Bioéthique

Sommaire

1 Origine et identité de la bioéthique

2 Bioéthique Latino-Américaine

3 Bioéthique et Théologie

4 Bioéthique des situations limites de la vie humaine

5 Bioéthique Clinique

6 Bioéthique Sanitaire

7 Bioéthique Environnementale

8 Références Bibliographiques

La bioéthique est l’un des domaines du savoir moral ayant le plus d’incidence dans la société actuelle, en raison des défis éthiques de la gestion de la vie, de plus en plus présents dans les biotechnologies et leurs dynamiques politiques et économiques. L’Église a inclus la bioéthique dans son discours en se préoccupant du respect de la vie humaine naissante (techniques de reproduction artificielle, contraception, avortement, cryogenèse, statut de l’embryon humain) et terminale (euthanasie, soins palliatifs). Cet intérêt soulève le défi épistémologique des interfaces entre la théologie et la bioéthique. Il ne s’agit pas de formuler une bioéthique théologique, mais de discuter du rôle de la théologie dans le forum interdisciplinaire et séculier de la bioéthique.

1 Origine et identité de la bioéthique

Le mot bioéthique est né d’une perspective écologique chez Fritz Jahr (1927) et Van Renseleer Potter (1971), préoccupés par la survie de la vie sur la planète Terre en raison des répercussions du développement technologique sur l’environnement (écoéthique). À cette même époque (1974), André Hellegers se préoccupait de l’éthique médicale face aux défis de l’application des technologies médicales aux situations limites de la vie humaine. Pour cette raison, il a proposé un élargissement de l’éthique hippocratique qu’il a appelé bioéthique. Ainsi, dès le début, la bioéthique a eu deux origines : une écologique et une autre plus clinique. Cette dernière a eu plus de succès, car elle intéressait les hôpitaux et les entreprises biotechnologiques.

La bioéthique écologique (écoéthique), bien qu’oubliée à ses débuts, prend aujourd’hui de plus en plus d’importance. Un autre fait central pour l’émergence de la bioéthique a été la réaction aux abus dans les recherches cliniques sur les patients, dénoncés dans un article d’Henri Beecher (1966). Cette dénonciation a provoqué une réaction de l’opinion publique américaine, obligeant le gouvernement à créer la “Commission Belmont”, chargée de réfléchir à l’éthique de la recherche clinique. Après quatre ans, ils ont publié, en 1978, le document “Rapport Belmont”, avec trois principes éthiques : respect des personnes, bienfaisance et justice. Ils ont été adoptés par Beauchamp et Childress comme cadre pour l’éthique clinique, dans le célèbre livre Principles of Biomedical Ethics (1979), proposant l’autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice comme principes éthiques de la clinique, originant le paradigme principiste qui a prévalu dans la bioéthique. Cependant, penser que ces faits et personnes sont responsables de l’émergence de la bioéthique, c’est rester en surface, car son origine a des causes beaucoup plus profondes qui s’enracinent dans les dynamiques socioculturelles et politico-économiques de la gestion de la vie, qui ont marqué les XIXe et XXe siècles, analysées avec une grande maîtrise par Foucault dans ses analyses du biopouvoir. La bioéthique émerge comme une “herméneutique critique de ces dynamiques” (JUNGES 2011).

2 Bioéthique Latino-Américaine

En Amérique latine, la bioéthique a adopté une perspective critique et sociale dans la discussion des défis éthiques de la santé et de la vie, en formulant des modèles épistémologiques plus adaptés à cette réalité. La bioéthique principiste, importée dans les milieux médicaux de notre continent, résolvait les problèmes dans le “paradigme de l’autonomie”, comme si les dilemmes moraux se réduisaient à la question de recevoir les informations nécessaires pour donner son consentement. D’où la centralité et l’importance du “consentement éclairé” dans la résolution des problèmes éthiques liés à la santé humaine. Cette perspective ne prend pas en compte les conditions de vulnérabilité de la santé dans lesquelles se trouve la majorité de la population du continent latino-américain.

Cette constatation conduit à proposer le “paradigme de la vulnérabilité” comme modèle pour réfléchir aux questions éthiques de la vie. Le paradigme principiste de la bioéthique ne peut pas servir de directive morale pour la résolution des problèmes. Dans le paradigme de la vulnérabilité, les droits humains servent de références éthiques. Pour les sociétés asymétriques et inégales latino-américaines, la perspective politique de l’égalité et de l’isonomie, propre aux pays riches où les citoyens ont conscience et jouissent de leurs droits, ne peut pas s’appliquer. Pour ceux-ci, la revendication des droits se réduit à la défense de l’autonomie et de l’initiative individuelles contre le pouvoir de l’État. Là où cette conscience et cette jouissance plénières n’existent pas, les personnes souffrent de vulnérabilités sociales spécifiques contre lesquelles l’État a le devoir de protéger, en garantissant des droits sociaux prestataires.

En donnant forme à cette approche, la bioéthique de protection se constitue comme un modèle épistémologique plus adapté pour répondre aux conditions spécifiques et aux problèmes concrets de l’Amérique latine (SCHRAMM 2006). Cette bioéthique entend intervenir de manière critique dans les situations où des populations vulnérabilisées par les conditions sociales ne sont pas respectées dans leur dignité et leurs droits fondamentaux ne sont pas respectés. Ainsi, la bioéthique latino-américaine a adopté la même perspective que l’origine de la Théologie de la Libération : l’option préférentielle pour les pauvres.

3 Bioéthique et Théologie

Aux origines de la bioéthique, plusieurs théologiens étaient impliqués en raison de leur longue expertise en argumentation éthique et de leur engagement dans la discussion de problèmes d’éthique médicale dans le cadre de la morale catholique. Par la suite, il y a eu un mouvement d’indépendance des bioéthiciens par rapport aux théologiens, accentuant la sécularisation et le pluralisme dans la réflexion. Cela a obligé les théologiens à expliciter leur contribution spécifique dans un forum de discussion laïque, interdisciplinaire, plural et rationnel, sans arguments d’autorité (CADORÉ 2000). Le théologien n’a aucun protagonisme dans le débat et ne peut prétendre donner le dernier mot sur un problème donné. Sur un pied d’égalité, sa parole a la même valeur que toute autre intervention. Il doit être capable de se situer entre sa tradition théologique et la situation concrète pour laquelle, avec d’autres, il tentera de trouver une solution. Dans les mots de Jean-Paul II dans Fides et Ratio (48, 2), “à la parrêsia de la foi doit correspondre l’audace de la raison”, c’est-à-dire que l’affirmation courageuse et libre de la foi doit être alliée à la recherche audacieuse et créative de sa compréhension pour notre époque.

Pour comprendre la relation entre bioéthique et théologie, il est nécessaire de comprendre de quelle bioéthique et de quelle théologie il est question (JUNGES 2006). On peut développer une bioéthique casuistique propre aux comités qui tentent de trouver des solutions pour des cas cliniques ou de recherche. Pour formuler ces solutions, il faut avant tout une sagesse pratique dans la ligne de phronesis aristotélicienne. D’autre part, il ne peut manquer dans la bioéthique une perspective d’herméneutique critique qui réfléchit sur les questions de fond, les présupposés et les dynamiques biopolitiques impliquées dans les problèmes éthiques.

Si, au quotidien, il faut de la sagesse pratique et un sens du réalisme, à long terme, il ne peut manquer l’herméneutique critique pour une bioéthique de plus grande envergure et de plus grande consistance. Dans cette deuxième perspective, la théologie peut jouer un rôle important pour aider à réfléchir sur les conceptions de fond impliquées dans les solutions concrètes. Par conséquent, la théologie ne peut pas vouloir offrir des recettes toutes faites pour les problèmes concrets. La théologie adaptée à ce rôle assume donc la perspective publique, c’est-à-dire qu’elle réfléchit à partir de la foi dans l’espace social public, laïc et plural, distincte d’une théologie qui confirme les fidèles dans l’espace ecclésial et confessionnel.

Cette perspective publique de la théologie peut offrir des contributions importantes à la bioéthique, dans le sens d’aider à réfléchir et à interroger sur les questions plus profondes de la vie et de l’existence humaines, car une simple approche pragmatique de la bioéthique casuistique ne prétend ni ne réussit à aborder ces questions.  Par conséquent, la théologie ne peut pas vouloir offrir des recettes toutes faites ni se placer au niveau moral du “peut ou ne peut pas”, typique de l’approche juridique. Son rôle est de soulever des questions de fond et de réfléchir de manière critique. Sinon, comme le dit très bien le pape François (2013), nous n’annoncerons pas l’Évangile, mais quelques accentuations doctrinales et morales qui découlent de certaines options idéologiques” (EG 39).

Le rôle fondamental de la théologie, dans sa dimension publique, est d’ouvrir les participants à un forum de discussion à la fraîcheur originale, à la nouveauté de l’Évangile en éveillant et en activant une sensibilité éthique plus aiguë à l’égard de la vie, en déconstruisant une utilisation idéologique du message moral chrétien.

4 Bioéthique des situations limites de la vie humaine

Un exemple de la contribution réflexive de la théologie est dans l’évaluation éthique des situations limites de début et de fin de vie, ne prenant pas une position morale juridique du “peut ou ne peut pas”, mais menant à une réflexion profonde sur la question centrale éthique des limites de la vie. En ce qui concerne le début de la vie, il est nécessaire de réfléchir au “statut de l’embryon”. Selon Bourguet (2002), cette question se divise en deux : “l’embryon est-il un individu biologique de l’espèce humaine”, à laquelle la biologie répond, et, “étant un individu, mérite-t-il le respect dû à une personne humaine”, à laquelle l’éthique répond.

La négation de l’individualité biologique de l’embryon est liée à l’adoption de critères d’individualité adulte et de paramètres morphologiques déjà dépassés. L’individualité ne dépend pas d’un observateur, car il n’est pas possible de fixer un moment par des signes extérieurs, car c’est un processus continu. Par conséquent, on ne peut pas définir le statut de l’embryon en marquant un moment d’individuation par des signes extérieurs morphologiques de l’individualité adulte, car elle dépend d’un processus géré par des critères génétiques. L’individu est défini par son génome. L’apparition même de jumeaux monozygotes ne nie pas cette constatation, selon Bourguet (2002), car la première individualité n’est pas niée, mais une seconde en surgit, rendue possible par la pluripotentialité, séparée dans le temps.

Une fois l’individualité biologique de l’embryon définie, la deuxième question se pose : cet embryon mérite-t-il le respect dû à une personne. Ici, la personne n’est pas une catégorie ontologique, mais éthique. Cela signifie que la personnalité de l’embryon peut être définie par référence aux règles collectives (ordre juridique) ou dans la perspective de l’agent moral (ordre éthique). La difficulté de la première est que l’embryon n’est pas un alter ego qui peut participer au contrat social, accepté comme égal à moi. Il n’existe pas de symétrie, mais une asymétrie pour laquelle seule la perspective éthique est adéquate. Il s’agit de la position d’un agent moral par rapport à un individu humain, non égal à moi ni un autre sujet. Pour capter l’autre comme totalement autre, selon Lévinas, il est nécessaire de déposséder l’ego d’imposer des conditions pour la définition de l’autre. L’éthique part de l’asymétrie initiale et non de la symétrie, situation typique par rapport à l’embryon, individu biologique humain. Cela signifie assumer le paradigme relationnel, et non le paradigme individualiste-libéral des droits de chacun, pour penser la relation avec l’embryon. Selon Kant, l’humanité est le critère d’évidence qui a l’objectivité de la nature pour garantir la moralité du respect. Le respect de la personne est coextensif à tout être humain, faisant partie de l’humanité, sans qu’il soit permis d’imposer des conditions pour sa définition. Ainsi, l’embryon en tant qu’individu humain mérite le respect éthique dû à la personne.

Si le paradigme relationnel est adopté pour penser les situations limites de la fin de vie, quel est le sens du “processus de la mort”? Dans la perspective individualiste-libérale (libéralisme), le moment de la mort est un objet de décision autonome. Ici, il est possible de se demander comment la mort, moment de l’assomption de la totalité existentielle d’un être humain, peut être un objet de décision, toujours particulière. Il ne peut pas y avoir d’autonomie dans une décision de cette ampleur. Si le début de la vie se définit par sa processualité, sans qu’il soit possible de déterminer un moment, la mort est également un processus avec plusieurs étapes (KÜBLER-ROSS 1981).

Être autonome (autonomie morale) signifie devenir sujet de ce processus, en l’assumant dans la perspective de la vie comme un tout et des relations humaines qui ont tissé la vie. Le processus de la mort consiste à faire le bilan de la vie. C’est pourquoi le sujet mourant a besoin d’être accompagné par différents thérapeutes pour surmonter ses douleurs, recevoir la solidarité dans la solitude et la souffrance, et trouver un sens à ce processus. Viktor Frankl soulignait, par sa propre expérience, que la gravité et la densité d’une vie se révèlent dans la souffrance, par son caractère cathartique et interpelant. La théologie chrétienne, comme d’autres religions, a une longue expérience de l’offre de ressources symboliques et spirituelles pour faire face à ce moment. Mais la culture postmoderne individualiste-libérale ne trouve pas de sens à la souffrance et ne veut pas affronter son caractère cathartique et interpelant, préférant interrompre ce processus par l’euthanasie. Cette réflexion éthique rationnelle de défense de la dignité de l’embryon et du mourant est un exemple de la façon dont la théologie peut agir dans le contexte séculier de la bioéthique.

5 Bioéthique Clinique

Aujourd’hui, les relations entre médecin et patient sont définies éthiquement à partir du paradigme de l’autonomie, comme principe primordial de la bioéthique clinique, exprimé dans le consentement éclairé, à solliciter par le professionnel pour toute intervention sur le corps du patient. Les principes de bénéfice (procurer des bienfaits) et de non-malfaisance (ne pas causer de tort) sont définis dans leur applicabilité à partir de l’autonomie, et en cas de conflit entre ces principes et l’autonomie, la pondération, en général, penche pour ce dernier (BEAUCHAMP, CHILDRESS 2002). Il est clair que le professionnel ne peut accéder à une demande qui va à l’encontre d’une loi juridique ni accepter une demande d’intervention qui met directement en danger la vie du patient. La seule possibilité de véritable conflit éthique entre les principes est entre l’autonomie (recherche individuelle de biens personnels) et la justice (distribution collective de ressources communes), lorsqu’il existe une demande pour le bien de la santé d’un individu qui nuit à l’acquisition de ressources de base pour le collectif. En général, les médecins ont du mal à voir ce conflit, car ils ne pensent qu’au bien de leurs patients, réfléchissant rarement à partir de la “santé du collectif” (santé collective).

Pour que les principes de la bioéthique ne soient pas appliqués de manière mécanique en clinique, sans tenir compte du contexte ni des circonstances, Jonsen, Siegler et Winslade (1998) proposent d’analyser éthiquement un cas clinique, en tenant compte, d’une part, des indications du médecin et des préférences du patient concernant le cas et, d’autre part, de la qualité de vie du patient dans cette situation déterminée et des facteurs contextuels configurant le cas.

Ces quatre éléments permettent une application plus équilibrée et pondérée des principes de la bioéthique. Cependant, pour analyser le cas, il est nécessaire de considérer, en plus des éléments, les exigences éthiques qui s’y manifestent. Ces exigences sont exprimées par les différents modèles d’éthique, non exclusifs, mais complémentaires entre eux : l’utilitarisme, qui évalue l’action par ses conséquences ; l’approche libérale, qui a pour critère les droits subjectifs ; la perspective kantienne, qui propose comme exigence maximale le respect de la personne ; le point de vue rawlsien de la justice, qui pondère la relation entre égalité et différence pour atteindre l’équité ; et le modèle aristotélicien de la vertu, qui considère la moralité à partir des attitudes.

Dans l’analyse du cas clinique, il est bon de garder à l’esprit et d’évaluer toutes ces possibles exigences éthiques de l’action, non contradictoires entre elles. Sur le plan clinique, la théologie est invitée à contribuer avec les ressources symboliques de la riche tradition chrétienne concernant la confrontation à la douleur et à la souffrance.

6 Bioéthique Sanitaire

Un principe éthique fondamental pour les systèmes de santé : on ne peut pas prendre soin de la santé individuelle sans se préoccuper de la promotion de la santé collective ; ni protéger universellement la santé des populations sans un soin particulier pour la santé des individus. Ce présupposé est à la base de toute politique publique de santé et fonde ce que l’on pourrait appeler la bioéthique sanitaire, qui se propose de réfléchir aux défis éthiques de la santé collective. À l’échelle collective, il s’agit de créer des politiques publiques de prévention des risques qui protègent les populations des conditions socioculturelles et politico-économiques qui vulnérabilisent leur santé et des politiques de promotion de la santé, propices à des espaces de sociabilité qui permettent la reproduction sociale de la vie. Par conséquent, les politiques publiques visent à protéger la santé de la population contre les risques et à construire des conditions sociales qui concrétisent le droit à la santé du citoyen comme un devoir moral de l’État. Les principes éthiques qui régissent ces politiques et leur concrétisation dans un système de santé collectif sont l’universalité de l’accès (tous ont le droit à l’attention à leurs besoins), l’intégralité des soins (axée sur les besoins de la totalité de la personne et élargie par le réseau de soins dans la recherche de solutions) et l’équité dans la distribution des ressources budgétaires, humaines et technologiques selon les vulnérabilités et les besoins différenciés des groupes sociaux. La réalisation de ces principes, dans la concrétisation du droit à la santé et la protection contre les conditions sociales de vulnérabilité, se fait principalement dans les Unités de Soins de Base (UBS), portes d’entrée du système de santé, insérées dans le territoire et le contexte culturel de la population attachée à l’équipe de santé et responsables des soins primaires et longitudinaux des utilisateurs. La réalisation individuelle et collective du droit à la santé est une exigence de justice sociale à laquelle peut contribuer la réflexion théologique sur la justice du Royaume.

7 Bioéthique Environnementale

Martínez Alier (2009) identifie trois tendances de l’écologisme. L’“éco-efficacité économique” de la proposition de développement durable et de l’économie verte qui, sans remettre en question le système capitaliste actuel, offre des solutions à la crise, considérées comme efficaces, en cohérence avec les dynamiques économiques de ce système, considérant la nature comme un stock de ressources. La perspective est anthropocentrique, centrée sur les intérêts des êtres humains. Une autre tendance est le “culte du sauvage”, présent dans de nombreuses ONG écologistes du premier monde qui défendent une vision muséifiée de la nature, car elles luttent pour préserver certains écosystèmes comme intouchables sans présence humaine. Cette tendance est biocentrique, axée sur les intérêts des êtres vivants. Une troisième tendance est ce que l’on appelle l’écologisme populaire, typique des populations indigènes et paysannes d’Amérique latine, qui défendent la nature comme oikos, maison, lieu de survie et de reproduction sociale de la vie, ne permettant pas qu’elle soit réduite à un stock d’extraction de ressources, comme c’est le cas lorsque de grandes entreprises pétrolières, minières et agroalimentaires s’installent sur leurs territoires séculaires d’origine.

La lutte environnementale de ces populations est accusée par leurs gouvernants d’être contraire au progrès de leurs pays, alors qu’il est nécessaire de se demander quel développement et pour qui, car ces peuples autochtones défendent leur écosystème de durabilité biosociale en intégration avec les autres êtres vivants qui y habitent. Ils sont motivés par une perspective écocentrique, seule approche adaptée à l’éthique écologique et à la lutte contre la crise environnementale. Dans ce conflit, il existe une vision antagoniste et irréconciliable de la nature : comme stock de ressources pour l’extraction ou comme écosystème de survie et de durabilité vitale. Une autre version de l’écologisme populaire est le mouvement “Justice Environnementale” (ACSELRAD, MELLO, BEZERRA 2008) qui dénonce le rejet des dommages environnementaux des processus économiques industriels, agricoles et gouvernementaux vers les territoires des populations pauvres, qui souffrent des conséquences négatives du métabolisme social actuel de l’économie mondialisée.

L’injustice environnementale est le mécanisme par lequel les sociétés économiquement et socialement inégales destinent une plus grande charge de dommages environnementaux du développement aux populations marginalisées. Cette approche de l’écologisme populaire, qui conçoit la nature comme un environnement de durabilité écosystémique et dénonce le métabolisme social du rejet des dommages environnementaux vers des populations fragilisées, peut offrir une perspective écologique pour repenser d’une autre manière la théologie traditionnelle de la création (JUNGES 2001), concevant la nature créée non pas comme un stock de ressources, mais comme un écosystème vital pour tous les êtres vivants.

José Roque Junges, SJ, UNISINOS, Brésil.

8 Références Bibliographiques

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BEAUCHAMP TL, CHILDRESS JF. Principles of Biomedical Ethics. Oxford/New York : Oxford University Press, 1979.

BEAUCHAMP, T. L.; CHILDRESS, J. F. Principes d’Éthique Biomédicale. São Paulo : Loyola, 2002.

BEECHER, H. K. Ethics and Clinical Research. The New England Journal of Medicine, 274 (24), p. 367-72. 1966.

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CADORÉ, B. Le théologien entre Bioéthique et Théologie. La Théologie comme méthode. Revue des Sciences Religieuses, 74, p.114-29. 2000.

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JAHR, F. Bioethik : eine Übersicht der Ethik und der Beziehung des Menschen mit Tieren und Pflanzen. Kosmos, Gesellschaft der Naturfreunde, 24, p.21-32. , 1927.

JUNGES, J. R. Bioéthique Herméneutique et Casuistique. São Paulo : Loyola, 2006.

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______. La naissance de la bioéthique et la constitution du biopouvoir. Acta Bioethica, 17 (2), p.171-8. 2011.

JONSEN, A. R.; SIEGLER, M.; WINSLADE, W. J. Éthique Clinique. Une approche pratique des décisions éthiques en médecine clinique. 4e éd. New York : McGraw Hill, 1998.

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POTTER, V. R. Bioethics. Bridge to the Future. Englewood Cliffs : Prentice Hall, 1971.

SCHRAMM, R. F. Bioéthique sans universalité? Justification d’une Bioéthique Latino-Américaine et Caribéenne de Protection. In : GARRAFA, V.; KOTTOW, M.; SAADA, A. Bases conceptuelles de la Bioéthique. Approche Latino-Américaine. São Paulo : Gaia, 2006. p.143-57.