de la Parole de Dieu lue et interprétée dans l’Église et célébrée dans la communauté” (DSD 33). Elle se réalise :

“en diffusant son témoignage vivant surtout par la vie de foi et de charité” (LG 12). Le témoignage de la vie chrétienne est la première et irremplaçable forme d’évangélisation, comme Jésus l’a vigoureusement présentée à plusieurs reprises (cf. Mt 7,21-23; 25,31-46; Lc 10,37; 19,1-10) et les apôtres l’ont également enseigné (cf. Jc 2,14-18). (DSD 33)

Dans cette nouvelle évangélisation, ils demandent “que les baptisés non évangélisés soient les principaux destinataires de la Nouvelle Évangélisation. Celle-ci ne sera effectivement menée à bien que si les laïcs, conscients de leur baptême, répondent à l’appel du Christ à devenir les protagonistes de la Nouvelle Évangélisation” (DSD 97). C’est pourquoi il faut “éviter que les laïcs réduisent leur action au domaine intra-ecclésial, en les poussant à pénétrer les milieux socioculturels et à devenir les protagonistes de la transformation de la société à la lumière de l’Évangile et de la Doctrine sociale de l’Église” (DSD 98). “Une ligne prioritaire de notre pastorale, fruit de cette IVe Conférence, doit être celle d’une Église dans laquelle les fidèles chrétiens laïcs sont les protagonistes” (DSD 103).

Nous avons déjà insisté sur le fait que ce qu’ils disent sur la promotion humaine est fondamentalement pertinent. En premier lieu, ils affirment que

les droits humains sont violés non seulement par le terrorisme, la répression, les assassinats, mais aussi par l’existence de conditions de pauvreté extrême et de structures économiques injustes qui engendrent de grandes inégalités. L’intolérance politique et l’indifférence face à la situation de pauvreté généralisée montrent un mépris pour la vie humaine concrète que nous ne pouvons pas taire (DSD 167).

Ils le précisent de manière convaincante :

L’appauvrissement croissant auquel sont soumis des millions de nos frères, qui atteint des extrêmes intolérables de misère, est le fléau le plus dévastateur et le plus humiliant que vivent l’Amérique latine et les Caraïbes. Nous l’avons dénoncé à Medellín comme à Puebla et nous le faisons à nouveau aujourd’hui avec préoccupation et angoisse. Les statistiques montrent avec éloquence que dans la dernière décennie, les situations de pauvreté ont augmenté tant en termes absolus que relatifs. Nous, pasteurs, sommes profondément touchés de voir continuellement la multitude d’hommes et de femmes, d’enfants et de jeunes, et de personnes âgées qui souffrent le poids insupportable de la misère ainsi que diverses formes d’exclusion sociale, ethnique et culturelle ; ce sont des personnes humaines concrètes et irréductibles, qui voient leurs horizons se fermer de plus en plus et leur dignité méconnue.

Nous voyons l’appauvrissement de notre peuple non seulement comme un phénomène économique et social, enregistré et quantifié par les sciences sociales. Nous le voyons dans l’expérience de nombreuses personnes avec lesquelles nous partageons, en tant que pasteurs, leur lutte quotidienne pour la vie.

La politique néolibérale qui prédomine aujourd’hui en Amérique latine et dans les Caraïbes approfondit encore les conséquences négatives de ces mécanismes. En dérégulant de manière indiscriminée le marché, en éliminant des parties importantes de la législation du travail et en licenciant des employés, en réduisant les dépenses sociales qui protégeaient les familles des travailleurs, les distances dans la société se sont encore accrues (DSD 179).

C’est pourquoi ils affirment que “découvrir dans les visages souffrants des pauvres le visage du Seigneur (cf. Mt 25,31-46) est quelque chose qui défie tous les chrétiens à une profonde conversion personnelle et ecclésiale” (DSD 178). Le texte précise ces visages.

La conclusion est :

Assumer avec une détermination renouvelée l’option évangélique préférentielle pour les pauvres, en suivant l’exemple et les paroles du Seigneur Jésus, avec une pleine confiance en Dieu, une vie austère et le partage des biens. […]

Corriger les attitudes et comportements personnels et communautaires, ainsi que les structures et méthodes pastorales, afin qu’ils n’éloignent pas les pauvres, mais favorisent la proximité et le partage avec eux.

Promouvoir la participation sociale auprès de l’État, en réclamant des lois qui défendent les droits des pauvres (DSD 180).

Ils se réfèrent concrètement à la réalité du travail (DSD 186), l’évaluent chrétiennement et proposent des défis et des lignes pastorales cohérentes (DSD 182-185). Ils font de même pour les migrations (DSD 186-189) et en ce qui concerne l’ordre démocratique (DSD 190-193). Nous soulignons :

Corriger les attitudes et comportements personnels et communautaires, ainsi que les structures et méthodes pastorales, afin qu’ils n’éloignent pas les pauvres, mais favorisent la proximité et le partage avec eux. Promouvoir la participation sociale auprès de l’État, en réclamant des lois qui défendent les droits des pauvres (DSD 180).

Aussi en ce qui concerne le nouvel ordre économique (DSD 194-203), nous soulignons :

Encourager la recherche et la mise en œuvre de modèles socio-économiques qui conjuguent l’initiative libre, la créativité des personnes et des groupes, la fonction modératrice de l’État, tout en accordant une attention particulière aux secteurs les plus nécessiteux. Tout cela, orienté vers la réalisation d’une économie de solidarité et de participation, exprimée sous diverses formes de propriété (DSD 201).

De même, en ce qui concerne l’intégration latino-américaine (DSD 204-209), nous soulignons l’horizon :

Nous ressentons tous l’urgence d’intégrer ce qui est dispersé et de conjuguer nos efforts pour que l’interdépendance devienne solidarité et que celle-ci puisse se transformer en fraternité […] L’Église a conscience de son rôle singulier de protagoniste et de son rôle d’orientation quant à la formation d’une mentalité d’appartenance à l’humanité et à la promotion d’une culture solidaire et de réconciliation (DSD 204).

Nous considérons également pertinent ce qui est dit sur la famille, même si nous ne partageons pas l’insistance sur le fait que tout acte sexuel doit être ouvert à la procréation (DSD 210-227).

Le traitement de la culture souffre du même problème d’approche qu’à Puebla, car il prétend en quelque sorte identifier les signes d’identité catholique, massivement présents sur le continent, avec sa condition d’évangélisé. Je ne suis pas non plus d’accord avec la prétention qu’il existe ou puisse exister une culture chrétienne (DSD 229). L’évangélisation de la culture s’appuie, sans aucun doute, sur des éléments positifs, mais ne corrigera jamais totalement les éléments négatifs structurels. En outre, je ne suis pas d’accord pour dire que l’inculturation de l’Évangile consiste à introduire des valeurs (DSD 230) : c’est trop éthéré.

Je suis d’accord sur l’importance de la catéchèse, mais je suis d’accord avec le paradoxe qu’il existe “une ignorance de la doctrine à côté de vécus catholiques enracinés dans les principes de l’Évangile” (DSD 247). Ils insistent, et c’est pertinent de le faire, sur “présenter la vie morale comme suivi du Christ” (DSD 239). Cependant, pour cette même raison, il est faible que, en présentant Jésus, ils omettent sa vie concrète.

Il est précieux de souligner ce que signifie l’évangélisation de la culture noire :

Conscients du problème de la marginalisation et du racisme qui pèse sur la population noire, l’Église, dans sa mission évangélisatrice, veut partager leurs souffrances et les accompagner dans leurs aspirations légitimes à la recherche d’une vie plus juste et digne pour tous (249).

Il en va de même pour les cultures indigènes :

Contribuer efficacement à stopper et éradiquer les politiques tendant à faire disparaître les cultures autochtones comme moyens d’intégration forcée ; ou, au contraire, des politiques visant à maintenir les indigènes isolés et marginalisés de la réalité nationale (DSD 251).

En se référant à l’évangélisation des cultures modernes, les évêques soulignent dès le début “l’incohérence entre les valeurs du peuple, inspirées par des principes chrétiens, et les structures sociales génératrices d’injustices, qui empêchent l’exercice des droits humains” (DSD 253).

La caractérisation de la ville et la pastorale proposée pour elle révèlent un manque de compréhension plus profonde de sa réalité et d’adaptation à celle-ci (DSD 255-262).

“L’éducation chrétienne développe et assure à chaque chrétien sa vie de foi et fait que véritablement en lui, sa vie soit le Christ” (DSD 264). Affirme-t-on ce qui se passe ou ce que nous aimerions qu’il se passe ? Est-ce même envisagé dans ce que l’on appelle l’éducation catholique ?

Ce qui est affirmé sur l’éducation chrétienne est si pertinent qu’il serait bon qu’au moins cela soit pris en compte dans les processus d’initiation chrétienne :

l’éducation chrétienne se fonde sur une véritable anthropologie chrétienne qui signifie l’ouverture de l’homme à Dieu comme Créateur et Père, aux autres comme ses frères, et au monde comme ce qui lui a été confié pour en développer les potentialités, et non pour exercer sur lui une domination despotique qui détruit la nature (DSD 264).

Les défis de la réalité sont bien définis :

la réalité latino-américaine nous interpelle par l’exclusion de nombreuses personnes de l’éducation scolaire, même de base, par le grand analphabétisme qui existe dans plusieurs de nos pays ; nous sommes interpellés par la crise de la famille, première éducatrice, par le divorce existant entre l’Évangile et la culture ; par les différences sociales et économiques qui font que pour beaucoup, l’éducation catholique soit coûteuse, surtout aux niveaux supérieurs. Nous sommes aussi interpellés par l’éducation informelle reçue à travers de nombreux communicateurs non proprement chrétiens, par exemple, la télévision (DSD 267).

Il y a une conscience très réaliste de l’orientation de la demande :

On nous demande généralement, sur la base de critères sécularistes, d’éduquer l’homme technique, l’homme apte à dominer son monde et à vivre dans un échange de biens produits selon certaines normes politiques ; les minimales. Cette réalité nous interpelle fortement afin que nous puissions être conscients de toutes les valeurs qui y sont présentes et les récapituler dans le Christ (DSD 266).

Est-il possible de tout intégrer ou faut-il discerner ce qui est bon et ce qui ne l’est pas ? C’est pourquoi ils demandent un dialogue avec l’homme technique et avec l’humanisme chrétien, afin d’arriver à la sagesse chrétienne (DSD 268).

La fondation anthropologique sur laquelle repose le traitement de la communication est précise : “Chaque personne et chaque groupe humain développe son identité dans la rencontre avec les autres (altérité)” (DSD 279).

Le problème est bien défini :

Nous prenons conscience du développement de l’industrie de la communication en Amérique latine et dans les Caraïbes, qui montre la croissance de groupes économiques et politiques qui concentrent de plus en plus la propriété des divers moyens de communication entre quelques mains avec un pouvoir énorme, manipulant ainsi la communication, imposant une culture qui stimule l’hédonisme et le consumérisme et écrase nos cultures avec leurs valeurs et identités.

Nous voyons comment la publicité introduit souvent de fausses attentes et crée des besoins fictifs ; nous voyons aussi comment, en particulier dans la programmation télévisuelle, la violence et la pornographie abondent, pénétrant agressivement au sein des familles (DSD 280).

Ce qui est dit sur la communication sociale et la culture est suffisant, bien que l’on reconnaisse que ce n’est qu’un début (DSD 275-286).

Pour récapituler : “nous nous engageons à travailler sur : 1. Une Nouvelle Évangélisation de nos peuples. 2. Une promotion intégrale des peuples latino-américains et caribéens. 3. Une Évangélisation inculturée” (DSD 292). Ce sont les trois thèmes proposés par le Pape et adoptés par la Conférence.

5 Conférence d’Aparecida

Le titre de la Conférence d’Aparecida (2007) est “Disciples et Missionnaires de Jésus-Christ, pour que nos peuples aient la vie en Lui”, un titre qui exprime adéquatement notre être chrétien.

Le document tourne autour de la vie et le sujet qui la promeut est le collectif des disciples missionnaires, bien que le sujet transcendant soit Jésus-Christ. La première partie, “La vie de nos peuples aujourd’hui”, se présente comme le regard des disciples missionnaires sur la réalité ; la deuxième, “La vie de Jésus-Christ dans les disciples missionnaires”, développe leur vocation à la sainteté, leur communion dans l’Église et leur itinéraire de formation ; et la troisième, “La vie de Jésus-Christ pour nos peuples”, se réfère à leur mission de service en faveur de la vie, de la promotion de la dignité humaine, spécialement des pauvres, des souffrants et particulièrement de la famille et de ses membres de différents âges et responsabilités, concluant par un chapitre sur l’évangélisation de la culture.

L’objectif d’Aparecida est de “repensant profondément et relançant avec fidélité et audace sa mission dans les nouvelles circonstances latino-américaines et mondiales” (DAp 11). La nécessité de ce relancement dérive de la nouveauté de l’époque, qui exige de l’évangéliser et d’y inculturer l’Évangile. C’est pourquoi le document consacrera de nombreuses pages à sa caractérisation comme opportunité et risque pour la vie humaine, et pour la qualité humaine de cette vie et, plus spécifiquement, pour la foi chrétienne. Cependant, pour les évêques, une nouvelle évangélisation fondatrice est également indispensable en raison de la situation du catholicisme dans notre région. En fait, le document reconnaît que, dans la vie quotidienne de l’Église, “apparemment tout se passe normalement, mais en réalité, la foi s’use et se dilue en mesquinerie” (DAp 12). C’est pourquoi un “événement fondateur” est indispensable, lié à une “rencontre vivifiante avec le Christ” (DAp 13).

Cet événement concerne, d’une manière ou d’une autre, tous les catholiques : “Il nous appartient à tous de recommencer à partir du Christ, en reconnaissant que l’on ne commence pas à être chrétien par une décision éthique ou une grande idée, mais par la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne un nouvel horizon à la vie et, avec cela, une orientation décisive” (DAp 12). Par conséquent, la revitalisation du catholicisme “ne dépend pas tant de grands programmes et structures, mais d’hommes et de femmes nouveaux qui incarnent cette tradition et cette nouveauté, en tant que disciples de Jésus-Christ et missionnaires de son Royaume” (DAp 11).

À partir de cet objectif, le document affirme qu’il a été rédigé en continuité avec les Conférences précédentes (DAp 9, 16, 369, 396, 402, 446, 526), car elles ont également eu le même objectif d’actualiser l’Évangile dans leurs propres circonstances, afin de contribuer à ce que les peuples latino-américains aient une vie humaine selon l’humanité de Jésus-Christ.

Nous voulons souligner l’importance de connecter la rencontre avec Jésus de Nazareth à l’engagement envers son Royaume. Un engagement envers Jésus qui néglige la tâche du Royaume n’est pas un engagement envers lui, mais envers un Christ que nous inventons, puisqu’il a rejeté la proposition de Pierre de rester sur le Thabor à le contempler (Mc 9,5-8) ou celle de Madeleine de rester jouir de sa personne ressuscitée (Jn 20,16-18) et les a envoyés poursuivre la mission que le Père lui avait confiée (Jn 20,21). Ainsi, la rencontre avec Jésus ne peut être conçue comme étant dévotement avec lui (c’est en cela que consiste le piétisme), mais comme le suivi de sa mission avec son même Esprit (DAp 129-153).

La méthode consiste à partir du regard croyant sur la réalité pour y voir le passage de Dieu et ce qui s’oppose au monde fraternel des filles et fils de Dieu, c’est-à-dire, au Royaume que Jésus est venu instaurer, ou, dit autrement, en écoutant les signes des temps :

Les peuples d’Amérique latine et des Caraïbes vivent aujourd’hui une réalité marquée par de grands changements qui affectent profondément leurs vies. En tant que disciples de Jésus-Christ, nous nous sentons mis au défi de discerner les ‘signes des temps’, à la lumière de l’Esprit Saint, pour nous mettre au service du Royaume, annoncé par Jésus, qui est venu pour que tous aient la vie et ‘l’aient en abondance’ (Jn 10, 10) (DAp 33 ; cf. DAp 366).

C’est pourquoi la méthode adoptée, en continuité avec les conférences précédentes, est de voir, juger et agir :

Cette méthode nous permet d’articuler, de manière systématique, la perspective chrétienne de voir la réalité ; l’adoption de critères provenant de la foi et de la raison pour son discernement et son évaluation avec un sens critique ; et, en conséquence, la projection de l’action en tant que disciples missionnaires de Jésus-Christ (DAp 19).

La raison de cette séquence est que pour faire l’équivalent de ce qu’il a fait dans sa situation, ce qui signifie le suivre (cf. DAp 139), il est nécessaire non seulement de connaître sa façon de gérer sa réalité, mais aussi notre situation actuelle.

Il semble assez judicieux que le thème soit la vie, car en Amérique latine, la vie est menacée et bafouée de multiples façons. D’autre part, il existe, dans notre région, un désir indéniable de vie vraiment humaine. De plus, c’est pour cela que Jésus est venu dans le monde : pour que nous ayons la vie et, en plus, pour nous donner la vie avec sa vie (DAp 347-364).

Il est décisif que les chrétiens doivent être des disciples, car, comme le document le reconnaît avec un grand réalisme, “si de nombreuses structures actuelles génèrent la pauvreté, c’est en partie en raison du manque de fidélité aux engagements évangéliques de nombreux chrétiens ayant des responsabilités politiques, économiques et culturelles particulières” (DAp 501). Il est également judicieux d’unir la condition de disciple à celle d’envoyé, car Jésus a choisi des disciples pour qu’ils participent à sa mission. S’il les a eus à ses côtés, c’était pour que, dans la convivialité, ils s’imprègnent par connaturalité (cf. DAp 336) de sa mentalité, de ses attitudes et de sa manière de se relier. Il est également remarquable qu’il ne propose pas la mission comme la machinerie des entreprises pour vendre leurs produits, mais comme un événement “qui doit passer de personne à personne, de maison en maison, de communauté en communauté […], surtout parmi les maisons des périphéries urbaines et des zones rurales […], cherchant à dialoguer avec tous dans un esprit de compréhension et de charité délicate.” Et il continue en citant le Pape Benoît XVI : “si les personnes rencontrées sont en situation de pauvreté, il est nécessaire de les aider, comme le faisaient les premières communautés chrétiennes, en pratiquant la solidarité, pour qu’elles se sentent véritablement aimées” (DAp 550).

Le document spécifie les lieux où nous rencontrons Jésus de Nazareth : en premier lieu, dans les évangiles (DAp 247, 255), aussi dans la communauté (DAp 256), notamment parmi les pauvres (DAp 257), dans la religion populaire (DAp 258-265) et, bien sûr, dans la Cène du Seigneur (DAp 251).

À partir de cette rencontre personnalisée avec Jésus de Nazareth, on passe d’une Église cléricalisée à une autre, où tous sont des sujets qui s’édifient mutuellement et participent activement à la mission (DAp 154, 156, 159, 162). Le document expose les lieux de communion pour la mission : la paroisse comme communauté de communautés, les communautés ecclésiales de base et d’autres petites communautés, et les conférences épiscopales ; ensuite, il analyse comment chacune des vocations dans l’Église contribue à la communion.

Le document souligne que cette mission, par son engagement envers les pauvres et leur défense, a causé des martyrs, un texte attendu depuis Puebla :

Leur engagement en faveur des plus pauvres et leur lutte pour la dignité de chaque être humain ont entraîné, dans de nombreux cas, la persécution et même la mort de certains de leurs membres, que nous considérons comme témoins de la foi. Nous voulons rappeler le témoignage courageux de nos saints et saintes, et de ceux qui, même sans avoir été canonisés, ont vécu l’Évangile avec radicalité et ont offert leur vie pour le Christ, pour l’Église et pour leur peuple (DAp 98).

Le document thématise la relation entre Jésus et les pauvres de manière paradigmatique : “ils sont appelés à contempler, dans les visages souffrants de leurs frères, le visage du Christ qui nous appelle à le servir” (DAp 393). La raison en est que “tout ce qui a un rapport avec le Christ a un rapport avec les pauvres, et tout ce qui a un rapport avec les pauvres clame pour Jésus-Christ” (DAp 393). Ainsi, nous devons consacrer du temps aux pauvres en tant qu’amis et veiller à ce qu’ils soient les sujets de leur propre libération (DAp 394). C’est pourquoi, tout comme Jésus a vécu et proposé la réciprocité des dons,

les disciples et missionnaires du Christ promeuvent une culture du partage à tous les niveaux, en opposition à la culture dominante de l’accumulation égoïste, en assumant sérieusement la vertu de pauvreté comme style de vie sobre pour rencontrer et aider les besoins des frères vivant dans l’indigence (DAp 540).

Les pauvres eux-mêmes sont également encouragés par les évêques à cela (DAp 257, 265).

Pour cette raison, ils proposent une mondialisation alternative, “qui se fonde sur l’évangile de la justice, de la solidarité et de la destination universelle des biens, et qui surmonte la logique utilitariste et individualiste, qui ne soumet pas les pouvoirs économiques et technologiques à des critères éthiques” (DAp 474; Cf. DAp 64); “de nouvelles structures qui promeuvent une véritable coexistence humaine, qui empêchent la prépotence de certains et facilitent le dialogue constructif pour les consensus sociaux nécessaires” (DAp 384). Pour le permettre, ils proposent

de soutenir la participation de la société civile à la réorientation et à la réhabilitation éthique conséquente de la politique […], à la création d’opportunités pour tous, à la lutte contre la corruption, à la vigueur des droits du travail et syndicaux […], à promouvoir une régulation juste de l’économie, des finances et du commerce mondial (DAp 406).

Pour que tout cela soit possible, il faut dépasser la division entre le public et le privé, typique de la modernité, qui peut déclarer ces sujets comme affaires privées, sans transcendance. Au contraire,

quelle discipline d’intégrité morale nous est nécessaire, comprenant cette discipline dans le sens chrétien de la maîtrise de soi pour faire le bien, pour être serviteur de la vérité et du développement de nos tâches sans nous laisser corrompre par des faveurs, des intérêts et des avantages. Il faut beaucoup de force et de persévérance pour conserver l’honnêteté qui doit naître d’une nouvelle éducation rompant le cercle vicieux de la corruption existante (DAp 507).

Conclusion

Il faut néanmoins souligner la limitation du document d’Aparecida. Outre l’horizon qui, comme à Puebla, et encore plus à Saint-Domingue, conçoit le salut dans l’histoire et le célèbre dans les sacrements, principalement dans la Cène du Seigneur, deux autres horizons incompatibles apparaissent : la théologie des mystères et une version quelque peu fondamentaliste de la théologie kerygmatique. Il est nécessaire de dire que les textes les plus prophétiques ont été systématiquement supprimés par ceux qui avaient le contrôle final de la rédaction (par exemple, ce qui est dit des CEBs dans les n. 193-195 de la version originale approuvée par l’assemblée et ce qui est resté dans les n. 178-180 de la version définitive). Cela parce que ceux qui promeuvent des affirmations plus pieuses et transcendantes sont ceux qui sont le plus adaptés à cet ordre social. Tous renvoient à Jésus de Nazareth, mais certains se limitent davantage à son mystère (d’où l’abondance de citations de Jean) et sont enclins aux langages doxologiques, très abondants dans ce document, car pour eux, le contact primordial avec le Christ est le culte. D’autres, de leur côté, insistent sur le fait que le mystère de Jésus brille dans son histoire (d’où les références aux synoptiques), et c’est dans cette histoire que l’on doit découvrir son sens et, en la continuant, entrer en communion avec lui.

Les deux groupes valorisent la messe et l’aiment, mais les premiers la comprennent comme la rencontre fontale de laquelle ils vivent, et les seconds comme la célébration vivifiante et engageante du suivi dans la vie. Pour les premiers, le Royaume s’identifie à la personne de Jésus. Cela a deux conséquences : la première est que l’événement du royaume est un événement intra-ecclésial, dont la porte est le baptême et dont la nourriture est la Parole et les sacrements (par exemple, DAp 382) ; la deuxième, que la mission consistera à mettre en contact avec Jésus, pour qu’ils s’intègrent à l’Église, où est le salut. Pour les seconds, Jésus est certes interne au Royaume, mais la raison en est que c’est en lui et seulement en lui que nous sommes fils de Dieu et frères de tous les êtres humains (par exemple, DAp 139, 361).

L’objectif de ce texte est d’aider à la compréhension du document qui a été produit comme un compromis par ces deux groupes et, enfin, de favoriser la compréhension de l’Église latino-américaine pour nous situer consciemment en elle selon le don reçu.

Pedro Trigo, SJ. Faculté de théologie de l’Université Catholique Andrés Bello, Caracas, Venezuela. Texte original en espagnol.

Références

CELAM. I Conférence Générale du CELAM. Document de Rio de Janeiro (DR). Bogotá : CELAM, 1955. Disponible sur : https://www.celam.org/conferencias_rio.php. Accès : 30 août 2022.

CELAM. II Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-Américain. L’Église dans la transformation actuelle de l’Amérique latine à la lumière du Concile. Document de Medellín. Bogotá : CELAM, 1968. Disponible sur : https://celam.org/wp-content/uploads/2021/05/2-conferencia-general-medellin.pdf. Accès : 23 mars 2022.

CELAM. III Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-Américain. L’évangélisation dans le présent et l’avenir de l’Amérique latine. Document de Puebla. Bogotá : CELAM, 1979. Disponible sur : Document de Puebla. III Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-Américain (celam.org). Accès : 26 mars 2022.

CELAM. IV Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-Américain. Nouvelle évangélisation, promotion humaine, culture chrétienne. « Jésus-Christ hier, aujourd’hui et toujours. » Document de Saint-Domingue. Bogotá : CELAM, 1992. Disponible sur : IV (celam.org). Accès : 25 mars 2022.

CELAM. V Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-Américain. Disciples missionnaires de Jésus-Christ pour que nos peuples aient la vie en Lui. Je suis le chemin, la vérité et la vie. Document d’Aparecida. Bogotá : CELAM, 2007. Disponible sur : https://celam.org/wp-content/uploads/2021/07/5-conferencia-general-aparecida.pdf. Accès : 25 mars 2022.

COMBLIN, J. La signification théologico-pastorale de Puebla. In : AMERINDIA. Construyendo puentes entre teologías y culturas. Bogotá : San Pablo, 2011.

DUSSEL, E. Historia de la Iglesia en América Latina. Nova Terra, Barcelone 1964.

LONDOÑO, F. T. Rio de Janeiro 1955 : Fondation du CELAM. In : IHIg (Institut d’histoire de l’Église). Annuaire de l’histoire de l’Église V. Pamplona : Université de Navarre/Faculté de Théologie, 1996. p. 405-416.

PIO XII. Lettre apostolique Ad Ecclesiam Christi du Pape Pie XII aux évêques latino-américains. Rome : Vatican, 1955. Disponible sur : Ad Ecclesiam Christi, aux évêques latino-américains (29 juin 1955) | PIUS XII (vatican.va). Accès : 30 août 2022.

SCATENA, Silvia. Le « Sinaï » de Medellín : La conférence de 1968 comme « Nouveau Pentecôte » pour l’église latino-américaine. Revue latino-américaine de théologie, n. 106, p. 11-28, 2019.

TRIGO, P. Medellín, une proposition responsable. In Revue Latino-américaine de Théologie, n. 103, janvier-avril 2018, p. 33-57.

TRIGO, P. Puebla : un compromis historique. Nouvelle Société, n. 41, 1979, p. 98-107.

TRIGO, P. L’option de Puebla. SIC, n. 413, 1979, p. 108-111.

TRIGO, P. Lire Medellín aujourd’hui. In : L’espérance des pauvres vit, São Paulo : Paulus, 2003. p. 685-700.

TRIGO, P. Analyse du jugement dans le document de Medellín. In ITER, v. 76-77, mai/juin 2018, p. 153-212.

TRIGO, P. Medellín : une proposition responsable. In Revue Latino-américaine de Théologie, v. 103, janv./avr. 2018, p. 33-57.

TRIGO, P. Puebla, sur le peuple et son christianisme. In ITER, v. 78-79, janv./août 2019, p. 17-51.

TRIGO, P. Puebla : une expérience spirituelle. In SIC, v. 413, 1979, p. 107. Disponible sur : Puebla : une expérience spirituelle. Accès : 30 août 2022.

TRIGO, P. Saint-Domingue : IV Conférence Générale de l’Épiscopat L. A. : l’assemblée et le document. In SIC, v. 550, 1992, p. 445-455. Disponible sur : Saint-Domingue : IV Conférence Générale de l’Épiscopat L. A. : l’assemblée et le document. Accès : 18 août 2022.

VAZ, H. C. de Lima. Église reflet vs Église-source. Cadernos Brasileiros, Rio de Janeiro, n. 46, mars/avr. 1968, p. 17-22.

[1] Theologica Latinoamericana a déjà publié l’article « Les Conférences du Conseil Épiscopal Latino-Américain », texte de Sandra Arenas, avec une vue d’ensemble des Conférences et des thèmes abordés. Le présent article enrichit le précédent, offrant une autre clé de lecture.

[2] Dussel, dans son analyse de cette Conférence, se concentre principalement sur la manière dont, à partir de celle-ci, l’organisation de l’Église latino-américaine commence dans tous les domaines et à partir d’elle-même (DUSSEL, 1964, p. 186-190).